L’ EPARGNE SALARIALE UNE LOGIQUE DE REDISTRIBUTION PLUS QUE D’INCITATION

L’ EPARGNE SALARIALE UNE LOGIQUE DE REDISTRIBUTION PLUS QUE D’INCITATION

L‟épargne salariale ou participation financière permet d‟associer les salariés aux résultats de l‟entreprise. La participation financière regroupe des dispositifs de rémunération collectifs, variables et différés, au premier rang desquels se trouvent le partage des profits et l‟actionnariat des salariés. Ces dispositifs sont principalement considérés comme des mécanismes incitatifs visant à dissuader les comportements opportunistes des salariés. Pourtant, les théories économiques sont divisées sur l‟efficacité de la participation financière en tant qu‟incitation. Pour les tenants de la valeur actionnariale, l‟opportunisme du salarié est d‟ores et déjà déjoué par la structure de gouvernance de la firme : celle-ci repose sur la subordination du salarié à l‟autorité de l‟employeur et des actionnaires, autorité que la participation financière risque d‟affaiblir jusqu‟à conduire à une situation sous-optimale. Face à cette vision pessimiste, d‟autres auteurs considèrent au contraire que l‟épargne salariale peut être un dispositif incitatif efficace pour amener les salariés à accroître ou révéler leur productivité. Force est de constater que cette opposition reflète avant tout un débat de fond sur la conception de la firme, entre les partisans et les opposants d‟une firme dominée par les seuls actionnaires. En effet, les études empiriques, souvent nuancées, ne permettent pas d‟affirmer un effet positif direct sur la productivité des seuls dispositifs de participation financière (Section 1). De toute façon, les dispositifs français de participation financière présentent la spécificité d‟être crées et encouragés par les pouvoirs publics. Si ces dispositifs se sont considérablement développés ces dernières années, c‟est en grande partie grâce aux obligations et incitations légales et réglementaires. Par ailleurs, ils se sont développés principalement autour des dispositifs de placement financier que sont les Plans d‟épargne salariale (PES) ou certains organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM), la logique « financière » de l‟épargne salariale prenant peu à peu le pas sur celle de participation. De plus en plus axée sur le rendement  des fonds ou la distribution de revenu, l‟épargne salariale évolue désormais vers une logique de redistribution plus que d‟incitation (Section 2).

L’épargne salariale, incitation controversée à la valeur actionnariale

En tant que rémunérations collectives variables et différées, les dispositifs d‟épargne salariale peuvent constituer une incitation pour amener les salariés à adopter un comportement optimal pour la firme. En effet, l‟existence d‟asymétrie d‟information expose la relation salariale aux risques d‟aléa moral et d‟anti-sélection que le seul contrat de travail, en raison de son incomplétude, ne peut régler. Pour limiter ces risques, de nombreuses théories ont cherché à définir la structure optimale de coordination ou de contrôle que la firme devait adopter : la majorité d‟entre-elles privilégient une structure de gouvernance dirigée par et pour les actionnaires (sous-section 3.1), se regroupant ainsi, malgré leurs différences, pour défendre le principe de la « valeur actionnariale ». Dans ce cadre, la rémunération des salariés est considérée comme devant prendre la forme d‟un salaire fixe ou d‟une rémunération variable individualisée. En revanche, l‟épargne salariale, rémunération collective, est considérée comme une entorse aux principes de base de la gouvernance actionnariale et ne peut conduire qu‟à une situation sousoptimale (Sous-section 3.2.). Pourtant, d‟autres travaux postulent au contraire que l‟épargne salariale peut constituer un dispositif incitatif efficace à condition de sortir d‟une vision strictement « actionnariale » de la firme (Sous-section 3.3). Dans tous les cas, ces analyses privilégient un point de vue micro économique, intra-firme, centré sur le comportement des agents en situation d‟incertitude contractuelle. 

Quelles incitations salariales ? hiérarchie, droit de propriété

La relation salariale est un échange particulier qui ne porte pas sur une marchandise, mais sur une « force de travail ». Elle est donc exposée aux risques d‟aléa moral et d‟anti-sélection que le 27 contrat de travail en raison de son incomplétude n‟est pas forcément en mesure de réduire, en particulier dans le cas d‟investissements en actifs spécifiques. Les approches « standards » trouvent la solution à ce problème par la subordination des salariés à une hiérarchie (explicite ou implicite) fondée sur la détention asymétrique des actifs et au sommet de laquelle se trouvent les propriétaires du capital.

L’épargne salariale : des rémunérations collectives variables et différées

Le concept d‟épargne salariale renvoie à celui de participation financière des salariés. Sous le vocable de participation financière des salariés se regroupent tous les mécanismes permettant d’associer les salariés aux résultats de l’entreprise. Au delà de cette définition générale, les dispositifs de participation financière présentent certaines caractéristiques cumulatives qui les distinguent d‟autres formes de rémunération :  Ils sont variables, car indexés sur les résultats dont le niveau est par nature aléatoire, ce qui les distingue des éléments de rémunération fixe.  ils sont collectifs, c‟est à dire ouvert à l‟ensemble des salariés et indexés sur des performances collectives. Ils se distinguent ainsi d‟autres formes de rémunération à la performance souvent individualisées.  Ils sont différés : les salariés ne perçoivent les primes de partage des profits ou les dividendes attachées aux actions qu‟après la clôture de l‟exercice. Par ailleurs, de nombreux dispositifs imposent un blocage ou une indisponibilité des sommes perçues par les salariés. Ainsi, en fonction du type de rentabilité (économique ou financière) que souhaite privilégier l’entreprise, les mécanismes de participation financière permettront de distribuer aux salariés soit une mesure comptable de la richesse de l’entreprise, soit les résultats liés à l’évaluation que les marchés financiers font de cette richesse. On distingue généralement deux grandes catégories de 28 systèmes de participation financière, « selon qu’ils reposent ou non sur l’actionnariat1 », mais qui peuvent « coexister ou se chevaucher2 » : le partage des profits et l‟actionnariat salarié. Le partage des profits (ou participation aux bénéfices) se traduit par la distribution aux salariés d’une somme directement dépendante des profits ou d’autres mesures des résultats de l’entreprise. Le partage des profits peut revêtir plusieurs formes3 : il peut être versé directement au salarié sous forme de liquidités (cash based profit sharing) ou bien être placé dans des dispositifs d‟épargne, on parle alors de partage des profit différé (deferred profit sharing). Mais, le partage des profits peut aussi être basé sur d‟autres mesures de la performance de l‟entreprise que le profit, comme la productivité, l‟orientant alors vers une logique plus large de « partage des gains » (gain sharing). En France, il existe deux dispositifs de partage des profits, l‟intéressement et la participation. L’actionnariat des salariés permet la participation des salariés aux résultats de l’entreprise par la détention d’actions, détention permise par la distribution gratuite, l‟achat ou la souscription à des conditions préférentielles d’un certain nombre de titres de l’entreprise à tout ou une partie du personnel. Ces titres peuvent être détenus directement par le salarié ou bien indirectement via des dispositifs d‟épargne collective gérés par un intermédiaire financier. Bien évidemment, l‟actionnariat salarié portant sur un titre de propriété il peut impliquer, au delà du partage des bénéfices, un partage du pouvoir au sein de l‟entreprise. 

L’incomplétude du contrat de travail source de comportements opportunistes du salarié

Le contrat de travail, en raison de son objet, est par nature incomplet. De cette incomplétude découle une asymétrie d‟information entre salarié et employeur qui expose la relation salariale aux risques d‟aléa moral et d‟anti-sélection. Dès lors, les comportements opportunistes du salarié qui sont susceptibles d‟émerger peuvent engendrer une situation sous optimale pour la firme en particulier dans le cas d‟investissements spécifiques (risque de hold-up). 

L’incomplétude contractuelle inhérente à la relation salariale

L‟exécution du contrat de travail est problématique car au départ de la relation salariale (la signature du contrat) l‟employeur ne connaît pas le résultat (output) et il doit assumer toute l‟incertitude. En effet, le contrat de travail est incomplet car il ne peut prévoir ex ante toutes les situations qui vont advenir lors de sa période d‟exécution et les stratégies individuelles qui vont en découler1 . A « l‟incertitude radicale » qui est liée aux modifications de l‟environnement économique, s‟ajoute « l‟incertitude qualitative2 » sur l‟effort fourni par le salarié qui s‟explique par l‟existence d‟asymétries d‟informations entre l‟employeur et le salarié. Ces asymétries non seulement préexistent à la signature du contrat de travail (anti-sélection) mais apparaissent aussi lors de son exécution (aléa moral). B) Anti-sélection et aléa moral source d’opportunisme du salarié En fait comme tout échange marchand entre deux agents, la relation salariale est soumise au risque de « sélection adverse3 » ou « d‟anti-sélection» induite par les asymétries d‟informations initialement présentes entre les agents. Le cas d‟école est celui de l‟employeur qui, lorsqu‟il recrute un salarié, ne dispose pas d‟informations fiables sur sa productivité.

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