Intégration du facteur de correction « direction » à l’estimation de la vibration

Historique

En se fiant à la culture générale, l’utilisation des explosifs est associée à un aspect militaire et à la création de diverses armes. Pourtant, à travers l’histoire, une multitude d’explosifs ont été développés pour diverses applications. Selon le sinologue Needham (1954), la poudre noire est le premier explosif utilisé par l’homme. Sa découverte daterait du septième siècle en Chine durant la dynastie Tang (618- 907). Au fil du temps, les concentrations des composants de la poudre noire, soit le salpêtre, le souffre et le charbon ont été modifiés en fonction du type d’utilisation visé. Depuis sa création, la poudre noire et ses dérivés ont été utilisés pour des applications militaires, civiles et récréatives telles que des feux d’artifices (Corréard 1835). Dans ce dernier cas, la couleur, originellement blanche, est modifiée par l’ajout de différents composés chimiques tels que le potassium et le cuivre (Wilson 2017). L’avènement de la chimie au 18e siècle a permis la découverte de nouveaux explosifs. Ainsi, Woulfe (1771) a développé l’acide picrique [(NO2)3C6H2–OH] qui initialement était reconnu comme un colorant. Au départ, la qualité explosive de l’acide picrique était perçue comme un élément négatif en raison de la dangerosité associée à sa manipulation et était plutôt utilisée comme colorant synthétique.

Ce n’est qu’en 1885 que Turpin réussit à maitriser la capacité explosive de l’acide picrique à l’aide de coton pressé et ainsi former un nouvel explosif connu sous le nom de mélinite (Sprengel, 1903). Cet explosif est par la suite repris par différents gouvernements et largement utilisé durant la Première Guerre Mondiale pour la fabrication d’obus. La nitroglycérine [C3H5(NO3)3] inventée par Sobrero en 1847 est un explosif liquide plus puissant que la poudre noire (Fant, 2006). Pourtant, les dangers rattachés à sa fabrication et sa manipulation amènent Sobrero à s’opposer à son utilisation. Ce n’est que dans les années 1860 que Nobel commence la manufacture d’un mélange de poudre noire et de nitroglycérine afin d’exploiter la capacité explosive du mélange (Fant, 2006). À la suite d’une série d’accidents mortels, Nobel stabilise son produit en mélangeant la nitroglycérine avec une poudre siliceuse afin de limiter les risques associés à sa manipulation. Il invente ainsi la dynamite en 1866 (Fant, 2006). La dynamite est encore aujourd’hui couramment utilisée sur les chantiers de forage et de sautage. Le trinitrotoluène ou TNT [C7H5N3O6] développé en 1863 par Wilbrand (Smith, 1918) est un explosif ayant comme particularité de nécessiter une plus grande quantité d’énergie pour amorcer sa réaction explosive.

Cette particularité qui parait initialement négative est par la suite très recherchée puisqu’elle permet une manipulation plus sécuritaire. Il est également utilisé pour des applications militaires et le développement, par exemple, de torpilles en permettant de traverser un blindage avant d’exploser (Smith, 1918). Bien que l’arrivée de l’ANFO (ou Ammonium Nitrate and Fuel Oil) varie selon les sources disponibles, son application dans les travaux de génie civil comme celle de son dérivé l’émulsion débute en 1956 (Petes, 1983). L’atout principal de l’ANFO dans le domaine de la construction est son faible coût de fabrication et sa manipulation facile en raison de son risque limité de détonation involontaire ce qui le différencie des autres explosifs présentés précédemment. Il est aujourd’hui, avec ses dérivés, le principal explosif utilisé à des fins civiles.

Principe de fonctionnement

Un explosif est un composé chimique ayant la propriété, sous une contrainte d’énergie, de changer rapidement d’état pour former une quantité importante de gaz à haute température. L’énergie pour initier la réaction explosive peut être sous forme de pression ou de chaleur. La Figure 1.1 illustre la pression développée par un explosif durant sa réaction complète (Hermans, 2005). Tel qu’illustré à la Figure 1.1, le front de détonation représente l’énergie d’activation de la réaction bien qu’il soit lui-même un produit de l’initiation originale. Ce front de détonation se déplace généralement à des vitesses situées entre 1500 et 8000 m/s (Dyno Nobel, 2014) et développe une pression de l’ordre de 10 à 250 kbar selon l’explosif et les conditions de réaction (Hermans, 2005). Le passage du front de détonation permet d’amorcer la réaction exothermique de l’explosif. La zone de réaction illustrée dans la deuxième partie de la Figure 1.1 représente le composé explosif se transformant en gaz à haute température (de l’ordre de 1000 à 3500°C). La pression chute rapidement après la zone de réaction puis se stabilise à la hausse jusqu’à la réaction complète de l’explosif (Hermans, 2005). La vitesse du front de détonation permet de catégoriser les explosifs en deux grandes familles soit les explosifs brisants créant une détonation et les explosifs à effet de souffle créant une déflagration (USBM, 1996).

Dans le cas d’un explosif brisant, le front de détonation avance plus vite que la formation des gaz générés par la réaction tel qu’illustré à la Figure 1.1. La vitesse de ce front de détonation et sa pression élevée engendrent ainsi une capacité élevée de pénétration au sein du matériel encaissant. Dans le cas d’un explosif déflagrant, la vitesse des gaz est plus rapide que celle du front de détonation générant ainsi une pression moins élevée. Le résultat est un souffle avec une plus faible capacité de pénétration dans le matériel encaissant. La poudre noire en est un bon exemple. Bien que tous les explosifs soient prompts à dégager leur énergie dans la direction offrant la plus faible résistance, les explosifs déflagrants ne développent généralement pas suffisamment de pression pour endommager une surface s’ils n’y sont pas confinés (Hermans, 2005). Cette capacité permet d’ailleurs l’utilisation de la poudre noire dans les canons en concentrant l’énergie explosive vers la propulsion d’un projectile. Ceci étant, si le degré de confinement est suffisamment élevé, même les explosifs déflagrants sont capables de pénétrer le matériel encaissant. Les explosifs utilisés pour les travaux de génie civil sont généralement tous dans la catégorie des explosifs détonants. Pourtant, la vitesse du front de détonation reste une variable déterminante dans la sélection d’un explosif puisqu’une vitesse de détonation plus élevée a tendance à mieux pénétrer le matériel encaissant et donc générer une meilleure fragmentation (Hermans, 2005) alors qu’une vitesse plus basse a tendance à occasionner un meilleur déplacement de la masse fragmenté. Cependant, cette vitesse idéale n’est généralement pas atteinte en raison des divers facteurs qui la régulent tels que la présence d’impureté ou de vide au sein d’une colonne explosive, donnant ainsi place à une vitesse effective moins importante et diminuant alors la quantité d’énergie dégagée.

Principe de conception d’un plan de forage et sautage Le plan de forage et sautage indique comment sont distribué les charges explosives au sein d’une masse à fragmenter lors d’un ou de plusieurs tirs, ce faisant, il permet d’extrapoler les résultats d’un sautage. Pour ce faire, il doit minimalement indiquer les informations suivantes: le diamètre des trous de forage (mm), la hauteur de banc (m), la maille de forage (m), la hauteur de sous forage (m), la hauteur de collet (m), les types d’explosifs et la densité des explosifs (kg/m³) (Phelan, 2019). Le diamètre des trous de forage, la hauteur de banc, le sous-forage et la hauteur de collet indiquent le volume disponible pour les explosifs au sein d’une même colonne explosive. Avec le type d’explosif et sa densité, il est donc possible de déterminer l’énergie dégagée pour chaque charge explosive. Finalement, la maille de forage permet de définir le volume de roc que devra fragmenter chacune des charges explosives. Pour évaluer la validité de ces paramètres, les travaux de forage et sautages considèrent généralement le facteur poudre d’un tir soit le ratio de kilogramme d’explosifs par mètre cube de roc à fragmenter. Ce facteur permet d’estimer la quantité d’énergie dégagée lors du sautage et donc d’évaluer approximativement un manque ou un surplus d’énergie en fonction du type de sautage effectué et de la géologie du site. À titre d’exemple, le guide de Dyno Nobel (2010) propose un facteur poudre variant de 0,15 kg/m³ pour une masse de roc « Very Soft » à 0,8 kg/m³ pour une masse de roc « Hard » lors de tir de banquette. Bien que le facteur poudre soit un paramètre utile sur le terrain, il ne représente pas une évaluation exacte de l’énergie disponible du sautage.

En effet, tel que mentionné précédemment (Tableau 1.1), les différents explosifs ne développent pas forcément une quantité d’énergie équivalente pour une même masse. Dès lors, l’effet du facteur poudre d’un tir chargé avec un explosif dense sera surévalué par rapport au même facteur poudre pour un explosif plus léger ayant une énergie similaire. Par ailleurs, le facteur poudre considère une distribution homogène de la charge explosive au sein du massif rocheux à excaver. Or, une mauvaise distribution de celle-ci peut grandement affecter les résultats d’un sautage tels que les vibrations, les projections de roc et les surpressions d’air issues d’un sautage. Il est donc requis de considérer toutes les variables présentées dans le plan de forage et sautage plutôt que de ne se fier qu’au facteur poudre (Corkery et Cavers, 2013). Dans la pratique, il arrive que plusieurs forages soient finalement trop proches les uns des autres en raison de la trop forte énergie explosive dégagée ou encore d’une géologie fissurée ou autrement altérée. Dans ce cas de figure, certains explosifs sont à risque d’une détonation sympathique correspondant à une initiation non contrôlée de la colonne explosive adjacente. Pour d’autres explosifs, ils sont plutôt à risque d’une désensibilisation « dead press ». Cette situation survient lorsque la pression de la détonation adjacente n’est pas suffisamment importante pour initier la colonne explosive, mais suffisante pour neutraliser l’explosif. Afin de pallier à cette situation, certains explosifs sont conçus pour répondre au phénomène de « dead press ». Ils sont généralement sélectionnés lors de sautages sous-marins prompts à ce type de phénomène (Hermans, 2005).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 ÉTAT DES CONNAISSANCES
1.1 Les différents explosifs et leurs utilisations
1.1.1 Historique
1.1.2 Principe de fonctionnement
1.2 Processus de sautage
1.2.1 Nomenclature
1.2.2 Principe de conception d’un plan de forage et sautage
1.2.3 Impact des sautages et mesures d’atténuation
1.2.4 Paramètres du site de sautage
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE
2.1 Adaptation du modèle d’estimation des vibrations aux conditions d’un site
2.1.1 Configuration du site et données associées
2.1.2 Modèle d’estimation des vibrations
2.1.3 Intégration du facteur de correction « direction » à l’estimation de la vibration
2.2 Élaboration d’un outil de paramétrage des critères de sautage
2.2.1 Développement de l’outil d’élaboration des paramètres de forage et sautage
2.2.2 Validation de l’outil par une étude de cas
CHAPITRE 3 RÉSULTATS
3.1 Comparaison des estimations de vibration avec les mesures in situ
3.1.1 Établissement des constantes du site à l’étude
3.1.2 Évaluation de l’impact des facteurs spécifiques sur les vibrations de sautages
3.1.3 Détermination du facteur « Direction »
3.2 Développement de l’outil d’aide à la planification de patrons de forage et sautage
3.2.1 Processus de traitement
3.2.2 Étude de cas
CHAPITRE 4 DISCUSSION
4.1 Aspect opérationnel et limite d’utilisation
4.2 Perspective de développement des connaissances du domaine
CONCLUSION
ANNEXE I Fiche technique des explosifs comparés
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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