La chimie radicalaire par propagation de chaîne

La chimie radicalaire par propagation de chaîne

Principes

Une réaction radicalaire, quelle qu’elle soit, se compose toujours des trois étapes suivantes : formation d’un radical sur le substrat à transformer (directement dessus ou via un initiateur qui lui transmettra son caractère radicalaire), réalisation de la transformation (addition, cyclisation etc.) puis perte du caractère radicalaire. Lorsque le radical obtenu après l’étape de transformation perd son caractère radicalaire en le transmettant à une autre molécule du substrat de départ, on parle de réaction radicalaire par propagation de chaîne15,16. Les trois réactions élementaires sont alors appelées l’amorçage, la propagation et la terminaison. a. L’amorçage L’amorçage consiste à générer un radical par rupture homolytique d’une liaison faible en énergie, soit par voie chimique, soit par voie thermique, soit enfin par voie photochimique. Généralement le substrat à transformer ne possède pas de telle liaison, il est donc nécessaire de recourir à une amorce externe en faible quantité, par exemple un peroxydea , pour lui transférer son caractère radicalaire. Le choix de l’amorce revêt une grande importance et doit être adapté au système utilisé, que ce soit en terme de temps de demi-vie dans le milieu à la température considérée ou en terme de type de radicaux générés (primaires, secondaires ou tertiaires). Les amorces les plus couramment utilisées sont représentées ci-après (cf. tableau I-1). b. La propagation Une fois le radical formé sur le substrat, celui va subir une ou plusieurs réactions élémentaires comme un transfert (ou abstraction) d’hydrogène, une substitution homolytique, une addition sur une liaison multiple ou une fragmentation (cf. schéma I-3). Cette succession d’étapes va conduire à la formation du produit final tout en transférant le caractère radicalaire à une autre espèce pour propager la chaîne : soit de manière directe, i.e. à une molécule de départ, c’est le cas des méthodes par transfert d’atome et des esters de Barton. Soit de manière indirecte, i.e. via un agent extérieur, c’est le cas de la méthode aux hydrures d’étain (cf. schéma I-4). 

La terminaison 

Une chaîne radicalaire peut se terminer de trois façons différentes, soit par combinaison de deux radicaux, i.e. via hétéro- ou homo-dimérisation, soit par dismutation ou bien par oxydo-réduction (cf. schéma I-5). La combinaison et la dismutation peuvent être limitées en maintenant une concentration faible en radicaux dans le milieu réactionnel. 

Méthodes de chimie radicalaire par propagation de chaîne 

À partir des hydrures d’étain 

Les hydrures d’étain – et tout spécialement l’hydrure de tributylétain n-Bu3SnH – sont de loin les réactifs les plus utilisés en chimie radicalaire, car ils sont extrêmement efficaces pour générer des radicaux dans un mécanisme par propagation de chaîne. Ils peuvent en effet réagir avec de nombreux groupements chimiques comme les halogénures, les sulfures, les séléniures ou les nitrés. Leur très grande affinité pour les halogénures en particulier est très utile pour générer des radicaux très hauts en énergie, tels que des radicaux primaires, vinyliques et aryliques. Cependant ils sont en même temps suffisamment sélectifs pour supporter un grand nombre de fonctionnalités. Les deux limitations majeures sont la toxicité des résidus d’étain18 et la difficulté de purification de ces résidus, ce qui peut exclure l’utilisation de cette méthode dans certains cas, particulièrement en chimie médicinale.Le mécanisme de propagation de chaîne est représenté ci-dessus dans le cas de l’hydrure de tributylétain (cf. schéma I-6). Le radical stannylé n-Bu3Sn• est généré par abstraction de l’hydrogène de la liaison faible Sn-H par un radical issu de l’amorcea,b. Le radical stannylé réagit alors avec le composé halogéné de départ 1, pour former le radical R•, qui peut alors évoluer selon deux voies distinctes : • Soit par abstraction d’hydrogène avec l’hydrure de tributylétain, pour former le produit de réduction 2 et un nouveau radical stannylé n-Bu3Sn• qui va propager la chaîne. • Soit par une succession de transformations élémentaires (addition, fragmentation, cyclisation, réarrangement etc.) pour former un nouveau radical R’•, qui réagira à son tour avec l’hydrure de tributylétain, pour former le produit de réduction 3 et un nouveau radical stannylé n-Bu3Sn• qui va propager la chaîne. Dans la plupart des réactions utilisant cette méthode, c’est la deuxième voie qui est celle recherchée et il est donc important de maintenir la concentration en hydrure de tributylétain la plus basse possible afin de limiter au maximum la réduction prématurée du radical R•. C’est pour cette raison que l’addition de l’hydrure se fait le plus souvent de façon lente tout au long de la réaction. Ce phénomène de réduction prématurée devient particulièrement important dans le cas de réactions cinétiquement défavorisées, par exemple dans le cas d’additions intermoléculaires sur des oléfines peu activées et/ou peu concentrées. Une bonne illustration de cette méthodologie, à la fois de sa puissance mais aussi de ses problèmes de réduction prématurée, est donnée par la synthèse totale de la (±)-aspidospermidine réalisée au laboratoire par le docteur Sharp19 (cf. schéma I-7). La formation du radical amidyle 4 après le traitement du précurseur LS1 par un mélange d’hydrure de tributylétain et d’ACCN permet la réalisation d’une cascade radicalaire avec une cyclisation 5-exo suivie d’une cyclisation 6-endo. Bien que la cascade ait permis d’obtenir le composé attendu LS2 avec un bon rendement de 53%, une quantité non négligeable de produit de réduction LS3 est obtenu à l’issue de la première cyclisation 5-exo. Il est intéressant de noter que la présence du chlore est nécessaire pour avoir une réaction régiocontrôlée et ainsi éviter une double cyclisation 5-exo (favorisée en vertu des règles de Baldwin) 

À partir des esters thiohydroxamiques

La méthode des esters thiohydroxamiquesa a été mise au point par Barton au début des années 198020-22,11. Elle a été initialement développée pour effectuer des réactions de décarboxylation, d’où son appellation de décarboxylation radicalaire de Barton, mais son spectre d’application a été largement élargi depuis : le radical généré peut par exemple être utilisé pour abstraire un halogène – comme un chlore ou un brome – ou un groupe sélénié 23, pour être hydroxylé par de l’oxygène en présence d’antimoine23 ou bien tout simplement pour être réduit par de l’hydrure de tributylétain24 . Le mécanisme de propagation de chaîne est représenté ci-dessous (cf. schéma I-8). Les esters thiohydroxamiques 7 sont relativement sensibles, surtout à la lumière. Ils sont donc le plus souvent générés in situ par la réaction du sel de sodium de la N-hydroxy-pyridine-2-thione 6 avec un chlorure d’acyle, puis activés par la lumière pour conduire au radical carboxyle 8 via la rupture de la liaison faible azote-oxygèneb , la force motrice de la réaction étant la ré-aromatisation du noyau pyridine généré à cette occasion. Le radical 8 subit alors une décarboxylation pour conduire au radical R•, qui peut alors évoluer selon deux voies distinctes : • Soit par réaction avec l’ester thiohydroxamique de départ 7 pour former le sulfure 9 et un nouveau radical carboxyle 8, • Soit par une succession de transformations élémentaires (addition, fragmentation, cyclisation, réarrangement, etc.) pour former un nouveau radical R’•, qui réagira à son tour avec l’ester thiohydroxamique de départ 7 pour former le sulfure 10 et un nouveau radical carboxyle 8 qui va propager la chaîne. 

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