Industrie musicale et place des marques

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Une communauté née d’une quête individuelle mais partagée, celle de la parfaite communion festive

Dès sa naissance, le mouvement techno s’est imposé comme étant un mouvement universel rassemblant un large public sans limite d’âge, de milieu social, de style vestimentaire ou d’orientation sexuelle. Mais alors si ce mouvement souhaite rassembler tout le monde sans critère particulier, qu’est-ce qui fait lien entre les individus et créé du sentiment communautaire ? C’est ce qui fera l’objet de cette sous-partie.

Naissance et propagation du mouvement dans différents contextes de jeunesses désabusées

Le XXème siècle marque l’avènement de la musique électronique. Grâce aux innovations techniques permises par les recherches de mathématiciens, informaticiens et autre ingénieurs, la création musicale va prendre un nouveau tournant. Tout comme l’amplificateur a permis l’émergence du rock, les machines électroniques vont permettre la naissance de la musique techno et house. C’est le manifeste futuriste L’art des Bruits10 de l’italien Luigi Russolo publié en 1913 qui le premier préfigure l’importance et l’influence que vont avoir la machine et l’électronique dans la composition musicale. Il explique en effet comment l’oreille humaine s’est accoutumée à son nouvel environnement sonore, urbain et industriel, empreint par l’énergie et la vitesse. Il juge alors l’électronique comme capitale pour étendre la palette sonore des instruments traditionnels et de « substituer le nombre limité de sons que possède l’orchestre aujourd’hui par l’infinie variété de sons contenue dans les bruits, reproduits à l’aide de mécanismes appropriés »11. Les expérimentations commencent alors dès les années 1910 avec des inventions comme le Thereminvox du russe Theremin, puis de la musique concrète du français Pierre Schaefer et bien sûr des premiers samplers – ou échantillonneurs – et synthétiseurs dans les années 1970. Le rapport à la machine prend alors une dimension nouvelle. La machine révolutionne le processus de création qui devient un vaste champ d’expérimentation dont les possibilités sont étendues à l’infini ; le but étant de donner une âme à la machine à travers les sons produits et leurs arrangements. Tout est permis : boucles12, échantillonnage de son, passer des morceaux à l’envers, en mélanger plusieurs… Grâce à la machine, la création n’a plus de limite. Car en plus de permettre une certaine liberté dans la création même, elle est aussi beaucoup plus facile à produire techniquement. Les équipements nécessaires deviennent de plus en plus abordables dans les années 1970-1980 si bien que certains passionnés vont pouvoir se constituer leurs propres home studios et travailler sur leur son de jour comme de nuit. Deux genres musicaux vont alors voir le jour aux Etats-Unis dans les années 1980 grâce à l’audace créative de quelques jeunes passionnés aujourd’hui adulés par tous les technophiles13 du monde entier : la house à Chicago en la personne de feu Frankie Knuckles, et la techno à Detroit sous l’impulsion de Juan Atkins, le pionnier, Derrick May, Kevin Saunderson et Jeff Mills.
Inspirée du disco et du blues, la house nait donc aux Etats-Unis, à Chicago dans les années 1980. Elle se développe dans les milieux marginaux comme les clubs gays qui dominent la nuit. C’est là qu’officient des DJs comme Frankie Knuckles qui y voient l’opportunité d’expérimenter de nouvelles sonorités. En parallèle de ce genre naît la techno dans la capitale d’un état voisin : Détroit, dont l’histoire musicale découle de l’histoire économique. Surnommée Motor-City ou Motown, Detroit a été fondée en 1701 par le français Antoine de Lamothe-Cadillac et est devenue la capitale mondiale de la production automobile suite à l’implantation de trois grandes firmes : General Motors, Ford et Chrysler. La ville est donc d’abord connue pour son paysage industriel constitué d’usines automobiles, mais elle a également joué un rôle majeur dans l’histoire de la musique, histoire intimement liée aux fluctuations économiques de la ville. Détroit a en effet été le berceau de plusieurs genres musicaux dont le neo-soul, la punk et la techno. Cela a d’abord commencé par un renouveau de la musique noire américaine avec le lancement du label Motown en 1959 qui révèlera d’illustres artistes tels que Stevie Wonder, Marvin Gaye, Diana Ross ou encore les Jackson 5. Le développement de ce label se fait durant l’âge d’or de Détroit et de l’industrie automobile américaine, mais la ville va bientôt connaitre un revers dont elle ne s’est toujours pas sortie aujourd’hui. A partir de la fin des années 1960-début des années 1970, la ville connaît un déclin de son industrie entraînant ainsi de graves conséquences économiques. Détroit connaît alors un taux de chômage record ainsi qu’un exode massif, notamment des classes moyennes blanches, livrant ainsi de nombreuses friches industrielles à une jeunesse pauvre et désœuvrée. Certains trouvent alors refuge dans la musique, et à l’image des rappeurs qui fixent leurs ressentiments dans la rime, eux transposent leur colère et leur frustration dans leur art à l’aide de claviers, samplers et platines. Cependant, en plus de devoir se battre contre leur destin, cette jeunesse mélomane doit également faire face aux majors qui ayant repéré ce nouveau courant tente de s’en emparer. Elles promettent alors des contrats juteux aux artistes à conditions que ceux-ci respectent quelques prescriptions comme l’introduction de voix sur la musique techno pour la rendre plus facile d’accès et pouvoir la diffuser sur les ondes. Or c’est non négociable pour les artistes puisque cela reviendrait à dénaturer leur musique. Des artistes comme Jeff Mills vont alors prôner la résistance face aux grosses maisons de disque. Ce dernier créé donc son propre label qu’il nomme symboliquement U.R. – à prononcer « you are » et qui signifie Underground Resistance. Sa volonté : créer une véritable révolution sonore pour aider les artistes noirs à surmonter les difficultés imposées par la société. C’est donc là que se trouvent les racines d’un esprit non-marchand et libertaire du mouvement techno.
La techno arrive sur le Vieux Continent en 1987 par le Royaume-Uni. En pleine ère Thatcher, la musique techno offre à une jeunesse également touchée par le désœuvrement et la précarité une bouffée d’air frais. Tandis que la loi oblige les clubs à fermer à 2h00 du matin, les raves s’organisent dans des lieux industriels ironiquement abandonnés suite au plan économique de la Première Ministre. On y danse sur de la musique techno et c’est une nouvelle façon de faire la fête, un moyen d’oublier son quotidien pendant une période de temps plus longue. Idem en Allemagne où la techno arrive avec la chute du Mur de Berlin. « Lorsque le Mur est tombé, ça a fait boum, et il s’est passé la même chose au niveau musical. »14 explique le DJ berlinois Tanith. La musique devient alors le moyen de réunir jeunes de l’Ouest et jeunes de l’Est pourtant élevés dans des conditions bien différentes. Les artistes et organisateurs de raves de l’Ouest cherchent leurs lieux de rêves dans la partie Est de la ville. Les jeunes de l’Est pour leur part découvrent de nouvelles libertés et un nouveau mode de vie et ils se perdent dans les raves pour oublier leurs préoccupations quant au futur. En France, c’est en 1990 que la mode des raves fait son apparition. Le pays devient la terre d’exil des organisateurs de raves britanniques chassés par les autorités de leur pays. Mais plus qu’un contexte économique difficile, c’est plutôt une vie nocturne morne qui désenchante les jeunes. Le rock’n’roll monopolise les ondes depuis quelques décennies, la plupart des clubs sont encore très guindés avec une entrée onéreuse et la tenue correcte exigée. La techno et les raves arrivent alors comme une vague électrisante rassemblant un public hétérogène de curieux tous désireux de faire la fête – gays, rockers, gothiques, roots, acteurs du monde de la mode…
La house puis la techno sont donc deux genres de la musique électronique nés dans des contextes marginaux – ou underground – et de jeunesses défavorisées. Face à un destin sombre sans échappatoire, des passionnés vont mettre leur âme dans leurs machines et ainsi déclencher une véritable onde sonique qui va traverser l’Atlantique et toucher les jeunesses européennes dans des situations plus ou moins similaires, en quête de sens et de communion festive. La House Nation était née.

« One Nation under a Groove » : Le concept de communauté et son application au mouvement techno originel

D’après les définitions que l’on trouve dans le Larousse ou le Littré, le concept de communauté fait référence au « caractère de ce qui est commun »15 et désigne donc un ensemble de personnes faisant partie d’un peuple, d’une région ou d’une nation, ou à des personnes liées par des passions ou intérêts communs. Bien évidemment, les technophiles sont liés par un intérêt commun pour la musique techno et house, mais il semblerait qu’il y ait quelque chose de plus fort qui les unissent. Le terme de House Nation est d’ailleurs très révélateur. S’il est difficile de retracer l’origine de l’expression, il semblerait qu’elle était déjà utilisée à la fin des années 1980. Avec le mot « nation »
– mot anglais transparent, on compare les amateurs de musique techno et house à un corps de personnes vivant sur le même territoire, partageant les mêmes valeurs et ayant des intérêts communs. Si les technophiles ne vivent pas forcément sur le même territoire, ils manifestent tout de même un sentiment d’appartenance à un groupe ; et cela se traduit dans leurs comportements. Nombre de sociologues, ethnologues ou anthropologues comme Jean-Louis Bischoff ou Anne Petiau ont d’ailleurs choisi d’étudier le mouvement techno sous l’angle du fait religieux. Ils ont ainsi pris pour objet d’étude les ravers dans leur environnement, la rave, et ont analysé leurs observations à la lumières des enseignements d’Emile Durkheim et de son ouvrage Les formes élémentaires de la vie religieuse : le système totémique en Australie. Ils comparent ainsi les raves et fêtes technos à des fêtes rituelles. En effet, Durkheim étudie les formes les plus élémentaires et primitives de religions et d’attitudes rituelles. Si la fête techno n’est pas une religion à proprement parler, elle peut en présenter des caractéristiques qui mettraient en lumière sa dimension communautaire. A l’image d’un rassemblement religieux, les technophiles se réunissent dans un espace/temps délimité pour être ensemble et recevoir l’œuvre d’un DJ/artiste à la manière d’une communion. Le terme « communion » désigne d’abord dans la religion chrétienne la « partie de la messe où les participants reçoivent le corps et le sang du Christ sous les espèces du pain et du vin »16. La communion est donc considérée comme l’union des croyants entre eux par le biais de leur foi ; c’est recevoir l’amour divin pour comprendre sa place dans la trinité. Par extension, le terme de « communion » signifie donc le « parfait accord d’idées et de sentiments »17, l’union dans le partage d’une même croyance et/ou d’une même expérience. La communion festive que recherchent les participants à la fête techno s’exprime donc par l’union dans le partage d’une expérience sensorielle voire spirituelle. La musique est ainsi la matière sacrée que viennent recevoir les participants lors d’une grande fête présidée par le DJ à la manière d’un prêtre – idée que nous développerons dans le point suivant. Cependant, si les membres d’une communauté religieuse louent un ou plusieurs dieux, ce que célèbrent les technophiles en se réunissant, c’est la musique et rien que la musique. Le DJ n’est bien que le prêtre ou le chaman qui conduit la cérémonie. En effet, même si le mouvement techno est né dans des contextes de jeunesses pauvres et désabusées, celui-ci n’émet aucune revendication si ce n’est le droit de faire la fête. Souvent sans voix et donc sans paroles, la techno, ne cherche à faire passer aucun message. La house pour sa part comporte souvent des voix mais plutôt destinées à faire l’apologie de la House Nation et de ses valeurs PLUR18 – Peace, Love, Unity, Respect. Le mouvement se veut en effet libertaire et ouvert à tous, sans discrimination d’âge, de race, de sexe ou de classe. Il cherche à unir et réunir. Il se veut universel. Ainsi, la valeur ajoutée de la fête réside dans le fait de faire une expérience individuelle mais vécue ensemble, au milieu d’une foule qui ressent les mêmes émotions au même moment. Cette sensation qui se manifeste par des réactions communes de chaque membre des participants à ce qui se passe dans la musique – des cris à l’arrivée d’une montée, des applaudissements lorsqu’une prouesse technique est réalisée etc… Cela créé ainsi un fort sentiment d’appartenance liant les participants entre eux en une même communauté.
La musique est donc le ciment qui maintient tous les éléments de la fête ensemble, c’est pourquoi le son ne doit jamais s’arrêter. Le DJ est celui qui est chargé de mixer les morceaux entre eux pour ne plus former qu’une seule unité sonore qui borne le temps de la fête. Les technophiles n’ont plus conscience du temps et peuvent danser des heures, généralement entre minuit et six heures du matin, voire plus tard si la fête se prolonge par un after19. La seule chose qui le matérialise est la timetable, c’est-à-dire les horaires de passage des DJs. Le temps n’est alors plus linéaire mais cyclique, des boucles20 de la musique à la succession des événements chaque week-end, tout comme peut l’être le calendrier d’une religion avec ses fêtes et ses rites. Ayant lieu chaque week-end, les fêtes sont en effet pour beaucoup une habitude, un rendez-vous, un rituel. Elles sont censées opérer une rupture avec le quotidien comme une sorte de parenthèse hédoniste rythmée par le continuum sonore de la musique techno. To rave en anglais signifie d’ailleurs s’extasier, délirer. C’est un moyen de vivre une expérience élévatrice hors du temps habituel. La fête est pour les technophiles un espace d’enchantement21, de liberté et de tolérance hors du temps, hors du quotidien partagée avec des personnes recherchant la même chose. C’est pourquoi certains noms d’événements aujourd’hui évoquent des contrées imaginaires, le voyage, le temps ou la rupture : Cocobeach, La Ferme du Bonheur, Lost In A Moment22, Château Perché, Lalaland, Into The Valley23, Timewarp24 etc… D’ailleurs, les raves25 ayant été beaucoup réprimées en France dans les années 1990, l’arrivée jusqu’au lieu de la fête obéissait à un vrai rituel pour éviter les pouvoir publics. Tout commençait avec la réception d’un mystérieux flyer – dans une autre soirée, devant les clubs etc… – avec des informations codées. Les raves avaient lieu en banlieue et les participants se retrouvaient donc à l’une des portes de la capitale. Ils repéraient les véhicules voisins, faisaient parfois connaissance puis partaient dans un long cortège à la recherche du lieu de la fête. Il fallait parfois plusieurs heures avant de finalement le trouver mais cette quête faisait partie intégrante de la rave, comme une longue et lente introduction dans l’enchantement ; quête qui créait une certaine complicité et un esprit communautaire au sein des ravers, unis dans la recherche du lieu de la fête. Une fois arrivés, ils découvrent souvent un décor destiné à matérialiser le changement d’univers. Ils trouvent donc des cracheurs de feu, des danseurs aux costumes étonnants et les lumières lasers quadrillent l’espace pour changer la perception des participants. De nos jours, les organisateurs de soirées et de festivals rivalisent d’inventivité pour proposer les lieux les plus insolites comme le Tunnel à Issy-les-Moulineaux qui est une ancienne carrière creusée dans la craie, ou Lost In A Moment qui propose des événements sur des îles privées en Angleterre, des forts bretons, des châteaux datant de la renaissance ou encore dans des ruines mayas. La scénographie fait également partie des attentes du public pour sublimer la fête et l’on trouve souvent des structures artistiques, des jeux de lumières avec des effets architecturaux, des espaces de détente appelés chill-outs avec du vieux mobiliers vintage confortables etc…Tout est fait pour que les participants soient dans un état de bien-être ou d’euphorie, comme dans un ailleurs loin de leurs préoccupations habituelles, unis dans leur communion festive.

Le développement de cette forme communautaire facilité par les « DJ gourous », les dispositifs panoptiques inhérents à la fête techno et les drogues

Se trouvant généralement au centre de l’attention, le DJ est souvent comparé à un chaman ou à un gourou. C’est d’abord son rôle qui l’élève à ce rang : il est devenu le maître de cérémonie voire le maître spirituel de la fête techno, celui qui permet et organise le rituel ; celui qui par sa sélection musicale et ses compétences techniques de mix transporte le public dans un voyage auditif et sensoriel. Certains DJs ont d’ailleurs fait le choix d’intégrer cette dimension dans leur façon de marketer leur projet, comme le DJ français Tchami. Celui-ci s’habille ainsi en prêtre comme s’il était un guide spirituel, représentant d’un dieu musical chargé de diffuser la bonne musique auprès du public.
Le DJ contrôle le rythme et le BPM26, c’est-à-dire la vitesse du morceau et le nombre de pulsations perçues par le public et donc l’état d’élévation voire de transe dans lequel ce dernier sera. Dans son ouvrage Tribus musicales, spiritualité et fait religieux, Jean-Louis Bischoff consacre quelques pages à la dimension dionysiaque de la fête techno. Il y explique comment l’expérience de la transe est au centre des raves. Il la définit comme suit : « un espace franchi, un changement vers autre chose, vers quelqu’un d’autre, vers un autre état »27. En effet, en dansant dans un espace souvent clos où il fait très chaud, tous collés les uns aux autres à la merci des choix du DJ, les participants sont emportés par la musique. Ils ont ainsi souvent les yeux clos, les bras en l’air ou battent la mesure avec les pieds. Beaucoup de collectifs et de concepts de soirées ou de titres d’œuvres font d’ailleurs référence à l’imaginaire de l’élévation spirituelle, de la possession et du vaudou. On pense par exemple aux soirées Possession28 organisées au Gibus dans le 11ème arrondissement de Paris une fois par mois de minuit à midi et qui sont en train de devenir une institution, ou à l’album de l’artiste sud-africain Culoe de Song intitulé Elevation (2011) à l’atmosphère mystique et aux rythmes africains et percussions tribales. Ce rôle de gourou qu’a acquis le DJ a cependant été amplifié par la disposition de l’espace des raves et fêtes techno. En effet, dans les raves, le DJs se trouve au sommet d’un empilement d’enceintes : le soundsystem. Le soundsystem a vocation à être mobile pour être déplacé au gré des raves et c’est lui qui diffuse le son qui va permettre la fête. Les participants ont alors pris l’habitude de se placer juste devant le soundsystem pour mieux ressentir les vibrations de la musique à tel point que certains les comparent à des totems29 en ce sens qu’ils relèvent du sacré qui organise la fête. De la même façon, dans les clubs, le DJ se trouve généralement au fond de la salle, en hauteur, faisant face aux participants, et les sonos qui diffusent le son sont placées de chaque côté. Selon le type d’événement, il se trouve dans un DJ booth30, son espace à lui, semblable à un dispositif panoptique31. Le concept de panoptisme a été développé par Michel Foucault à partir de l’architecture carcérale inventée par l’anglais Jeremy Bentham. Il s’agit d’un dispositif qui permettrait à un gardien situé dans un tour centrale d’observer tous les prisonniers enfermés dans des cellules tout autour. Ceux-ci ne verraient pas le gardien mais auraient conscience d’être observés, développant ainsi un « sentiment d’omniscience invisible ». Foucault reprend donc ce modèle de surveillance et le transpose dans la dimension sociale avec ce qu’il appelle « la société disciplinaire ». Le concept de panoptisme lui permet de théoriser la relation de pouvoir entre les institutions et le public par le biais de dispositifs comme la prison donc, mais aussi l’école, l’usine, l’hôpital etc… Il a ensuite été repris pour parler de la société du spectacle et du spectacle de la surveillance avec la télé-réalité. Dans notre cas, nous pouvons étendre ce concept à la disposition du lieu de la fête imaginée par les organisateurs et les DJs pour surveiller et contrôler la fête. Dans le booth, il n’y a que le DJ, les organisateurs et les personnes qu’il aura autorisées qui pourront y entrer, comme un espace sacré. Cette disposition créé en effet une séparation entre lui, le maître de cérémonie, et les technophiles venus l’écouter. Il a une place privilégiée pour maîtriser les corps, faire danser et entrer en transe. Il voit tout le monde et tout le monde le voit. Les organisateurs pour leur part ont ainsi une vue sur tout le public et peuvent s’assurer qu’aucun des participants ne met en péril la fête en gênant le DJ si le booth est à hauteur d’homme par exemple. C’est donc en ce sens que l’on peut parler du DJ booth comme d’un dispositif panoptique32. Cela s’observe très bien aujourd’hui dans un club comme la Concrete où le DJ se trouve à un bout de la salle dans un espace délimité par des barrières. Il se retrouve donc entouré par le public qui peut surtout se masser devant, mais peut aussi se placer sur les côtés, et même derrière. Ce dispositif est tellement puissant que la façon qu’ont les technophiles de tous danser face au son et au DJ fait d’ailleurs controverse dans le milieu.

Table des matières

INTRODUCTION
I – Le mouvement techno : un mouvement communautaire par essence bridé par le rejet et la répression
A – Une communauté née d’une quête individuelle mais partagée, celle de la parfaite communion festive
1 – Naissance et propagation du mouvement dans différents contextes de jeunesses désabusées
2 – « One Nation under a Groove » : Le concept de communauté et son application au mouvement techno originel
3 – Le développement de cette forme communautaire facilité par les « DJ gourous », les dispositifs panoptiques inhérents à la fête techno et les drogues
B – Un contexte de développement difficile pour la communauté techno française
1 – La diffusion du mouvement techno entravée par une condamnation politique et médiatique
2 – Les dérives marchandes de l’industrie musicale achèvent de diluer le développement du mouvement
3 – Diminué et oppressé, le mouvement techno continue d’évoluer hors des réseaux établis
Conclusion de la partie I
II – Apparition d’une communauté techno 2.0
A – Un contexte propice : la démocratisation de dispositifs technologiques et informatiques permettant la mise en relation des individus
1 – La révolution du Web 2.0
2 – Les marques et institutions n’ont plus le monopole de la parole : le regroupement sous la bannière des blogs et chaînes Youtube musicales
3 – Parole pour tous : les réseaux sociaux
B – La track ID : une pratique née d’avancées technologiques et du développement de nouveaux dispositifs
1 – Origines et principe du Track ID
2 – « One Nation under a Group » : les groupes Facebook, un dispositif intrinsèquement communautaire renforcé par l’échange de track IDs
3 – Une quête commune permise par la démocratisation des smartphones comme prolongement de l’expérience de la fête techno face à son inévitable immédiateté
C – Un réinvestissement mutuel entre web 2.0 et communauté techno
1 – Une pratique régie par des codes spécifiques
2 – Une pratique vectrice de normes sociales : déplacement des normes IRL au monde virtuel et déplacement du virtuel à l’IRL.
3 – Une pratique qui réinvestit les codes du net
4 – En somme, une pratique qui participe de l’expansion de la communauté techno et sur un niveau différent plus qu’elle ne la renouvelle fondamentalement
Conclusion de la partie II
III – Industrie musicale et place des marques
A – Appropriation du phénomène par les médias et les marques
1 – Un nouvel enjeu de captation
2 – Réaction des marques : le cas de Surprize et Haïku
B – Stratégies de communication des marques face au public de ces communautés
1 – Une cible très attitudinale et donc facile à activer
2 – Jouer sur les rivalités entre marques : l’exemple de Surprize vs Haïku
3 – Jouer sur les concepts de « purisme » et de « nostalgie »
C – Limites et recommandations : les revers de l’opportunité de s’emparer d’une communauté
1 – Le danger d’un retournement de situation : l’exemple du groupe « Pas-Weather Festival Music »
2 – Recommandation n°1 : Utiliser la pratique de la track ID pour transformer ces échanges en UGC ou branded content et ainsi instaurer un discours conversationnel avec le public
3 – Recommandation n°2 : Utiliser la pratique de la track ID comme partie intégrante de l’expérience de la fête en l’intégrant dans le storytelling
Conclusion de la partie III
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
Travaux universitaires
Sources documentaires
Sites internet
LEXIQUE
ANNEXES
Résumé
Mots clés

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