LA CONSTANTE EXTENSION DES FOURNITURES ET DES SERVICES

LA CONSTANTE EXTENSION DES FOURNITURES ET DES SERVICES

Une diversité des fournitures et services, source d’extension 

Le fait que les administrations utilisent un nombre toujours plus grand de biens divers83 – fournitures, informatique, espaces verts – et qu’elles aient recours à un nombre toujours plus important de services proposés par les entreprises – nettoyage, gardiennage – ne fait pas de doute. De plus, se développe aussi le recours aux services d’autres personnes lorsque l’administration en régie n’est pas possible pour des raisons de compétence technique ou de capacité financière. Pour autant, on peut se demander si cette diversité de biens a eu une conséquence directe sur les notions juridiques de fournitures et services ou si, au contraire, ces dernières ont su être assez flexibles pour incorporer les évolutions. Après tout, toutes rentrent encore dans les catégories de meubles et d’immeubles ou de biens corporels ou incorporels. On aboutit in fine à constater que le droit des marchés a eu une réaction médiane qui consiste en la préservation de la dichotomie fournitures-services mais en l’adaptant ; d’une part en séparant de plus en plus les deux catégories et en précisant la notion de service, d’autre part en utilisant des sous-catégories contractuellement adaptables. C’est l’absence de définition stricte de fournitures ou de service qui a permis une évolution dans un double sens : d’une part les marchés de fournitures se sont étendus mais sont restés limités par la notion de service (A), d’autre part la notion de service, résiduelle et non conceptuelle est devenue une catégorie qu’il conviendrait de mieux définir (B). 

Des fournitures disparates et en constante augmentation 

 Les marchés de fournitures ont toujours eu des objets disparates. Cette situation a très vite été prise en compte par les textes imposant des procédures de passation. Ainsi, dès les premiers textes révolutionnaires, la mise en concurrence des « denrées périssables » a été limitée au maximum afin qu’elles fussent encore consommables après la procédure, l’application des procédures générales étant – déjà – trop longue pour garantir ce point essentiel . De même, les bien destinés aux armées ont rapidement été soumis à des dispositions permettant une procédure alliant efficacité et secret pour des raisons évidentes de sécurité nationale. Que ce soit pour des raisons tenant à la nature même du bien ou à la personne qui en aura l’utilisation, les diverses fournitures n’ont dès le départ pas toutes été soumises à un régime parfaitement identique86, mais elles ont toujours été qualifiées de fournitures du simple fait du caractère résiduel de cette notion (1). L’arrivée de la notion de service a modifié cette approche et contraint à rechercher une définition plus objective tout en l’obligeant à intégrer dans cette définition la diversité des fournitures (2). Il apparaît pourtant qu’un effort de simplification et d’unification des notions serait bienvenu (3). 

Des fournitures non définies mais diversifiées 

 Jusque récemment, la notion de fourniture, bien qu’elle regroupât des variétés de biens très différentes, n’était pas juridiquement différenciée en sous catégories. Certes, un nombre important de biens précis était soumis à des règles adaptées — l’exemple des denrées périssables est à ce sujet particulièrement topique — (a) mais l’on ne faisait pas de véritables sous-catégories dans lesquelles les biens étaient classés en grandes familles. Il faudra attendre les cahiers des clauses administratives générales des années 1980 pour esquisser de véritables sous-catégories de fournitures qui ont évolué parallèlement avec les besoins des personnes publiques, passant des « fournitures courantes » à des biens plus spécifiques regroupés sous la qualification de « fournitures industrielles ». (b) a) Des fournitures très tardivement associées aux services .Le Nouveau répertoire Dalloz de 1964 , dont l’analyse est la plus proche dans le temps de la publication du Code, procède à une définition des fournitures sous forme de liste88, éclairée par la considération que « lorsque la prestation due par le cocontractant […] est un ou plusieurs objets mobiliers, le contrat considéré est un marché de fournitures ». Au moment de son entrée en vigueur, le Code de 1964 considère donc les « fournitures et services » comme une catégorie unique89, l’autonomie actuelle des fournitures ne prenant forme que bien après l’arrivée des services, lorsque l’on a dû trouver des critères de distinction entre les deux. Le Code actuel évite les discussions à ce sujet puisque, comme le droit communautaire l’avait fait avant, il définit son champ d’application matériel plus clairement en considérant qu’il s’applique aux « besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services »90. Ce débat a pourtant duré de nombreuses années. En effet, la notion de fournitures se distinguant de celle de services avec le cahier des clauses administratives générales « fournitures et services courants » de 1977, on aurait pu croire que chacun des deux éléments se trouverait défini dans ce texte. Tel n’est pourtant pas le cas et, contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, la distinction entre les deux s’en est trouvée plus inutile encore : d’une part cela a conduit à un rapprochement des régimes applicables aux services et aux fournitures – les règles du CCAG étant communes – alors qu’il était déjà presque identique dans le code, d’autre part le caractère de document contractuel du CCAG permettait que l’objet « réel » du contrat – fournitures ou services – ne soit pas l’objet « officiel » du CCAG : il est juridiquement possible de choisir le CCAG Travaux pour un marché de fournitures en adaptant quelques règles pour des raisons pratiques. La distinction entre fournitures et services faisait défaut, mais la diversité de ces notions a paradoxalement conduit le législateur – ou plus précisément l’autorité réglementaire – à reconnaître et utiliser des sous-catégories de chacune de ces notions. 

La distinction entre les différentes fournitures 

. Ce n’est qu’avec le cahier des clauses administratives générales – Marchés industriels (C.C.A.G.M.I.)que l’on ressent le besoin de définir les fournitures industrielles et, partant, les fournitures courantes. Cependant, la circulaire d’application de ce décret93 néglige malheureusement de donner une définition matérielle générale des fournitures. Les fournitures industrielles sont définies comme des biens créés spécialement pour la personne publique, suivant ses spécifications et sous son contrôle. A contrario, les fournitures courantes sont des biens génériques que la personne publique se contente d’acheter à une entreprise qui les fournit aussi à d’autres personnes, publiques ou privées. En somme, la distinction entre les deux types de fournitures se fonde sur le critère du « travail spécifique » que nous avons déjà rencontré à l’occasion de l’analyse des différents types de contrats de droit privé. Il semblerait de ce fait que l’on se trouve devant une équation simple : les marchés publics de fournitures courantes seraient tous assimilables à des contrats de vente de droit privé ; et les marchés publics de fournitures industrielles seraient pour leur part assimilables à des contrats d’entreprise. Le critère du « travail spécifique » étant le critère actuellement retenu en droit privé positif96. Pour autant, si ce critère continue d’être le centre de la distinction entre marchés industriels et marchés de fournitures courantes, le droit communautaire vient apporter une limite à cette utilisation de notions de droit privé en droit public. Il estime en effet que les contrats de location, location-vente et crédit-bail peuvent constituer des marchés publics. Nous préciserons ce point mais il est d’ores et déjà possible de dire que ce qui est modifié par le droit communautaire, ce n’est pas l’obligation du cocontractant – qui reste une obligation de faire ou de donner – mais les autres conditions du contrat. Ainsi, l’obligation de donner ne s’associe pas à un transfert de propriété lorsque le contrat est une location.

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