L’ interruption volontaire de grossesse dans l’année suivant un accouchement

De tous temps, l’avortement a existé et a été considéré comme un mal. Le code d’Hammaerobi (XVIIème siècle avant JC) le sanctionne, le serment d’Hippocrate (IVème siècle avant JC) l’interdit également : « (…) je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif. »[1] [2] Le 30 Juillet 1943, fut guillotinée Marie Louise Giraud pour avoir pratiquée 27 interruptions volontaires de grossesse dans la région de Cherbourg. Elle fut la seule « faiseuse d’ange » à être exécutée pour ce motif. En 1972, il y eut le procès de Bobigny [3] [4] où une mère de famille est portée au tribunal pour avoir aidé sa fille à avorter. Le 26 Novembre 1974, Simone Veil prononçât devant l’assemblée le discours qui allait mener à la légalisation de l’avortement. Cependant, de nos jours, l’accès à celui-ci reste parfois encore difficile.

En France, selon le Syndicat National des Gynéco-obstétriciens Français (SYNGOF), 5 % des interruptions volontaires de grossesses ont lieu dans les 6 mois suivant un accouchement soit environ 10 000 interruptions volontaires de grossesses par an. [7]

En tant qu’étudiante sage-femme, ce sujet m’a interpellée après avoir rencontré plusieurs patientes, dans cette situation, au fil de mes stages. Je me suis alors demandée : Pourquoi y a-t-il autant d’interruptions volontaires de grossesse dans cette période sensible qu’est le post-partum ? Une réflexion est donc née de ce constat : L’information donnée aux patientes sur la contraception du post-partum est elle adaptée ? Est-elle donnée au bon moment ? Le nombre d’entretiens est-il suffisant ?

Selon le rapport de la DREES (Direction de la Recherche ; des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques) de 2006, on sait qu’environ 209 700 interruptions volontaires de grossesses ont été pratiquées en 2006 en France. Environ 5 % de cellesci ont lieu dans l’année suivant un accouchement. Pourquoi ces grossesses surviennentelles si rapidement après l’accouchement précédent ?

Pourquoi cette grossesse ?

Cette grossesse est-elle réellement accidentelle ou s’agit-il d’un désir inconscient de grossesse ? En effet, d’emblée nous pourrions penser qu’il s’agit d’un défaut de prise de contraceptif ou d’un défaut d’information concernant celle-ci. Mais il peut également s’agir d’un réel accident, cette grossesse précoce peut être due à un défaut de contraceptif ou à un manque de connaissance sur la contraception. En cette période délicate du post partum, la patiente ne sait pas comment gérer sa contraception. Cependant il pourrait également s’agir d’un désir inconscient de grossesse de la part de la femme qui fait qu’elle va oublier son contraceptif ou ne va pas l’utiliser correctement malgré toutes les informations données. C’est un acte manqué. C’est un désir de grossesse mais pas un désir d’enfant [8] donc lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte elle souhaite avorter.

Ce désir de grossesse peut s’expliquer de différentes façons :

♦ L’enfant qu’elle a eu lors de la grossesse précédente ne ressemble pas du tout à l’enfant qu’elle s’est imaginée. Elle est déçue. Elle va donc vouloir renouveler l’expérience dans le but d’avoir l’enfant rêvé .

♦ D’autre part, pendant la grossesse précédente, elle était source de toutes les attentions ce qui a disparu à l’accouchement puisque désormais l’attention est tournée vers le bébé. Elle va donc essayer d’être enceinte à nouveau afin de reattirer l’attention sur elle.

♦ On pourrait également imaginer que c’est dans le but d’attirer l’attention de son compagnon. Attention, qu’elle a peut- être perdue lors de la naissance de l’enfant.

♦ Certaines femmes enceintes ressentent un état de plénitude qu’elles n’ont jamais ressenti avant. C’est la sensation du ventre plein. Celui-ci disparaît à l’accouchement avec la sensation désormais de ventre vide qui pourra manquer à la patiente, celle-ci va donc essayer de retrouver cette sensation.

♦ Elle peut également vouloir vérifier si elle est toujours féconde.

Dans ces cas là, même une information bien donnée dans le post-partum sur la contraception ne serait pas suffisante pour éviter ces grossesses se terminant par une interruption volontaire de grossesse.

Pourquoi avortent-elles ?

Certaines patientes vont avoir une grossesse précocement après la précédente pour certaines c’est un choix, pour d’autres non. Parmi celles qui ne le désirent pas, certaines vont garder cette grossesse et d’autres vont avorter. Nous trouvons peu de bibliographie sur ce sujet mais nous pouvons imaginer qu’elles avortent parce que :
➤ Un autre enfant ne fait pas partie des projets du couple.
➤ Leur situation financière ne permet pas d’élever un deuxième enfant.
➤ Le compagnon de la femme ne souhaite pas d’autre enfant.
➤ Le couple peut ne pas souhaiter avoir deux enfants rapprochés
➤ De plus comme nous l’avons sous- entendu précédemment, il peut s’agir d’un désir de grossesse et non d’enfant. L’avortement paraît alors inéluctable.

De plus en France, le congé maternité est de 10 semaines après l’accouchement. Le père n’a le droit qu’à 14 jours. Après la maman se retrouve seule à s’occuper du bébé , le ménage…Puis une fois qu’elle aura repris le travail , elle devra en plus gérer celui-ci. Cette situation n’est pas vraiment idéale pour donner naissance à un nouvel enfant, ni pour prendre correctement une contraception. Il est à noter que dans certains pays, ce congé maternité est beaucoup plus long, par exemple en Norvège, il est d’une durée de un an payé à 80% et de 10 mois payé à 100%. Le père est obligé de prendre 1 mois et demi de congé qui sera déduit de ces un an ou 10 mois.

L’avortement en France

Quelques chiffres

Le nombre d’interruptions volontaires de grossesse, en France, s’élève à 209 700. Ce chiffre est relativement stable, cependant le taux d’interruptions volontaires de grossesse ne cesse d’augmenter chez les mineures et les moins de 20 ans ; et cela malgré le développement de la contraception et de la pilule du lendemain. [11] En 2006, le pourcentage d’avortements médicamenteux est de 46 % selon la DREES.Ce sont les femmes de 20 à 24 ans qui y ont le plus souvent recours (27 IVG pour 1 000 femmes en moyenne en 2005) suivi de près par la catégorie des 25 à 29 ans.

Si on regarde la répartition des interruptions volontaires de grossesses en France, c’est dans le Sud de la France, l’Île-de-France et surtout dans les départements d’OutreMer que le nombre d’avortements est le plus important.

Le délai moyen de prise en charge est de 1 semaine en 2006 selon le rapport d’information de Mme POLETTI. Pour la très grande majorité des femmes (5 sur 6), le recours à l’avortement est accidentel et unique. Sur 100 grossesses accidentelles, 53 sont dues à un rapport non protégé, 32 à un rapport protégé par une méthode contraceptive insuffisamment efficace et 15 à un oubli de contraception. 60 % des femmes qui demandent une interruption volontaire de grossesse ne connaissent pas la contraception d’urgence. Ces chiffres proviennent du rapport de la DREES : « les interruptions volontaires de grossesses en 2005. » paru en Février 2008 .

Table des matières

Introduction
Partie 1
1. Cette grossesse rapprochée
1.1. Pourquoi cette grossesse ?
1.2. Pourquoi avortent-elles ?
1.3. L’avortement en France.
1.3.1. Quelques chiffres
1.3.2. Les lois qui régissent l’interruption volontaire de grossesse.
2. La sexualité dans le post partum
2.1. Le post-partum.
2.2. Quelles sont les raisons de cette reprise tardive des rapports sexuels?
2.2.1. Chez la femme
2.2.2. Chez l’homme.
2.2.3. Dans le couple
3. la contraception dans le post partum
3.1. Physiologie hormonale du post-partum.
3.2. Particularité du post-partum
3.2.1. Le risque thrombo embolique.
3.2.2. Le passage d’hormones dans le lait maternel.
3.3. Méthodes contraceptives utilisables.
3.3.1. Les méthodes non hormonales.
3.3.2. Les contraceptions hormonales.
3.4. L’accès à la contraception en France.
3.4.1. Connaissances des français sur la contraception.
3.4.2. Méthodes de contraception utilisées.
3.4.3. Où et comment accéder à ces méthodes contraceptives ?
4. Le rôle de la sage-femme.
4.1. Les compétences de la sage femme.
4.2. Futures compétences de la sage-femme.
4.2.1. Rapport Poletti.
4.2.2. Projet de loi Bachelot.
Partie 2
1. Présentation de l’étude.
1.1 Problématique
1.2 Hypothèses
1.3 Objectifs.
1.3 Méthode.
1.4 Population.
1.5 Biais et difficultés rencontrées.
2. Résultats
2.1. Caractéristiques de la population.
2.2 Concernant les antécédents obstétricaux de la population.
2.3 A propos de leur dernier accouchement.
2.4 A propos de cette grossesse
Partie 3
1.Analyse et discussion
1.1. La situation socio-économique de ces femmes ayant une grossesse non désirée dans l’année suivant un accouchement.
1.2. La grossesse précédente chez les patientes de la population.
1.3. Les informations données aux patientes sur la contraception du post-partum.
1.4. A propos de cette interruption volontaire de grossesse.
2.PROPOSITIONS
2.1. Prévention auprès des patientes.
2.2. Prévention auprès du personnel soignant.
2.3. Modifications qui pourraient être soumises au gouvernement
Conclusion

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