La Bretagne et l’Europe

Traité franco-breton – 1532

Ce traité est d’abord une des conséquences de la défaite militaire de Saint-Aubin du Cormier où 6.000 Bretons périrent pour défendre l’Indépendance de la Bretagne.
Le contrat de mariage d’Anne de Bretagne et de Louis XII prévoyait que la Bretagne reviendrait au second fils ou à une fille, jamais au Dauphin. Elle ne devait donc pas être unie à la France. La reine laissa deux filles. L’aînée fut mariée à l’héritier du trône de France, qui devint François 1er mais avec un contrat semblable à celui de sa mère. Elle laissa cinq enfants. Le roi lui extorqua un testament lèguant la Bretagne au Dauphin, afin d’assurer l’annexion. Mais les Etats de Bretagne ne reconnaissaient par le testament.
La Bretagne avait toujours une assemblée qui prenait toutes les décisions graves: les Etats. Ceux-ci votait les impôts, régime beaucoup plus libéral qu’en France, où le peuple était sensiblement plus imposé.
François 1er dût intervenir auprès de nos Etats pour les amener à « solliciter l’annexion », en laissant entendre qu’à défaut il entreprendrait de conquérir la Bretagne par la force. Les Etats après avoir protesté contre ce procédé, se résignèrent à conclure le Traité de 1532, sous la condition de préserver nos libertés.
L’accord fut passé verbalement en Août, à la session des Etats, à Vannes, où le Roi était venu.
Dans la teneur de l’édit d’Union d’août 1532 il est à noter que celui-ci ne parlait des privilèges de la Bretagne qu’en termes trop imprécis pour satisfaire à la requête et à l’engagement pris en cette matière. En conséquence, un nouvel édit fut rendu au Plessix-Macé, château situé à 13 km d’Angers et appartenant à René du Bellay, où le Roi passa la journée du 3 septembre. C’est donc cette date et ce texte qui doit être retenu [Preuves de Dom Morice (III,1010)] :
François, par la grâce de Dieu roi de France, usufruitier des pays et Duché de Bretagne, père et légitime administrateur des biens de notre très cher et très aimé fils le Dauphin, Duc et Seigneur propriétaire desdits pays et Duché, savoir faisons à tous présents et à venir que nous avons avons reçu l’humble supplication de nos très chers et bien aimés nos gens des trois Etats dudit pays et Duché de Bretagne, par laquelle ils nous ont remontré que, à leur dernière assemblée à Vannes, où nous étions en personne, après avoir accepté et eu pour agréable la requête qu’ils nous avaient présentée par écrit, signée de leur Procureur et Greffier, par laquelle nous requéraient l’union de ce pays et Duché avec la couronne de France; nous leur avons promis de les entretenir en leurs privilèges et libertés anciens, et que nous leur en délivrerions des lettres en forme de chartres. A cette cause, il nous plaît de leur conserver et agréer les privilèges dont ils ont jadis joui et usé dûement, dont ils jouissent et usent encore de présent, c’est à savoir: que désormais, comme il a été fait auparavant, aucune somme de deniers ne leur puissent être imposées si préalablement, elle n’a eté demandée aux Etats de ce pays et par eux octroyées; et que les deniers provenant des billots soient fidèlement employés aux fortifications et réparations nécessaires des villes et places fortes dudit pays, d’autant que ledit billot fut institué à cause desdites réparations, ce qui revient à grande charge au pauvre peuple; et que la justice soit entretenue en la forme accoustumée, c’est à savoir: le Parlement, Conseil et Chancellerie, Chambre des Comptes, assemblée des Etats, les barres et juridictions ordinaires dudit pays; et que les sujets de celui-ci n’en soient tirés hors, soit en première instance ou autrement, sauf les cas ressortant par appel à Paris, suivant les déclarations qui ont eté précédemment faites sur ce point;. et que, moyennant l’union faite dudit Duché de Bretagne avec la Couronne de France, à la requête desdits Etats, aucun préjudice ne soit fait à l’indult de ce pays: qui nul non originaire ne pourra avoir ni obtenir bénéfice audit pays sans avoir des Lettres du Prince, et que ces Lettres ne soient délivrées à gens etrangers ni autres, sinon à ceux qui sont à l’entour de notre Personne; et, de plus, que nous ayons à confirmer tous les autres privilèges dont ils ont chartres anciennes et jouissance immémoriale jusqu’à présent. Nous, désirant gratifier lesdits suppliants, et même les avantager pour le grand amour et fidélité qu’ils nous ont prouvé avoir envers nous, de notre certaine science, pleine puissance et autaurité, nous avons confirmé et agréé, nous confirmons et agréons lesdits privilèges, lesquels en tant que besoin serait, nous avons donné et donnons de nouveau pour qu’ils en jouissent pleinement et entièrement, comme jadis ils en ont dûment et justement jouï et usé, et en jouissent et usent encore à présent. Toutefois nous n’entendons aucunement par là révoquer les ordonnances dernièrement faites par nous à Vannes, sur l’abréviation des procès suivant l’avis des principaux du Conseil de ce pays. Aussi nous ordonnons par ces présentes à nos aimés et fidèles notre Gouverneur et Lieutenant Général audit pays, gens dudit Parlement, Conseil, Chancellerie, Chambre des Comptes, Sénéchaux, alloués et tous nos autres justiciers et officiers dudit pays et Duché de Bretagne, ou leurs lieutenants de publier et enregistrer ces présentes, chacun en son endroit, et de les faire garder et observer de point en point selon leur forme et teneur sans aucunement les transgresser; car ainsi nous plaît que ce soit fait. Et afin que ce soit toujours chose ferme et stable nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes, sauf en autres choses notre droit et l’autrui en toutes.
Donné au Plessisx-Macé, au mois de Septembre, l’an de grâce mil cinq cents trente deux, de notre règne le dix-huitième.
Ainsi signé, Par le Roy, Breton. Et scellé en laqs de soye de cire verte.
De ce document se dégagent trois points:
1 – Aucune imposition ne pourra être faite en Bretagne qu’elle n’ait été préalablement demandée aux Etats et par eux consentie; les deniers fournis par les billots ou octrois seront employés aux fortifications et réparations des villes et des places fortes.
2 – La justice sera maintenue « en forme et manière accoutumée », les juridictions conservées et nul ne pourra être obligé de plaider hors de Bretagne, sauf cas d’appel ressortissant au Parlement de Paris.
3 – Les bénéfices ecclésiastiques, autrement dit les nominations aux évêchés, chapitres et abbayes, seront attribués par le roi à des Bretons exclusivement.

Depuis, la France n’a cessé de violer ses engagements car, juridiquement, ce Traité est toujours valable.

DISCOURS DE M. L’ABBÉ MAURY SUR LES CLAUSES DU CONTRAT D’UNION ENTRE LA FRANCE ET LA BRETAGNE

Messieurs,
Le fait que vous allez examiner dans ce moment est extrêmement simple. Onze magistrats qui formaient ci-devant la chambre des vacations de Rennes ont refusé, après l’expiration de leurs pouvoirs, d’enregistrer les lettres patentes rendues sur votre décret du 3 novembre, pour proroger indéfiniment leur commission et les vacances du parlement. Ce refus vous est dénoncé comme un crime de lèse-nation. Je n’ai l’honneur d’être ni Breton ni magistrat; mais, revêtu du caractère de représentant de la nation, je dirai la vérité avec tout le courage du patriotisme. J’invoquerai la justice en faveur de ces mêmes sénateurs qui, après en avoir été si longtemps les fidèles ministres, semblent menacés aujourd’hui d’en devenir les victimes. Je considérerai cette grande question sous trois rapports: relativement à la province de Bretagne, dont j’approfondirai les droits; relativement à la conduite des magistrats qui formaient la chambre des vacations à Rennes dont je discuterai les motifs; relativement enfin aux divers décrets qui vous sont proposés dont je développerai les conséquences.
Un principe fondamental qu’il ne faudra jamais perdre de vue dans cette cause, et qui n’est même pas contesté, c’est que la province de Bretagne jouit par sa constitution, du droit de consentir dans ses états la loi, l’impôt et tous les changements relatifs à l’administration de la justice: cette belle prérogative est la condition littérale et dirimante de la réunion de ce duché à la couronne de France.
Ce principe étant généralement reconnu dans cette assemblée, j’observe d’abord, messieurs, que la différence du droit public qui régit plusieurs de nos provinces, n’est point particulière à l’organisation de la France. Depuis qu’un petit nombre de familles s’est partagé la souveraineté de l’Europe, les grands États se sont successivement étendus et à des conditions toujours inégales, par des alliances, par des successions, par des traités ou par des conquêtes. Nous ne connaissons aucune puissance du premier ordre dont les sujets soient soumis à des lois uniformes. L’Irlande et l’Écosse ne jouissent pas des mêmes droits que l’Angleterre. L’Autriche, la Hongrie et la Bohême diffèrent autant par la législation que par la langue des peuples qui les habitent. Je n’étends pas plus loin cette énumération, qu’il me suffit de vous indiquer. Je remarque seulement que, quelque désirable que soit l’unité de gouvernement, aucune monarchie en Europe n’a pu parvenir encore à cette identité de droit public dans toutes ses provinces.
Mais cette différence de prérogatives ne doit pas exciter plus de jalousie entre les provinces, que l’inégalité des fortunes entre les citoyens. L’intérêt commun est que la justice soit respectée. Tous les droits particuliers reposent sous la sauvegarde de la foi publique. Ce sont des barrières élevées contre le despotisme, qu’il faut accoutumer à s’arrêter devant les contrats qui le repoussent, pour l’avertir souvent que le pouvoir a ses limites. Il a besoin que ces conventions toujours réclamées lui rappellent que les peuples ont des droits, et c’est ainsi que les privilèges particuliers d’une province deviennent le bouclier de tout un royaume.
Les prérogatives de la Bretagne n’ont par conséquent rien d’odieux pour la nation française, si elles émanent d’une convention libre et inviolable. Cette convention que M. le comte de Mirabeau a paru dédaigner avec tant de hauteur, comme l’une de ces fables de l’antiquité que des législateurs doivent reléguer philosophiquement dans la poussière des bibliothèques, cette convention, messieurs n’est pas éloignée de nous de plus de deux siècles et demi. Je ne dirai donc pas, comme cet orateur, que la Bretagne mériterait d’être écoutée, si elle produisait des titres anciens comme le temps et sacrés comme la nature, parce qu’en parlant ainsi je ne dirais rien; mais je vais tâcher de prouver que la Bretagne a des droits aussi anciens que la monarchie, et aussi sacrés que les contrats; et si je démontre qu’en vertu de ces droits on ne peut faire aucun changement dans l’administration de la justice en Bretagne sans le consentement des états de cette province, je n’aurai pas sans doute la gloire de vous avoir proposé un système philosophique, mais je croirai avoir bien raisonné, en prenant la défense des magistrats bretons.
L’Armorique ou la Bretagne fut démembrée de la monarchie française dès la première race de nos rois. Les habitants de cette province, qui, sous le nom de Celtes, luttèrent glorieusement contre César, et balancèrent la puissance des légions romaines, furent toujours soumis à des souverains particuliers. (Ndld. souligné par nos soins). Ces princes eurent pour suzerains les rois de France, et même les ducs de Normandie; mais ils exercèrent toujours une souveraineté immédiate sue les Bretons. Pour illustrer cette vassalité, les monarques français érigèrent dans le treizième siècle, en duché-pairie cette grande province, qui forme aujourd’hui la douzième partie de la population du royaume, et elle continua d’être indépendante de la nation française, sous l’empire des ducs de Bretagne.

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