La construction sociale de connectivités sportives associatives en milieu rural à l’aune de la dialectique d’intégration exclusion

La construction sociale de connectivités sportives associatives en milieu rural à l’aune de la dialectique d’intégration exclusion

Dans cette section, il s’agit à présent de prendre du recul par rapport aux explorations théoriques précédentes et de rassembler les idées afin de préciser les grandes orientations de la recherche et de définir une problématique. Ce choix est le résultat logique de la construction de notre cadre conceptuel effectué précédemment. « Choisir, c’est adopté un cadre théorique qui convient bien au problème et qu’on est en mesure de maîtriser suffisamment. Pour expliciter sa problématique, on redéfinit le mieux possible l’objet de sa recherche en précisant l’angle sous lequel on décide de l’aborder et en reformulant la question de départ de manière à ce qu’elle privée des individus435. Cette sécularisation entraîne une perte d’unité de la société et une instabilité profonde, secouée par une crise de la légitimité morale. C’est comme si les individus n’intériorisaient plus les normes propices à la structuration de la société. En conséquence, nous serions enclin à penser que nombres d’institutions de la République se trouvent minées par la modernité. A côté de l’institution familiale et religieuse, l’armée comme l’école ne constituent plus des foyers d’éducation de la nation, de formation de la citoyenneté et de création de lien entre les individus. Cette perte d’influence retentit en milieu rural jusque dans les territoires les plus profonds. Elle ne saurait s’expliquer si d’un autre côté, nous n’en trouvions pas d’autres pour remplir ce rôle. Le domaine sportif devient alors un nouveau cadre institutionnel de la République ; en milieu rural, il s’installe aux côtés des autres grandes institutions de la société.

Dans cette perspective, le milieu rural subit un bouleversement de ses valeurs traditionnelles et il est socialement déstructuré. Nous assistons également à l’émergence d’un nouveau paysage sportif donc le milieu rural semble en pleine recomposition sur le plan de sa structure sociale. Parallèlement, la société rurale demeure également touchée par le déclin des institutions républicaines et par les phénomènes macrosociaux de crise du lien social et d’individualisation de la société, cœur de la pensée sociologique contemporaine. Dès lors, nous avons centré notre objet de recherche sur l’institution sportive afin d’observer si elle pouvait bel et bien répondre, dans la société rurale, à ces déficits institutionnels. Est-ce que le sport peut devenir un facteur de la recomposition sociale de la société rurale ? Le sport en milieu rural ne serait-il pas un jeu social avant d’être un jeu sportif ? d’intégration, tantôt outil d’exclusion436 au regard des conduites effectives en matière de sport rendant compte de certaines situations de rupture du lien social entre les individus. Cette réalité sportive en milieu rural nous est dépeinte par le courant de la sociologie critique du sport. Un certain nombre de dérives, notamment en matière de violences symbolique et physiques, se répandent sur toutes les strates du domaine sportif. Et les épidémiologues nous alertent sur les nombreux troubles et conduites associées à la pratique sportive, notamment en terme de consommation de substances psycho-actives (alcool, tabac, cannabis et autres drogues). Ce décalage atteste que le sport ne correspond pas toujours au domaine vertueux que certains voudraient lui attribuer.

Pourtant, nous avons élaboré notre objet de recherche à partir d’un cadre conceptuel qui s’articule autour des trois aspects majeurs suivants : le territoire, l’association et les individus. En effet, notre recherche porte sur le milieu rural à partir de l’échelle locale, à savoir celle des villages. Précédemment, nous avons vu que la crise de l’Etat-providence était à la base de l’appel à l’associatif dans l’optique de la restauration du lien social. L’association, en tant qu’ « institution souligne Jacques Donzelot438, « on assiste à un retour de la conception communautaire du social à travers la valorisation du local ». La reconstitution du lien s’opère en « puisant dans les ressources cachées, inexploitées, d’une société concrète, d’une solidarité active ». Ne s’agirait-il pas d’une forme de réaction, de résistance du local face à ces phénomènes globaux ? Dans certaines localités, nous pouvons constater un renforcement des liens sociaux fondés sur des relations de réciprocité, notamment dans le développement d’échanges où prédomine une finalité locale.

Ces effets de proximité inhérents à la resolidification de ces liens, renvoient souvent, au niveau local, à l’échelle du village en l’occurrence. Ils ont donc un ancrage territorial. Il ne s’agit pas de supposer que cette recomposition sociale est un effet mécanique, simple conséquence de la localisation d’individus dans la commune et d’une proximité géographique, mais de montrer qu’au sein de ces villages et pour effectuer notre analyse. Mais l’utilisation de ce syntagme « lien social » comme catégorie d’analyse ne nous satisfait pas. Son emploi par le sens commun rend sa définition délicate ; il est devenu une catégorie de pratique. Il était donc nécessaire de procéder à une reconstruction conceptuelle du lien social. Pour cela, nous mobilisons le concept de « connectivité » en l’articulant autour des trois dimensions empreintées à Rogers Brubaker : la « communalité », la « connexité » et la « groupalité ». La « communalité » dénote le partage ou la possession avec autrui ou avec un groupe d’individus, d’une caractéristique, d’un attribut ou d’un ensemble d’attributs communs. La « connexité », deuxième dimension de la connectivité, représente les attaches relationnelles qui lient les gens entre eux. Mais ni l’une et l’autre de ces dimensions ne suffisent à engendrer la « groupalité », comme sentiment d’appartenir à un groupe particulier, limité, solidaire. La particularité du concept de « connectivité », contrairement à celui de sociabilité, réside dans le fait qu’il nous permet de dépasser les formes d’agrégation internes aux associations. Il permet d’appréhender toutes les formes d’affiliation entre les différentes composantes de notre recherche : le village, l’association sportive, l’individu.

 

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