L A TEMPÉRATURE DANS LES MODÈLES DE PLASTICITÉ

L A TEMPÉRATURE DANS LES MODÈLES DE PLASTICITÉ

Introduction

De nombreuses études mécaniques concernent des structures soumises à des chargements à la fois mécanique et thermique. Or, les propriétés mécaniques des matériaux solides sont sensibles à la température et une méconnaissance du rôle de la température sur les caractéristiques mécaniques conduit généralement à des modélisations incorrectes. Les lois élastiques, plastiques ou viscoplastiques qui représentent le comportement à la température ambiante doivent être adaptées avant d’en faire usage dans une étude thermomécanique. Dans cette extension thermomécanique de la plasticité, le chargement d’un volume élémentaire du milieu continu comprend à la fois la contrainte mécanique et la température. La plasticité désigne toujours la propriété qu’a un corps solide d’acquérir des déformations de manière permanente lorsque l’on restaure le chargement initial. Mais à présent, ces déformations sont constatées après un déchargement en contraintes et en température. Dans certains cas, des déformations permanentes surviennent après un cycle en température uniquement, sans modification de l’état de contraintes. Une modélisation correcte des couplages thermomécaniques exige une formulation compatible avec les principes de la thermodynamique. Cette approche, qui peut paraître superflue dans une étude isotherme du comportement mécanique, se justifie pleinement lorsque la température influence sensiblement le comportement du matériau. La description thermodynamique du comportement mécanique et thermique rend compte à une échelle macroscopique des échanges entre les énergies thermiques et mécaniques. Cette description des écrouissages thermiques concerne la modélisation des matériaux solides. L’extension aux milieux poreux s’obtient aisément, en remplaçant le terme « état de contraintes » par « état de contraintes et de pression interstitielle ». Dans toute la suite de ce 20 Ecrouissage thermique des argiles saturées chapitre, le modèle est présenté pour les matériaux solides tandis que l’extension de ces résultats aux milieux poreux est faite en Annexe 1. Signalons enfin que cette étude se limite aux modèles de comportement plastique sous l’hypothèse de la petite transformation et que les aspects liés aux transformations finies du matériau ne sont pas évoqués. Tout au long de cet exposé, la géométrie actuelle du matériau est supposée être très proche de la géométrie de l’état de référence, ce qui revient à confondre les descriptions lagrangiennes et eulériennes du mouvement du solide. En occultant les difficultés liées à la modélisation du comportement plastique en grande transformation, cette présentation insiste sur les aspects thermiques. 

Un état des lieux

Ce chapitre introduit des notions classiques de la théorie de l’élastoplasticité. La bibliographie à ce sujet est très abondante, et ce qui suit ne prétend à aucune exhaustivité. Les références données ci-après ont servi de support aux réflexions exposées dans ce chapitre. La description des aspects phénoménologiques de l’écrouissage thermique s’inspire de résultats d’essais thermomécaniques sur des matériaux argileux. On a choisi de présenter dans ce chapitre des expériences idéalisées, les résultats d’expériences faites sur des argiles étant présentés dans le chapitre suivant. Les premières études sur les effets de cycles de chauffage et de refroidissement sur des argiles datent des années 1960. Ces études ont été motivées par des problèmes géotechniques classiques, sans chargement thermique particulier. En effet, la plupart des matériaux sont analysés en laboratoire à une température différente de celle à laquelle ils ont été prélevés. Pour savoir si les caractéristiques de résistance mécanique fournies par cette analyse peut effectivement s’appliquer au matériau in situ, il faut être en mesure de dire quelle est l’évolution en température de ces paramètres. L’article publié par Campanella & Mitchell [1] en 1968 montre une contraction irréversible d’un échantillon d’argile au cours du premier cycle de chauffage, et une réponse quasiment réversible au cours des cycles suivants. L’article de Plum & Esrig [2] en 1969 présentent des résultats similaires obtenus avec un autre matériau argileux. Ces auteurs montrent de plus le rôle de l’état de contrainte et plus précisément du taux de surconsolidation sur la réponse du matériau. Ces deux articles donnent une illustration de l’essentiel des effets de l’écrouissage thermique que l’on décrit dans ce chapitre. Campanella & Mitchell ont cependant proposé une interprétation différente de leurs expériences, fondée sur une accélération du fluage avec la température [3] (1969). Chapitre 2 : La température dans les modèles de plasticité 21 Plusieurs études ont été faites à ce sujets au cours des décennies suivantes, leurs résultats montrent les mêmes tendances pour divers matériaux argileux. Plus récemment, les perspectives de stockage de déchets exothermiques d’origine nucléaire au sein de formations argileuses ont motivé de nouvelles études sur des argiles naturelles non remaniées, Parallèlement au cours des années 60, le développement des modèles de Cam clay replace l’étude du comportement des matériaux argileux dans un contexte élastoplastique. Le développement du formalisme élastoplastique au cours des années 50 s’adressait à la rhéologie des métaux. Les concepts généraux et en particulier le principe du travail maximal sont exposés dans l’ouvrage de référence de Hill [4] de 1953. S’agissant des solides plastiques ordinaires, une présentation générale des aspects thermodynamiques peut être consultée dans Mandel ou Germain . Le concept de matériaux standards généralisés a été introduit par Halphen & Nguyen , il s’étend sans difficulté à un matériau thermiquement écrouissable. Plus récemment, les travaux de Brunprésente un cadre thermodynamique légèrement différent, en insistant sur la normalité des écoulements. Ces présentations sont surtout destinées à l’étude du comportement plastique en condition isotherme, la présence éventuelle de la température dans la description du domaine d’élasticité n’est pas argumentée. A notre connaissance, les couplages entre une sensibilité thermique des limites d’élasticité et le comportement thermique du matériau sont rarement évoqués. Ce problème est abordé dans les articles de Raniecki & Sawczuk , qui décrivent un cadre thermodynamique où la dépendance en température des limites d’élasticité est en partie couplée à une « chaleur réversible de déformation plastique » qui correspond précisément à la chaleur latente de transformation de l’état d’écrouissage introduite dans ce chapitre. Cependant, le cadre thermodynamique proposé par ces auteurs fait également état d’une dépendance directe du critère de plasticité avec température, sans contrepartie sur les bilans thermiques. Le principe d’un écrouissage thermique demeure obscur. L’étude des bandes de cisaillement a également motivé des recherches sur les conséquences d’une sensibilité du critère de plasticité à la température. Le mécanisme proposé est le suivant : la plasticité est un processus exothermique, qui en condition adiabatique va provoquer des augmentations de température plus élevées dans les zones où la vitesse de déformation plastique est la plus intense. Une diminution des limites de plasticité avec la température va accroître la déformation plastique dans les zones chaudes, au détriment des parties froides. Ce mécanisme crée une déstabilisation, qui peut conduire à une localisation des déformations plastiques. Dans une étude mathématique du problème unidimensionneî du cisaillement d’une bande infinie soumis une cission constante, Tzavaras [14] [15](1986,1987) Ai ¿à Ecrouissage thermique des argiles saturées donne des critères quantitatifs assurant l’apparition ou l’absence d’une localisation des déformations, pour une loi viscoplastique. Les aspects thermodynamiques étant ignorés, la chaleur latente de transformation de l’état d’écrouissage n’est cependant pas prise en considération, bien que son effet ne soit sans doute pas négligeable. Les travaux effectués récemment par Coussy [7] (1989) ont permis d’étendre les notions thermodynamiques de l’élastoplasticité aux milieux poreux saturés par une phase fluide. Notre objectif étant d’appliquer l’écrouissage thermique aux argiles, on présente les concepts de l’élastoplasticité des milieux poreux. Une présentation complète de ces aspects peut être trouvée dans Coussy [6] (1991) ou Coussy [?] (1994). L’étude de l’identification des paramètres plastiques n’est pas propre à la plasticité en température, elle donne des conclusions identiques pour un matériau plastique ordinaire. Cette approche critique de l’analyse d’un modèle, suggérée par Coussy [6], est de portée très générale en ce qui concerne l’étude du domaine de pertinence d’un modèle, et elle méritait en ce sens d’être reprise ici. Enfin, les conditions suffisantes de stabilité thermodynamiques exposées dans ce chapitre sont obtenues aisément en suivant l’approche exposée par Mandel [17] (1966). Mróz & Raniecki [13] (1976) ont également proposé un résultat d’unicité locale, mais sans admettre l’éventualité d’un processus plastique endothermique. Le résultat concernant la stabilité thermodynamique en température du modèle plastique paraît inédit.

Description des ébrouissages thermiques

 Cette partie présente un aperçu des effets de la température sur le comportement plastique, à travers quelques résultats d’essais thermomécaniques en laboratoire. Pour ne pas nuire à la clarté de cet exposé, il n’est pas fait référence à des observations réelles dans cette partie, car leur interprétation n’est pas immédiate. On présente des résultats d’expériences idéales, qui sont caractéristiques d’un comportement plastique avec ecrouissage thermique. Les essais thermomécaniques réels sont présentés dans le chapitre suivant consacré aux argiles. Tous les essais idéalisés qui suivent sont supposés être accomplis dans des conditions expérimentales identiques avec des éprouvettes « vierges » provenant du même matériau. Pour chaque essai la charge mécanique et la température sont contrôlées de façon indépendante et l’on « mesure » les déformations de l’éprouvette. Le chargement thermomécanique est donné par un graphe dans l’espace des températures et des contraintes, sans faire référence à un temps physique. Le résultat de l’expérience montre une évolution des déformations en fonction du trajet de chargement. Pour simplifier, on ne considère qu’un seul type de chargement mécanique, et les déformations sont représentées dans une seule direction. L’extension au comportement mécanique tridimensionnel se fait aisément en admettant que les résultats obtenus pour d’autres directions de chargement sont de même nature. 

Le domaine d’élasticité dans un cadre thermomécanique.

La déformation plastique. Deux éprouvettes identiques sont testées pour des chargements thermomécaniques de différentes intensités, suivis d’un déchargement complet qui respecte la même succession d’état de contraintes et de température que celle suivie lors du chargement. Les résultats de ces essais sont représentés sur les figures î et 2. L’évolution de la déformation en figure 1 est réversible. Sur ce trajet de chargement, la déformation est déterminée de façon unique en fonction de la contrainte et de la température.

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