Intégration et plateforme numérique, le courtier d’affrètement est-il voué à disparaître

 Intégration et plateforme numérique, le courtier d’affrètement est-il voué à disparaître

Assiste-t-on à une course vers la plateformisation de l’affrètement de la part des grands acteurs du commerce international ? Nous pouvons faire l’hypothèse que promouvoir une plateformisation du marché du fret peut également s’interpréter comme une stratégie de captation du flux de la part de ses instigateurs. En effet, être précurseur dans le lancement d’une plateforme numérique peut procurer une position dominante pérenne sur un marché. Même si cette situation n’est pas immuable (Blondel et Edouard 2015, p. 11), les barrières à l’entrée qu’elle génère seraient de nature à dissuader des concurrents et à recréer les conditions d’un monopole. En théorie, si la plateformisation venait à faire disparaître les intermédiaires, l’intégration totale pourrait se concevoir comme l’avènement d’une entité qui, déployée sur toute la chaîne de valeur, de l’amont à l’aval (Isaac 2015, p. 16), serait capable d’en maîtriser les fluctuations et donc de réduire les incertitudes relatives à la tarification et à l’acheminement des marchandises.

Intégrer la chaîne de valeur, plateformiser le transport maritime

A ce stade de la réflexion, nous souhaitons porter notre regard sur la plateformisation à l’œuvre dans le secteur maritime. Loin d’un simple effet de cadrage prospectif qui n’aurait pour effet que de balayer un certain nombre d’hypothèses, nous allons plutôt prêter attention à des formes d’organisation émergentes qui sont susceptibles de faciliter la désintermédiation du marché de l’affrètement maritime. Nous soulignerons à cet effet que si certaines dynamiques d’intégration sont bien réelles et tendent à se développer largement dans le futur, elles ne représentent pour l’heure qu’une désintermédiation très partielle du marché de l’affrètement maritime. Il nous semble utile de commencer cette sous-partie par une présentation succincte de la notion de plateforme et de son analyse en tant qu’objet de recherche dans la littérature académique récente. Cette rapide introduction va nous permettre de cadrer davantage la notion de plateforme prix que nous allons mobiliser dans la suite de ce travail. Il s’agira également de préciser le lien plus explicite que nous faisons entre le phénomène d’intégration de la chaîne de valeur, d’une part, et une des résultantes qui serait l’émergence d’une plateforme prix, d’autre part.

Par extension, une plateforme a pour but de faciliter la rencontre entre des chaînes de valeur qui appartiennent à différents secteurs de l’industrie (Paraponaris 2017, p. 64). Nous souhaitons donc examiner, dans cette partie, la possibilité pour le transport maritime de bénéficier de ce type de plateforme à l’échelle globale et de constituer ainsi un véritable marché biface transactionnel (Isaac 2015, p. 7), c’est-à- dire d’orchestrer une transaction directe par l’établissement d’un prix entre plusieurs chaînes de valeur constituantes d’un même marché. Dans le cadre de notre travail, nous conservons la relation cruciale entre fréteur et chargeur comme parfaitement représentative de chaînes de valeur connectables par l’intermédiaire d’une plateforme de service marchand qui pourrait offrir une régulation inédite de l’activité des professionnels de l’affrètement maritime.

Cette transformation du capitalisme a souvent été analysée au travers du prisme de la transformation des relations de travail, prétexte à une moins-value sociale pour les travailleurs. « Ces mutations des statuts d’emploi et des formes d’organisation du travail, ainsi que les déplacements des responsabilités dans l’exercice de l’activité, nous apparaissent majeures et spécifiques et justifient l’usage du terme de « capitalisme de plate-forme ». En effet, cette notion met l’accent sur la création de valeur et son partage inégalitaire entre, d’une part les détenteurs des algorithmes, sites et applications que sont les plates-formes et d’autre part, les travailleurs présents sur celles-ci. (Abdelnour et Bernard 2018, p. 2) ». D’ailleurs, le contenu de leurs activités et surtout des conditions dans lesquelles elles se réalisent a donné lieu à une étude comparative, publiée par l’Organisation Internationale du Travail132 (OIT 2019), portant sur les conditions d’exercice de près de 3500 travailleurs exerçant sur cinq plateformes différentes de « microtravail ». Sans nier l’intérêt de ces travaux, nous nous situons, cependant, dans une perspective différente lorsque nous évoquons le concept de plateforme dans notre enquête.

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