La création de valeur des alliances stratégiques et fusions-acquisitions

Depuis les années 1980, les entreprises quelles que soient leurs tailles ou leurs secteurs d’activités se développent de plus en plus par des opérations de croissance externe, notamment par des alliances stratégiques (AS) ou des fusions-acquisitions (F&A) (Paturel, 1990). Ces dernières se sont multipliées au point d’apparaître comme une forme assez courante au sein des options stratégiques d’entreprise. Cette tendance s’explique par plusieurs raisons liées notamment aux intentions des acteurs concernés qu’il s’agisse, comme le notent certains auteurs, de motivations financières des actionnaires, de motivations stratégiques, substantielles ou institutionnelles (Aliouat et Taghzouti 2009).

Jacquot et Koehl (1998) ont formulé ces mêmes objectifs et motivations pour le cas des coopérations en général. Pour ces deux auteurs, les motivations sont souvent fournies par des explications environnementales (intensification de la concurrence, globalisation des marchés, évolution technologique, internationalisation des marchés, etc.), des interprétations économiques (l’efficience économique et organisationnelle) ou des interprétations culturelles et cognitives (les facteurs socioculturels, les schémas d’interprétation des acteurs, la vision,…).

Aujourd’hui, avec la situation économique nouvelle et les crises financières qui se multiplient, les alliances stratégiques et les fusions-acquisitions  sont devenues deux des moyens les plus adaptés pour faire face à une éventuelle crise interne ou externe, mais aussi pour faire face à une concurrence intense, intégrer un nouveau marché, réduire ou minimiser les coûts, maximiser les profits, compléter une gamme, se développer sur de nouveaux marchés, acquérir une technologie ou un savoir faire, obtenir des ressources rares, conserver certaines ressources, innover, etc. (Jacquot et Koehl, 1998). En somme, des stratégies de préservation, de captation, de création ou d’obtention de la valeur actuelle ou nouvelle au sens de Paturel (2011).

Cependant, avec la globalisation financière, les firmes se sont davantage concentrées sur la richesse de l’actionnaire, ces dernières ont alors connu une forte croissance de liquidité et une augmentation des profits. C’est pourquoi les praticiens et les chercheurs s’intéressent de plus en plus à ce domaine.

Nous pensons que la recherche de la maximisation de la richesse des actionnaires est au centre de cette compétition à grande taille comme le précise Albouy (2006) dans son article, Théorie, applications et limites de la mesure de la création de valeur: « Il n’y a pas si longtemps, l’objectif principal affiché était la course au chiffre d’affaires, à la taille critique, à la part de marché, voire au bénéfice net annuel. La création de valeur actionnariale ne serait-elle qu’un effet de mode ou un thème de communication comme beaucoup de sujets de management ? ».

Par ailleurs, les chercheurs sont de plus en plus intéressés par ce phénomène des alliances stratégiques et des fusions-acquisitions. Qu’il s’agisse d’en comprendre les leviers d’action, la dynamique des projets, l’organisation relationnelles, les intentions stratégiques ou encore la mortalité, le chercheur est nécessairement en quête de modélisations nouvelles. Nous constatons que d’une part, les différents travaux de recherche ne font que participer à la complexification des modèles théoriques, et que d’autre part, la convergence de modèles permet d’enrichir l’émergence à la fois des alliances stratégiques et des fusions-acquisitions, leur conduite, et par conséquent leur performance.

De ce fait, c’est la création de valeur financière des alliances et des fusions-acquisitions qui nous interpelle. Il est bien de préciser que la littérature sur la création de valeur financière à long terme des fusions-acquisitions est abondante, ce qui n’est pas le cas pour les alliances stratégiques, sauf pour la performance boursière où l’on constate que de nombreux travaux ont été réalisés sur ces deux types de stratégies. Et comme l’objet de notre recherche est de mesurer la valeur créée par chacune de deux options stratégiques, pour ensuite faire une étude comparative sur la performance des alliances stratégiques et des fusions-acquisitions en mesurant leurs valeurs créées, nous sommes obligés de nous référer à la littérature sur les fusions acquisitions pour tout ce qui concerne la création de valeur financière à long terme car il y a très peu de travaux sur la mesure de la création de valeur financière des alliances stratégiques.

Nous notons d’abord que les fusions et acquisitions ont une importance capitale dans la politique de développement de l’entreprise. Elles permettent la réalisation de synergies opérationnelles et financières (Seth, 1990 ; Smith et Kim, 1994), un accroissement rapide de la taille, un accès aux connaissances et compétences stratégiques, une valorisation boursière supérieure (Commissariat Général au Plan, 2002), une meilleure utilisation des actifs (Healy et al.,1990 ; Shleifer et Vishny, 2003) et du potentiel fiscal (Jensen et Ruback, 1983), la maîtrise des chocs industriels (Mitchell et Mulherin, 1996), et une augmentation de la part de marché et des barrières à l’entrée en réduisant la pression concurrentielle (Porter, 1986 ; Mueller, 1992). L’objectif principal est la création de valeur financière qui dépend souvent de la nouvelle méthode de pilotage des différentes étapes d’intégration et de gestion de la nouvelle entité dans un environnement où la croissance rapide des connaissances techniques et les incertitudes liées au changement technologique rendent difficile et complexe la création constante d’innovation dans une situation de concurrence globalisée. Or, face à cet impératif, il est parfois difficile, même pour les grandes sociétés, d’innover en permanence. A ce titre, les fusions-acquisitions, contrairement aux alliances stratégiques, se proposent comme un moyen d’acquisition rapide de connaissances et de techniques déjà finalisées. Elles peuvent s’inscrire également dans une logique de création de valeur et de poursuite de la trajectoire normale du secteur.

D’un autre côté, la théorie des marchés concertés et les théories de la firme considèrent que les alliances se substituent aux relations d’échange sur un marché, à une participation concertée, à une activité commune productrice de valeur. Ainsi, d’un point de vue stratégique, l’alliance ne se limite pas à une économie de coûts (approche défensive de la théorie des coûts de transaction). Elle s’inscrit aussi dans une perspective offensive de maximisation des profits (notamment par la conquête de pouvoir de marché) : l’alliance contribue alors au positionnement concurrentiel des entreprises (leur avantage concurrentiel) (Bensebaa, 2000).

Au demeurant, elle pourrait être non seulement un moyen d’obtention des ressources rares, dont les entreprises auraient besoin, mais aussi un moyen de conservation de certaines ressources dont le besoin immédiat n’est pas exprimé (Resource-Based View : approche par les ressources au sens de Barney (1991) ou Wernerfelt (1984)). Das et Teng (2000), défendant cette dernière idée, précisent que les entreprises sont motivées à former des alliances stratégiques, non seulement pour accéder aux ressources qu’elles ne possèdent pas (obtention des ressources), mais également pour protéger les leurs à travers une structure coopérative appropriée.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
1. Intérêt de la recherche sur la création de valeur financière des alliances stratégique et des fusions-acquisitions
2. La problématique et les questions de recherche
3. La démarche adoptée pour répondre à la problématique de la recherche
3.1. Démarche théorique
3.2. Démarche méthodologique
4. Architecture de la thèse
Chapitre 1 LES OPÉRATIONS DE CROISSANCE EXTERNE ET LA CRÉATION DE VALEUR : ALLIANCES STRATÉGIQUES VERSUS FUSIONS-ACQUISITIONS
Section 1 : LES OPÉRATIONS DE CROISSANCE EXTERNE : LES ALLIANCES STRATÉGIQUES (ANALYSE MULTI-NIVEAUX)
1. Les opérations de croissance interne et externe
2. Analyse théorique des alliances stratégiques
Section 2 : LES OPÉRATIONS DE CROISSANCE EXTERNE : LES FUSIONSACQUISITIONS (ANALYSE MULTI-NIVEAUX)
1. Analyse théorique des fusions-acquisitions
2. Motifs de recours aux fusions-acquisitions
3. Les risques et inconvénients des fusions-acquisitions
4. L’accroissement de la performance dans le cadre des stratégies de fusions-acquisitions
5. Focus sur les principaux travaux de recherche dans le domaine sur les fusionsacquisitions
Section 3 : L’APPROCHE CONCEPTUELLE DE LA CRÉATION DE VALEUR
1. La création de valeur
2. Les outils de mesure de la création de valeur
Chapitre 2 PERSPECTIVES DE LA CRÉATION DE VALEUR PAR LES ALLIANCES STRATÉGIQUES ET LES FUSIONS-ACQUISITIONS
Section 1 : LA CRÉATION DE VALEUR POUR L’ACTIONNAIRE ET LE MANAGEMENT PAR LA VALEUR SUBSTANTIELLE
1. La création de valeur pour l’actionnaire
2. Le management par la valeur substantielle
3. La difficulté d’une définition universelle pour la « création de valeur »
4. Les différents leviers de création de valeur
Section 2 : VERS LE MODÈLE D’ANALYSE STRATÉGICO-FINANCIER
1. Finance et stratégie, quels points communs ?
2. Liens de convergences et divergences entre la finance et la stratégie
CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *