Impact de l’aérosol sur le cycle de vie des nuages de couche limite

Impact de l’aérosol sur le cycle de vie des nuages de couche limite

Bases théoriques 

La couche limite est la partie de l’atmosphère la plus basse qui s’étend de la surface terrestre jusqu’à une altitude allant de quelques centaines de mètres au dessus des océans à 1000 ou même à 2000 mètres au dessus des continents. Lorsque la surface est relativement uniforme, les propriétés de la CLN sont statistiquement homogènes sur des distances qui peuvent atteindre plusieurs centaines de kilomètres. C’est pourquoi il est courant d’examiner la couche limite comme une couche d’air infinie homogène horizontalement, et limitée selon la verticale par deux interfaces : la surface et l’inversion thermique qui sépare la couche limite de l’atmosphère libre. On peut alors considérer la CLN comme un système dont les échanges avec l’extérieur sont représentés par les flux aux interfaces.

Pour comprendre l’évolution de la couche limite nuageuse il est nécessaire d’introduire dans un premier temps quelques notions théoriques de base. Ainsi, ce paragraphe regroupe la présentation des constituants de la couche limite marine nuageuse, quelques notions générales sur les types d’énergie dans l’air atmosphérique et une description plus détaillée de deux processus physiques qui mettent en jeu l’aérosol et les particules nuageuses : les processus microphysiques et l’interaction rayonnement-particules. 

 Constituants

 Les trois constituants qui nous intéressent dans cette étude sont les gaz atmosphériques à l’exclusion de la vapeur d’eau, l’eau atmosphérique sous ses formes vapeur et condensée1 et l’aérosol atmosphérique. Formellement l’aérosol désigne toute suspension de matière condensée dans un gaz. On traitera cependant dans cette étude les particules d’eau liquide séparément et on les désignera par le terme d’hydrométéores. On réservera donc le terme d’aérosol pour les particules solides en suspension dans l’air. L’air humide de la couche limite est formé par le mélange de tous ces constituants. Le gaz atmosphérique est caractérisé par sa pression et sa température, tandis que l’eau atmosphérique est caractérisée par ses rapports de mélange en phases vapeur et liquide. L’eau nuageuse est représentée plus spécifiquement par sa distribution dimensionnelle. L’aérosol, quant à lui, est caractérisé par sa distribution dimensionnelle et sa composition chimique. Suivant la température et le rapport de mélange en eau totale, la vapeur d’eau qui dépasse le seuil de saturation se condense sous forme de gouttelettes nuageuses. La thermodynamique détermine la quantité d’eau condensée, et la microphysique traite de la distribution de cette quantité d’eau sur des hydrométéores de tailles variées. Leur rayon varie d’un micromètre à plusieurs millimètres pour les gouttes de pluie. Cependant, dans les stratocumulus, les plus grosses gouttes dépassent rarement la centaine de micromètres. Dans ce cas on parle plutˆot de bruine. Il faut noter que tant que le diamètre des gouttelettes est inférieur à la vingtaine de micromètres, leur vitesse de chute est faible. Les particules plus grosses précipitent, transportant ainsi une partie de l’énergie latente vers des niveaux inférieurs. Outre les échanges d’énergie sous forme de chaleur latente lors des processus de condensation/évaporation, les gouttelettes interagissent avec le rayonnement dans les domaines visible et infrarouge. L’aérosol contient des particules de dimensions qui vont du nanomètre pour les agglomérats de molécules, jusqu’à quelques dizaines de micromètres. Il est généralement distribué en trois modes : le mode de nucléation correspondant aux particules fraˆıchement formées qui vont jusqu’à quelques dizaines de nanomètres ; le mode d’accumulation formé d’agglomérats de particules dont les diamètres varient de quelques dizaines de nanomètres à quelques micromètres ; et le mode grossier qui regroupe les particules de taille supérieure à 2.5 µm. Seules les particules du mode grossier ont une vitesse de chute significative, ce qui limite leur durée de vie dans l’atmosphère. L’aérosol joue un double rˆole dans la couche limite : l’un sur le transfert du rayonnement, dˆu à son interaction avec les photons lumineux et l’autre dans la formation des nuages. Les particules d’aérosol interagissent avec le rayonnement par diffusion et par absorption. La diffusion dépend de la dimension, tandis que l’absorption dépend de la composition chimique de l’aérosol. Une partie de l’aérosol formé de particules hydrophiles donne naissance aux gouttelettes nuageuses. Ces particules sont généralement appelées noyaux de condensation nuageux (ou CCN, acronyme anglais pour Cloud Condensation Nuclei). 1Notre étude est limitée aux nuages chauds. L’eau condensée désignera donc ici seulement l’eau liquide.

 Variables thermodynamiques conservatives

 Dans une couche limite sèche, l’état du système est complètement déterminé par sa température T et sa pression p. Dans une couche limite nuageuse, ceci n’est plus valable à cause de l’eau atmosphérique et de ses changements de phase. L’état thermodynamique du système est déterminé dans ce cas par la pression, par le contenu spécifique en eau totale qt et par une température potentielle généralisée pour le cas humide. Le contenu spécifique en eau totale qt (kg/kg) représente une mesure de la quantité totale d’eau par unité de masse d’air atmosphérique. En l’absence de précipitation, il est donné par la somme des contenus spécifiques en eau vapeur qv et en eau nuageuse qc : qt = qv + qc, (2.1) o`u qv,c = mv,c/(mair sec + mv + mc), o`u mv,c sont les masses d’eau vapeur et d’eau condensée, respectivement, et mair sec la masse d’air sec dans le volume d’air considéré. Il faut noter que le rapport de mélange en eau totale rt = rv + rc est utilisé parfois à la place du contenu spécifique en eau totale qt . Les rapports de mélange rv et rc sont calculés par rapport à la masse d’air sec2 , tandis que les contenus spécifiques qv et qc le sont par rapport à la masse de l’air humide. Les masses d’eau vapeur et d’eau condensée étant de l’ordre du centième de la masse de l’air sec, la différence entre ces deux paramètres reste modeste. Les températures généralement utilisées pour caractériser la CLN sont soit la température potentielle équivalente θe, soit la température potentielle de l’eau liquide θl . On rappelle que la température potentielle est définie comme la température atteinte par une particule d’air sec lorsqu’elle est amenée de manière adiabatique d’un état caractérisé par (T,p) à un état caractérisé par la pression standard de l’atmosphère p0, θ = T( p0 p ) Rd/cp , (2.2) o`u Rd est la constante universelle pour l’air sec et cp est la capacité calorifique spécifique à pression constante. Les deux températures potentielles généralisées, qui se conservent lors de mouvements verticaux pseuso-adiabatiques, sont définies de manière similaire. La température potentielle équivalente, définie par Paluch (1979), s’exprime comme : θe = θ(1 + Lvrv cpT ), (2.3) o`u θ est la température potentielle et Lv est la chaleur latente d’évaporation. La température θe peut être considérée comme une température de condensation (Stevens, 2005b), car elle devient égale à θ lorsque toute l’eau se trouve sous forme condensée (rv = 0). Cette température est invariante aux changements de phase puisque l’augmentation de θ par les processus de condensation de l’eau vapeur est contrebalancée par une baisse de la quantité de vapeur rv. Un autre avantage de cette variable est qu’elle ne dépend pas de la quantité d’eau condensée. La température potentielle de l’eau liquide, introduite par Betts (1973), est définie comme : θl = θ(1 − Lvrc cpT ). (2.4) En absence d’eau condensée, la température θl se réduit à θ et elle peut être interprétée comme une température d’évaporation (Stevens, 2005b). Si l’air humide est saturé, la différence entre 2 rv = mv/mair sec et rc = mc/mair sec.   θl et θ représente la chaleur libérée lors du processus de condensation. La température θl reste de ce fait constante lors des changements de phase. L’intérêt d’utiliser ces variables vient donc du fait qu’en l’absence de précipitations, elles se conservent lors de mouvements verticaux pseudo-adiabatiques des masses d’air nuageux, dans lesquelles se produisent des changements de phase (Nicholls, 1984). En l’absence d’échanges d’énergie avec l’extérieur et en l’absence de précipitations, la couche limite nuageuse est donc caractérisée par des valeurs constantes de ces variables thermodynamiques. 

Energétique de la couche limite 

Les formes d’énergie 

Du point de vue énergétique, l’air atmosphérique est caractérisé par son enthalpie, son énergie potentielle de pesanteur et son énergie cinétique turbulente. Un autre terme important pour l’énergétique du système est la chaleur latente transportée par la vapeur d’eau et libérée lors des changements de phases. Les conversions continues entre ces différentes types d’énergie déterminent l’évolution thermodynamique de la CLN. Ainsi, des déséquilibres dans la distribution verticale de l’énergie potentielle vont conduire à la production d’énergie cinétique qui agira pour réduire les instabilités et ramener le système à un état d’énergie plus faible. Le système se trouvera alors dans des conditions neutres, parfois même stables. Pour une particule d’air humide de masse unitaire, • l’enthalpie est donnée par : h = (C d p + rvC v p + rcCl)T + cste, (2.5) o`u C d p , C v p , Cl sont les capacités calorifiques à pression constante de l’air sec, de l’eau vapeur et de l’eau liquide, respectivement. • l’énergie latente, liée aux changements de phase de l’eau entre vapeur et eau liquide, est définie par : el = rvLv. (2.6) Il est important de noter que dans une couche limite nuageuse, de l’énergie latente est transférée à l’enthalpie chaque fois que la vapeur d’eau se condense dans le nuage, et réciproquement, lorsque l’eau condensée s’évapore sous le nuage. • l’énergie potentielle de pesanteur se calcule comme : ep = gz + cste, (2.7) o`u z est l’altitude à laquelle se trouve la particule et g l’accélération de la pesanteur. • l’énergie cinétique turbulente (ou la TKE, acronyme anglais pour Turbulent Kinetic Energy) est définie par la somme des fluctuations des composantes de la vitesse du vent, e = u ′2 + v ′2 + w′2 . (2.8) La TKE est une mesure de l’intensité de la turbulence. Son évolution est contrˆolée par différents processus qui agissent comme sources et puits de turbulence dans la couche limite. Son bilan s’exprime par : ∂e ∂t = g θv w′θv ′ − (u ′w′ ∂u ∂z + v ′w′ ∂v ∂z ) − ∂w′e ∂z − 1 ρ ∂w′p ∂z − ǫ, (2.9) I II III IV V V I Chapitre 2. Couche limite marine nuageuse : état de l’art 20 o`u θv est la température potentielle virtuelle, u et v sont les composantes du vent moyen horizontal, p est la pression atmosphérique. Le terme I de l’équation 2.9 représente la tendance de la TKE. Le terme II représente la production thermique de turbulence. Il est proportionnel au flux de flottabilité. Ce flux est positif dans les régions o`u la couche limite est instable. Il constitue donc une source d’énergie cinétique turbulente. A l’inverse, il représente un puits de TKE dans les régions stables, o`u la TKE est dissipée sous forme d’énergie potentielle. Une autre source importante de mouvements turbulents dans la CLN est le cisaillement du vent. Le flux de la quantité de mouvement (u ′w′ + v ′w′) est toujours de signe opposé au gradient vertical du vent moyen ( ∂u ∂z + ∂v ∂z ) et donc le terme III de l’équation 2.9 est toujours positif. Il quantifie la production dynamique de turbulence. Le terme IV est le transport turbulent de TKE. Localement, suivant qu’il y a convergence ou divergence du flux, ce terme est source ou puits de TKE. Cependant, lorsqu’il est intégré sur toute l’épaisseur de la CLA, ce terme s’annule. A l’échelle de la CLA, le transport turbulent de TKE n’est donc ni source ni puits, mais plutˆot un terme de redistribution verticale de l’énergie cinétique turbulente. Le terme de présso-corrélation (terme V) exprime les échanges d’énergie cinétique entre les composantes de la vitesse de l’air. Son intensité est généralement faible. Enfin, la dissipation de l’énergie cinétique turbulente (terme VI) exprime la dissipation sous forme de chaleur des mouvements turbulents par les tourbillons de petite taille. 

Table des matières

1 Introduction
2 Couche limite marine nuageuse : état de l’art
2.1 Bases théoriques
2.1.1 Constituants
2.1.2 Variables thermodynamiques conservatives
2.1.3 Energétique de la couche limite
2.1.4 Principaux processus physiques
2.1.5 Les flux d’énergie aux interfaces
2.1.6 La couche limite parfaitement mélangée
2.1.7 Ecarts à la couche limite parfaitement mélangée : découplage
2.2 Couche limite réelle
2.2.1 Structure thermodynamique
2.2.2 Bilan de l’énergie cinétique turbulente
2.2.3 Le cycle diurne
2.3 Simulations numériques de l’effet indirect de l’aérosol
2.4 Conclusions : objectifs et méthode de travail de l’étude
3 Utilisation de la technique LES
3.1 Généralités sur les modèles LES
3.1.1 Représentation de la turbulence
3.1.2 Représentation de la microphysique
3.1.3 Représentation du transfert radiatif
3.2 Le modèle Méso-NH en mode LES
3.2.1 Schéma de turbulence
3.2.2 Schéma d’advection
3.2.3 Schéma microphysique
3.2.4 Code de transfert radiatif
3.2.5 Une nouvelle paramétrisation pour l’albédo de diffusion simple
4 Validation du modèle LES
4.1 Cas d’étude : le cycle diurne observé pendant FIRE I
4.2 Tests de sensibilité
4.2.1 L’albédo de diffusion simple
4.2.2 L’émissivité du nuage
4.2.3 Le schéma d’advection
4.3 Comparaison avec les observations
4.4 Conclusions
5 Impact de l’aérosol sur le cycle diurne
5.1 Simulations
5.1.1 Initialisation
5.1.2 Résultats
5.2 Discussion
5.2.1 Impact sur les processus
5.2.2 Le couplage avec le cycle diurne
5.3 Influence des conditions de grande échelle
5.3.1 Les forçages de grande échelle
5.3.2 Evolution des nuages précipitants
5.3.3 Evolution des nuages pollués
5.3.4 Impact de l’aérosol sur le cycle diurne : sensibilité aux forçages de grande échelle
5.4 Conclusions
6 Approche intégrale du cycle diurne de la couche limite nuageuse
6.1 Modèle de couche limite parfaitement mélangée
6.1.1 Introduction et méthodologie
6.1.2 Ecarts de la simulation tri-dimensionnelle par rapport au MLM
6.2 Le découplage dans la couche limite
6.2.1 Introduction et méthodologie
6.2.2 Les flux aux interfaces
6.2.3 La période de nuit 3-6 HL
6.2.4 La période de jour 9-12 HL
6.2.5 Critère de découplage
6.3 Conclusions
7 Conclusions et perspectives
7.1 Conclusions générales
7.2 Perspectives
Annexes
A Article sur la paramétrisation de l’albédo de diffusion simple
B Test de sensibilité à la taille du domaine de simulation
C Test de sensibilité au moment du changement de la CDNC
D Article sur l’impact de l’aérosol sur le cycle diurne des stratocumulus marins
Références Bibliographiques

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