La cartographie au secondaire : place et vertus d’un outil de la géographie

La cartographie au secondaire : place et vertus d’un outil de la géographie

 La consultation des manuels d’enseignement

Les manuels consultés et les exercices cartographiques recherchés

Les manuels d’enseignement sont des outils importants pour la pratique de l’histoire, de la géographie et de l’éducation morale et civique au secondaire. Même si ils sont souvent critiqués dans leur manière de traiter les programmes mais aussi dans leur façon d’offrir une solution « de facilité » à certains enseignants, ces manuels restent, quoi qu’on en dise , des instruments essentiels. D’une part, ils offrent une documentation variée et importante pour traiter les différents thèmes abordés dans les programmes. Parmi ces documents on trouve des « documents sources », des documents « produits de la recherche », des documents « issus de l’actualité » et enfin des documents « construits par les auteurs du manuel ».(GRANIER, 2002). D’autre part, les manuels d’enseignement offrent, parfois d’une manière qui peut être critiquable, une interprétation du programme. Cette interprétation peut occasionnellement soutenir l’enseignant qui a du mal à traduire la volonté d’une partie moins explicite d’un programme. Enfin, les manuels proposent surtout des activités riches et multiformes qui sont bien souvent utilisées par les enseignants. Ce sont ces activités proposées qui nous intéressent pour notre propos. En effet, tout comme nous l’avons accompli précédemment avec les BO, nous allons analyser désormais les activités suggérées par les manuels de tous les niveaux du secondaire afin d’observer la place occupée par les activités cartographiques. Par activité cartographique il faut comprendre, bien entendu, toutes les activités où les élèves sont invités à réaliser une production graphique et non pas seulement à analyser une carte. Cette autopsie des manuels, afin d’être en concordance avec notre activité précédente, sera organisée sur les manuels relatifs aux derniers BO de la discipline. Toujours dans un soucis d’efficacité et d’impartialité, trois manuels de trois maisons d’éditions différentes seront auscultés par niveau. La liste des manuels étudiés est consultable dans les annexes (Annexe 2). Les objectifs poursuivis par cette activité de recherche sont peu ou prou les mêmes que pour la recherche dans les BO. Le premier d’entre eux est de réaliser une liste de toutes les activités cartographiques proposées au sein de ces manuels d’enseignement. A partir de cette liste le second objectif est une nouvelle fois d’observer si ces tâches cartographiques sont exclusivement réservées à la géographie ou bien si la discipline historique arrive à grignoter quelques activités. Enfin le dernier objectif est lui aussi en concordance avec l’activité précédente puisque nous allons observer de nouveau la répartition des tâches cartographiques selon les différents niveaux du secondaire et voir si cette répartition suit les tendances misent en lumière par l’étude des programmes. Voyons désormais ce que cela donne en terme de résultats.

La place de la cartographie dans les manuels du secondaires 

Sur les 29 manuels dépouillés, la recherche met en évidence 209 exercices cartographiques proposés entre les 7 niveaux de l’enseignement secondaire. Ces résultats indiquent donc une moyenne de 7,2 tâches cartographiques par manuel et donc de 21,6 exercices par niveau. On peut admettre que cette proportion de 7 exercices par manuel est assez importante étant données les 19 d’injonctions institutionnelles dans les bulletins officiels de l’ensemble du secondaire. Tout comme l’observation des programmes, l’analyse des manuels permet de mettre en avant un certain nombre de tendances relatives à la place de la cartographie dans ces documents clefs pour les enseignants. La première d’entre-elles, et c’est toujours la plus évidente, est celle de la captation par la géographie de l’immense majorité des exercices cartographiques. Sur les 209 exercices répertoriés, 204 l’ont été dans la partie géographie des manuels. Dans environs 98 % des cas, la cartographie est donc associée à la géographie. Les 5 exercices proposés en histoire le sont tous dans les manuels du niveau 5ème. On peut donc noter, dans un second temps, que les manuels marchent de concert avec les BO puisque c’est aussi dans ce niveau que nous avions recensé la seule invitation à réaliser une tâche cartographique en histoire. La seconde tendance à mettre en évidence est celle relative à la place de cartographie vis à vis de l’ensemble des niveaux du secondaire. De la même manière que dans les bulletins officiels, on ne pas lire une dynamique particulière de la représentation des exercices cartographiques dans le cheminement à travers les niveaux du collège et du lycée. Les activités cartographiques s’inscrivent dans les manuels de la même façon que les invitations à réaliser 16 6ème Hist 6ème Géo 5ème Hist 5ème Géo 4ème Hist 4ème Géo 3ème Hist 3ème Géo Seconde Hist Seconde Géo Première Hist Première Géo Terminale Hist Terminale Géo 0 5 10 15 20 25 30 35 La cartographie dans les manuels du secondaire Manuel n°1 Manuel n°2 Manuel n°3 Niveaux Nombre de tâches cartographiques ces tâches s’insèrent dans les programmes. C’est à dire qu’elles ne suivent pas une politique évolutive à travers les niveaux du secondaire, mais elles sont injectées dans les manuels lorsque les thèmes abordés en géographie sont idoines à leur utilisation. Dans ce cadre on remarque que les manuels, où les exercices cartographiques sont moins bien représentés, sont ceux de cinquième et de seconde. On peut invoquer ici la même raison que celle utilisée pour les bulletins officiels. Le programme de géographie organisée autour de la question du développement durable est moins propice à la pratique de la cartographie que les thèmes abordées dans les autres niveaux. Un exemple concret peut être utilisé en observant les résultats dans les manuels de 6ème. La forte proportion des exercices cartographiques dans ces manuels s’explique par le nombre important d’études de paysages organisées par le programme de géographie de ce niveau. Dans le même sens, le niveau qui recense le plus d’activités cartographiques au sein de ses manuels est le niveau première. En effet, 64 activités y sont représentées entre les trois manuels consultés. Le niveau capte à lui seul environ 30 % des activités recensées. Ces chiffres peuvent s’expliquer de deux manières. Premièrement ce sont les thèmes abordés et organisés autour de la « France et l’Europe: dynamiques des territoires dans la mondialisation » qui expliquent ces scores. La mondialisation, étudiée à travers ses différents flux et leurs impacts à différentes échelles (du local au global), est en effet un thème qui est très favorable à l’activité cartographique. Deuxièmement, cette forte représentation peut s’expliquer à travers la nécessité de commencer à aborder cet exercice particulier de la discipline dans l’optique du Bac de fin de terminale. Ces deux raisons additionnées apportent une réponse à la présence importante d’exercices cartographiques au sein des manuels de première. La dernière observation que l’on peut réaliser grâce à l’analyse des manuels du secondaire concerne la relation entre la proportion des tâches cartographiques dans les manuels et les exigences des épreuves du DNB et du Baccalauréats en matière de production graphique. D’après les résultats réalisés par les manuels de troisième on ne peut pas dire qu’il y ait une véritable pression exercée par le DNB sur les concepteurs. Les exercices cartographiques y sont représentés convenablement et non pas dans des proportions exubérantes. En revanche la pression du baccalauréat semble gonfler les chiffres réalisés par les manuels de terminal (ES/L uniquement). On retrouve dans ces manuels respectivement 14 et 17 exercices cartographiques soit le double de la moyenne établie par manuel. Comme pour les BO, la pression de l’examen doit faire son effet sur les concepteurs. La faible représentation des exercices cartographiques dans certains manuels du secondaire ne signifie pas que les cartes sont pour autant absentes de ces manuels. Au contraire ces documents sont plutôt bien représentés dans la plupart des ouvrages. Pour en rendre compte on peut analyser les chiffres suivants, obtenus après l’épluchage du manuel de 5ème édité par Magnard en 2010.  D’après ces chiffres les cartes représentent un pourcentage que l’on pourrait qualifier de convenable parmi les 830 documents qui composent le manuel. Indépendamment de l’histoire ou de la géographie plus d’1 document sur 10 qui composent ce manuel (10,9 % des documents) est une carte. Cet éclairage donné par ces deux diagrammes, montre que là où la cartographie n’est pas très bien représentée ( voir ce qu’on l’on a dit sur les programme de 5ème et de seconde) cela ne signifie pas forcement que les cartes n’y sont pas présentes. Nous venons de terminer l’analyse de la situation de la cartographie au sein des manuels d’histoire et de géographie du secondaire. Il est temps désormais de dresser un bilan de la place de la cartographie d’ après les ressources officielles. 1.3. Cartographie et ressources officielles : le mimétisme entre la place de la cartographie dans les BO et la place de la cartographie dans les manuels. L’étude à la fois des BO relatifs aux programmes d’histoire et de géographie du secondaire mais aussi des manuels d’enseignement de la discipline a permis de mettre en exergue un certain nombre de tendances qui caractérisent la place de la cartographie dans les ressources officielles. Ces tendances sont les suivantes : • C’est la géographie qui monopolisent la tâche cartographique. L’histoire reste cantonnée à d’autres activités bien que la cartographie peut être mobilisée dans les deux disciplines. • La cartographie n’est pas incluse de manière aléatoire dans les programmes d’enseignement et dans les manuels. Au contraire elle respecte les cadres scientifiques de la discipline géographique et émerge lorsque cela est nécessaire. 18 Tableau 2: Cartes et documents relatifs à l’histoire dans un manuel Représentation des cartes parmi les documents proposés en Histoire Nombre de cartes Nombre de documents Tableau 3: Cartes et documents relatifs à la géographie dans un manuel Représentation des cartes parmi les documents en Géographie Nombre de cartes Nombre de documents 9,05 % 13,3 % • La pression du baccalauréat, qui marque la fin des études dans le secondaire, conditionne l’importance que prend la cartographie au sein des programmes et des manuels de terminale. La concordance des tendances au sein des manuels et des programmes est plutôt rassurante. Cela signal que les concepteurs des manuels, qui travaillent à partir des BO, ont fourni un travail plutôt cohérent. Mais, pour en revenir à la cartographie, ces différentes tendances ne permettent pas de pourvoir affirmer que la cartographie est bien ou mal représentée au sein de l’enseignement de l’histoire et de la géographie au secondaire. Cette appréciation est une affaire qui est plus personnelle. Elle ne peut pas se lire à travers les pages d’un manuel ou à travers les lignes d’un Bulletin Officiel. Elle engage une relation privilégiée et intime avec la discipline et son enseignement. C’est pour toutes ces raisons que nous allons nous pencher désormais sur la place de la cartographie au sein de l’enseignement secondaire mais cette fois-ci à travers le regard des acteurs de la discipline. 

La place de la cartographie au secondaire : le regard des acteurs 

Les enseignants et la pratique cartographique au secondaire

Présentation du questionnaire et des objectifs visés Au delà de la place occupée par la cartographie dans les ressources officielles il est nécessaire , afin d’obtenir une vision plus globale de sa position au secondaire, d’interroger les principaux acteurs de la discipline, c’est à dire les enseignants. Ces derniers sont les seuls maîtres à bord du navire. Ce sont eux qui donnent le cap et l’orientation à suivre. Bien sur, ils disposent pour cela d’outils qui leur facilitent la manœuvre, comme les manuels et les bulletins officiels, mais, une fois qu’ils dérivent au cœur de la classe, c’est eux qui tiennent la barre et dirigent les apprenants vers le savoir. Il est important de comprendre ici, à travers cette métaphore, que la pratique de la cartographie dans les classes du secondaire dépend bien plus des choix opérés par les enseignants que des injonctions institutionnelles relayées par les programmes et dans une moindre mesure par les manuels. L’objectif de cette seconde partie est donc d’aller interroger ces capitaines du navire afin d’observer la relation qu’ils entretiennent avec la cartographie et de savoir dans quelle proportion cette activité est insérée dans leurs différentes séances au collège et au lycée. Cette observation prendra la forme d’un questionnaire que nous soumettrons directement aux enseignants. Au regard des tendances qui ont été mises mise en avant précédemment par l’étude des ressources officielles, ce questionnaire poursuit plusieurs objectifs. Le premier d’entre eux concerne le positionnement de la cartographie vis à vis de l’histoire et de la géographie. Le but est de voir si la tendance d’une absorption des exercices cartographiques par la géographie au détriment de l’histoire se confirme sur le terrain. Le second dessein de ce questionnaire est de recueillir l’opinion 19 personnelle des enseignants sur le positionnement actuel de la cartographie au sein de la discipline. Nous pourrons ainsi savoir si , pour les enseignants, la cartographie mérite d’occuper une place plus importante, moins importante ou bien si elle occupe une place convenable au sein de l’enseignement de l’histoire et de la géographie de nos jours. Enfin le troisième objectif de ce questionnaire est d’interroger les enseignants sur leurs sentiments vis à vis de la place occupée par la cartographie au sein de leurs formations respectives qui les ont conduit à devenir enseignant. Le questionnaire est effectivement l’occasion de réintroduire ici la problématique soulevée par Gérard HUGONIE dans « la carte dans tous ses états » qui est celle des formations insuffisantes des enseignants à la cartographie. De ces objectifs clairement énoncés découle le questionnaire, consultable dans les annexes (Annexe 3), qui est organisé en quatre grandes questions. La première d’entre-elles s’intéresse à la situation actuelle des enseignants en leurs demandant de préciser dans quels types d’établissement ils travaillent et avec quels niveaux. La seconde question interroge l’enseignant sur la place occupée par la cartographie dans ses séances d’histoire et de géographie. Le but ici est de répondre à notre premier objectif. Dans un soucis d’exploitation des réponses mais aussi pour obtenir un point de vue nuancé de la part des enseignants, le différenciateur sémantique d’Osgood est appliqué à cette question. L’échelle de valeurs, allant de 1 à 7, doit permettre à l’enseignant de se situer vis à vis de sa pratique. La troisième question tente de mesurer l’opinion des enseignants par rapport au positionnement actuel de la cartographie au sein de l’histoire et de la géographie. C’est notre notre second objectif qui est visé ici par cette question. Pour cette dernière le sujet va devoir se positionner parmi 6 niveaux de réponse explicitement dénommés. Cette fois ci c’est l’échelle de Likert qui est appliquée. Cette échelle est de nouveau utilisée lors de la dernière question qui interroge le sujet sur la place occupée par la cartographie dans sa formation qui l’a conduit aujourd’hui à être enseignant. La question exige au préalable que le sujet précise si il a suivit un parcours d’historien ou de géographe. Notre troisième objectif est ici en ligne de mire. Cette question doit permettre de voir si les historiens et les géographes sont égaux vis à vis de l’appréhension de cet exercice lors de leurs formations respectives, alors que la maîtrise de cet outil est exigée lors des concours de recrutement. Elle doit permettre également de voir si les historiens et les géographes utilisent de la même manière (en terme de quantité) cet exercice au sein de leurs séances. Enfin cette question doit aussi permettre de savoir si les enseignants historiens et les géographes ont les mêmes opinions vis à vis du positionnement actuel de la cartographie dans l’enseignement au secondaire. Maintenant que l’on a présenté ce questionnaire et ses objectifs observons désormais ce que cela donne en matière de résultats. b) Résultats et analyse Sur la 50aine de questionnaires distribués à des enseignants de différents niveaux (collège et lycée) et de différents établissements (privés et publics) nous avons récolté, au final, 27 réponses. Il est possible de dresser 20 grâce à la première question un graphique des niveaux du secondaire concernés par les réponses des enseignants. D’après ce graphique on remarque que les enseignants, qui ont répondu au questionnaire, couvrent de manière équilibrée l’ensemble des niveaux du secondaire. Cet équilibre est plutôt une chance puisque cela veut dire que les tendances qui seront mises en avant par l’ensemble des réponses seront des tendances relatives à l’ensemble de l’enseignement secondaire. Parmi les 27 enseignants qui ont répondu 18 d’entre eux sont issus d’une formation historienne. Pour les 9 enseignants restant, nous n’avons pas d’informations relatives aux parcours poursuivis. Cette absence importante de réponses vis à vis de la formation permet de remettre en cause la structure du questionnaire. Pour une meilleure efficacité, la question des parcours poursuivis aurait dû prendre place dans le cadre de la question n°1 relative aux types d’établissement où les enseignants travaillent et aux niveaux où ils exercent leur métier. Toujours est-il que, parmi l’ensemble des réponses, aucun des enseignants n’a suivi un parcours de géographe. Une analyse suivant la formation est donc impossible. La présentation des sujets venant d’être réalisée, attachons-nous désormais à décortiquer leurs réponses. Notre premier objectif visé avec ce questionnaire était de voir si la tendance à la captation des exercices de cartographie par la géographie se confirmait auprès des enseignants. Les deux graphiques relatifs a cette question montrent plusieurs choses. 

Table des matières

PREMIÈRE PARTIE: CHOIX DU SUJET ET ÉCLAIRCISSEMENTS THÉORIQUES
1 Motivations et choix du sujet
2 Cartes, cartographie, de quoi parle-t-on ?
2.1. Qu’est ce qu’une carte ?
2.2. Qu’est ce que la cartographie ?
2.3. La carte et l’évolution de ses usages
3 L’enseignement de la cartographie au secondaire
3.1. La fin des années 90, un tournant pour la cartographie en milieu scolaire
3.2. Les vertus de cet exercices
3.3. L’absence d’un renouvellement de la littérature scientifique au sujet de la cartographie en milieu scolaire
4 Problématique et plan de la recherche
SECONDE PARTIE : RECHERCHE
1 La place de la cartographie au secondaire : l’éclairage par la consultation des ressources
officielles
1.1. La consultation des bulletins officiels
1.2. La consultation des manuels d’enseignement
1.3. Cartographie et ressources officielles : le mimétisme entre la place de la cartographie dans les BO et la
place de la cartographie dans les manuels.
2 La place de la cartographie au secondaire : le regard des acteurs
2.1. Les enseignants et la pratique cartographique au secondaire
2.2. Rencontre avec le co-responsable du « Concours Carto »
2.3. Les résultats du regard des acteurs
3 La cartographie permet-elle une meilleure acquisition des notions ?
3.1. Présentation des objectifs visés et du dispositif réalisé
3.2. La réalisation de l’expérience
3.3. Analyse des résultats et limites du dispositif
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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