LA CREATION LINGUISTIQUE DES ELEVES

LA CREATION LINGUISTIQUE DES ELEVES

 Les causes de la création linguistique des élèves

 Il faut remonter à l’histoire de l’humanité pour comprendre que la première catastrophe linguistique de l’Homme sur terre est due à la confusion des langues à Babel, à en croire Louis Jean-Calvet : « Les malheurs du genre humain datent de la confusion des langues à Babel, retrouvons la langue originelle et nous retrouverons le paradis » (1974 :17). Quant à Jean Jacques Rousseau, l’apparition de la langue est liée non pas aux besoins mais aux passions de l’Homme : « Ce n’est ni la faim ni la soif, mais l’amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix. » (Cité par Louis Jean- Calvet, 1974:28). En effet, beaucoup d’études menées dans le domaine des langues ont révélé que l’hébreu serait la langue première de l’humanité : « Le détail des discutions (nombreuses) importe peu ici : c’est l’hébreu qui est le plus généralement retenu comme langue première. Mais dès lors se pose un problème : le statut des langues vulgaires face à l’hébreu » (Louis-Jean Calvet 1974 :18). Au regard de ces analyses, nous arguons que toutes les langues découleraient de l’hébreu. Cela est le signe que l’hébreu serait la mère des autres langues. Cependant le conflit de langues serait né de la diversité des langues telles que le latin, le grec, l’arabe etc. Chaque communauté linguistique tente d’imposer sa langue comme l’illustre ce passage : « Platon introduisait tranquillement l’idée que le grec était une langue bien-formée, ce qui revenait à dire que les autres langues, les langues barbares, étaient mal-formées. » (Louis-Jean Calvet 1974 :16). Dans une analyse fondée sur les langues, Louis-Jean Calvet (1974 :20) tente de concilier les langues : « Toutes les langues se valent, d’ailleurs toutes ont la même source, dès lors pourquoi en privilégier une». Nous retenons de cette analyse que l’Homme a perdu la paix intérieure avec la disparition de sa langue originelle. D’où la notion de plurilinguisme. Ainsi, la naissance des communautés linguistiques va créer un véritable conflit de langues. D’où le phénomène de glottophagie, Par glottophagie, il faut entendre la tendance d’une langue dominante à faire 16 disparaître l’autre. Pourtant, Maupertuis avançait que toutes les langues étaient simples à leurs commencements, ce qui revient à dire que les hommes sont à l’origine des conflits de langues : « Toutes les langues étaient simples dans leurs commencements. Elles ne doivent leur origine qu’à des hommes simples et grossiers, qui ne formèrent d’abord que le peu de signes dont ils avaient besoin pour exprimer leurs premières idées. » (1748, cité par Louis-Jean Calvet, 1974 :28). Claude-Gilbert Dubois renchérit : « Les théories linguistiques de la Renaissance apparaissent la plupart du temps comme une tentative pour retrouver le paradis perdu, par voie grammaticale ou étymologique. » (1970 :20, cité par Louis-Jean Calvet, 1974 :17). Au regard de cette analyse, on ose croire que la paix des langues est possible, mais elle dépend de la volonté politique des hommes de concilier les langues, comme l’illustre ce passage d’Ernest Renan : « La langue invite à réunir ; elle n’y force pas. Les Etats-Unis et l’Angleterre, l’Amérique espagnole et l’Espagne parlent la même langue et ne forment pas une seule nation. Au contraire, la Suisse, si bien faite, puisqu’elle a été faite par l’assentiment de ses différentes parties, compte trois ou quatre langues. Il y a dans l’homme quelque chose de supérieur à la langue : c’est la volonté. La volonté de la Suisse d’être unie, malgré la variété de ses idiomes, est un fait bien important qu’une similitude souvent obtenue par des vexations. Un fait honorable pour la France, c’est qu’elle n’a jamais cherché à obtenir l’unité de la langue par des mesures de coercition » (2002 :11). Par ailleurs, il faut ajouter que la tension est née de la péjoration des langues par les premiers hommes qui ont voulu imposer leurs langues et leur culture aux autres hommes. C’est ce que d’ailleurs les colonisateurs européens ont fait en Afrique en détruisant la langue et la culture des africains, d’où l’idée de glottophagie évoquée par Louis-Jean Calvet : « Le premier anthropophage est venu d’Europe, il a dévoré le colonisé. Et, au plan particulier qui nous concerne, il a dévoré ses langues, glottophagie donc. » (1974 :12). En déduction, on peut retenir que le conflit de langues a contribué à la fissure du tissu social et à la désorientation linguistique des adolescents. La baisse de niveau des élèves en français constitue un autre aspect. Une des causes de cette baisse de niveau est due aux multiples réformes du système éducatif au Mali. En effet, le système éducatif malien a connu de nombreuses modifications. La première, en date de 1962, avait pour 17 objectif de rompre avec le système éducatif colonial pour asseoir les bases de l’éducation adaptées aux exigences du pays. Cette réforme a été bien accueillie par le Professeur Yaya Bagayogo, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports d’alors. Il reconnaît les mérites de cette réforme à l’issue d’une conférence des cadres de l’Education : « Cette réforme était donc basée sur les possibilités réelles du pays, comme elle était mue par des préoccupations démocratiques, puisqu’il s’agissait de faire en quelque sorte que la disparité entre le monde rural et le monde des villes soit réduite autant que possible par la création de ces écoles fondamentales en six classes. Donc, d’inspiration, la réforme était bonne, l’idée de base était excellente » (2016 :52). Deux ans plus tard, alors en 1964, il y a eu le premier séminaire national, s’inscrivant toujours dans la logique de la réforme, va se prononcer sur la professionnalisation de la formation. Le deuxième séminaire national, tenu en 1978, va se pencher sur une vision plus proche de la vie et une grande implication des partenaires de l’école. En 1989, se tiendront les Etats généraux de l’Education. L’objectif était, cette fois, de parvenir à l’Education Pour Tous (EPT), à la formation du citoyen et à la recherche scientifique et technologique. En 1991, il y a eu la Table Ronde sur l’Education. C’est à partir de ces assises que sera adoptée, le 14 avril 1994, une proposition de refondation de l’éducation de base appelée Nouvelle Ecole Fondamentale (NEF). Pour concrétiser cette nouvelle orientation, se tiendront les journées de réflexion et d’action, en février 1995, et des fora-perspectives de Ségou, en mars 1995. Cette politique vise à introduire l’enseignement des langues nationales au niveau du premier cycle, sans pour autant l’étendre au niveau du second cycle (site : www.education.gov.ml ). Il faut également rappeler que c’est le Programme Décennal de Développement de l’Education (PRODEC) qui va prendre en charge la refondation du système éducatif au Mali. Pour soutenir ce projet, le PRODEC envisage alors l’introduction de la langue maternelle des apprenants dans ce vaste programme de l’enseignement, de la première à la quatrième année, en même temps que le français. Le but recherché, ici, est d’adapter l’école aux réalités socio-culturelles des enfants. Pour 18 soutenir ce projet, l’Etat a recruté des enseignants de tous azimuts, sans se soucier de la qualité professionnelle et de la qualification des recrues. Ensuite, viennent se greffer l’adoption de la politique « un village, une école » et l’application de la pédagogie convergente et le curriculum, d’où la prolifération des écoles et la massification de l’éducation. Ici, l’objectif vise à atteindre un taux de scolarisation notoire, sans se soucier du niveau de l’élève. Au regard de ces résultats, on en déduit qu’il est difficile d’avoir une école performante et stable avec un système éducatif instable. A cela s’ajoute l’effectif pléthorique dans les salles de classe. Avec une classe pleine d’élèves, il est difficile d’y avoir un enseignement de qualité

Les conséquences de la création linguistique des élèves 

Depuis près de deux décennies, les élèves des établissements secondaires du Mali connaissent une baisse de niveau vertigineuse en français. Cela est dû à plusieurs facteurs. Il y a le facteur dit social qui se caractérise par un manque de concentration des élèves en classe, d’une part et la précarité des conditions de vie de certains élèves, d’autre part. En effet, beaucoup d’élèves passent du fondamental pour le secondaire sans la connaissance des notions élémentaires de la grammaire française. Toutefois, entre les deux niveaux d’études, il y a un palier à franchir. Il s’agit de l’examen d’entrée au secondaire communément appelé le D.E.F. (Diplôme d’Etudes Fondamentales). En dépit de ce palier, ils passent pour la classe supérieure sans avoir le niveau requis. Une fois au secondaire, chacun tente de se défendre comme il peut en classe, soit par la corruption, soit par la fraude. Le contrôle de l’école échappe aux autorités politiques et administratives du pays. L’école n’est plus au centre de leur préoccupation à cause des postes politiques. En fait, il est important de souligner que certains élèves ont de l’aversion pour le français pour la simple raison que c’est la langue de l’impérialisme au Mali. D’où l’idée de glottophobie à l’égard de la langue française. En fait, pour certains élèves, le français est un frein au développement du continent, d’où l’idée de francophobie. Selon les mêmes élèves, le français n’est plus comme un moyen de véhiculer le savoir, mais une manière pour les blancs d’asseoir les bases de l’impérialisme pour exploiter les africains. En substance, les élèves préfèrent les langues locales au français. Ils privilégient l’apprentissage de l’anglais qu’ils considèrent comme langue vedette. D’où le choix porté sur un parler dont le choix des mots est très simple. Ce parler se présente non pas comme un simple moyen de communication, mais comme une identité culturelle. C’est pourquoi parler en utilisant un des termes appartenant à cette création est le signe de leur degré d’évolution et d’intégration dans leur milieu respectif. Aujourd’hui, la création linguistique devient une réalité à laquelle il faut faire face de peur de créer un vide au niveau lexical et grammatical dans le milieu scolaire et universitaire. Ce constat est très pertinent dans les domaines suivants

 Le lexique 

Sur le plan lexical, on note l’apparition, dans la production écrite des élèves, des unités lexicales ambiguës. C’est le constat que nous faisons à travers le corpus suivant : « Un dimanche moi et mes amies on n’as visité le parc zéologique de Bamako ». « Le dimanche passé, j’ai visité le parc géologique avec mon père ». « A la porte, nous avons trouvé une quinzaine de personnes qui étaient dans un rang pour rentrer à l’intérieur du parc géologique ». « Dans le parc géologique on a visité beaucoup d’endroits, mais on a pas pu visiter tout, car il était grand ». « Le dimanche passe j’ai visite le park gelogique avec mes amie ». « Un jour mois et mes amis nous sommes alles visiter La parque joologique a koulyba c’était un dimanche ». A cela il convient de joindre ceci : « Le parc zoologique était bondé d’animaux tels que : le lion, l’éléphant, le serpent, le jirafe, le singe etc. ». « A l’entré il y a des animaux, des bœufs et des gochon ». « Il y a des grocodille petite et gros… ». « Un dimanche, j’allai visité le parc zoologique pour regarder les animaux domestique et sauvage, mais en regardant j’ai vu le crocodile, le lion, le singe, la tortue, le perroquet, le poisson rouge, le canari, le tigre… ». « Nous sommes dans le parc maintenant et on n’as commencé a visité les animaux comme le lion, le serpent, le zerbre… ». « J’avais la cirositée de voir ces genres d’animaux… ». Notre remarque porte sur l’ambiguïté de certaines unités lexicales à savoir : « géologique, zéologique, gelogique, joologique, parque, jirafe, gochon, grocodille, canari, zerbre, cirositée ». Au regard de la pertinence des difficultés lexicales auxquelles ces élèves sont confrontés, on se demande s’il s’agit des mêmes unités lexicales dans « zoologique, parc, girafe, cochon, crocodile, canard, zèbre et curiosité », ou bien s’il peut s’agir de nouvelles unités lexicales. Ces unités lexicales sont ambiguës à cause des transformations morphologiques. Pour combler ces lacunes, il est indispensable de privilégier l’enseignement du vocabulaire et de la grammaire. La lecture et l’orthographe viennent compléter alors les deux précédents. A travers un autre corpus, nous allons toujours illustrer quelques difficultés lexicales auxquelles les élèves sont buttés: « L’année passé pendant le conjet je rendue visite a mon grand père qui est 22 au village, le village s’appelle M’bouna ». « L’année passé après me conjeux je decider d’aller rendre visite a mon grand père qui est dans mon village a M’bouna ». « Rentree dans le parc zoologique après une petite bousculade, je perdis de vue mes amis, je voyais en premier lieu un etendue d’eau sur laquelle se logeaient les canards et dont j’avais pris un photo, en avança plus à droite, je retrouvais mes amis près de la cage des lions et on voyaient en quelque metre un espace de jeu, descendus, on rentrèrent dans la salle des aquatique tel que le poison et à cote était enfermé les serpent de tout genre, redescendue plus à gauche, les singes dans leur gris et à cote les zèbres ». « Ce jour là j’ai vu le lion, le grépart les zèbres, les autriche, les elephant les singes, le serpant, le pork, la l’hyène, le caïman, la bufle, les oiseau de toute sorte, et les insecte et on a pris des photos avec des animaux qui était dans le guirage ». « Le parc zoologique est l’endroit où on mais des animaux sauvage, animaux domestique mais généralement c’est fait pour les animaux sauvage ». «J’ai même entre dans un grand maison à voir des dizaines sorte de serpent, des volailles et des manifères ». « Avant la rentre On’a prend les tiques ce tique coute 500fcf ce jour la On’a beaucoup vissite des animaux comme le lion, le pentair, le singe, l’éléphant, serpen, le crocodil, la tortir, l’otrich, le gazel, l’oiseaux, le poisson, le cobra, le piroqe, le lapain, l’iaine etc… » Notre analyse nous conduit à répertorier certaines unités lexicales : « conjet, conjeux, poison, gris, guirage, manifères, grépart, piroqe, tiques, pentair, tortir, otrich, gazel, iaine ». Ces unités lexicales correspondent aux unités suivantes : « congés, grillage, poisson, mammifères, guépard, perroquet, tickets, panthère, autruche, gazelle, hyène ». Nous remarquons que les mots recensés, sont écrits avec des fautes d’orthographe et de grammaire. En fait, le langage des sms serait à l’origine de la déformation graphique et morphologique de ces unités lexicales. Il peut s’agir aussi de la méconnaissance des notions de grammaire. Somme toute, au vu de ces difficultés lexicales, il est indispensable de trouver une solution définitive pour éviter une dégringolade du point de vue lexical dans l’espace scolaire et universitaire. La déformation de ces unités lexicales est d’autant plus importante qu’il est presque 23 impossible de les identifier. Parfois, les élèves s’appuient sur le simple son pour écrire un mot. Cela ne suffit pas, car il y une différence entre la prononciation d’un mot et sa graphie. Notre analyse nous amène cette fois à la morphosyntaxe. 

 La morphosyntaxe 

Sur le plan morphosyntaxique, on constate des défaillances du point de la morphologie, de la syntaxe et des accords. A cela s’ajoute l’inadéquation de certaines phrases. Ce corpus nous permettra d’illustrer cette thèse : « C’était un voyage innoubliable qui restérat gravez dans ma mémoir à jamais ». « Le vacance passé Je suis allé rend visite a un grand père dans notre village à Koulikoro ». « Dans tout les enfants de mon père, c’est moi qui est son vrai compagnie, parce que c’est moi qui est le premier fils du père dans notre endroit ». « A la veille du voyage, j’étais exité et impatient de renconter mon grand père car s’était ma toute première foie. Dès mon arrivé, j’ais renconté plusieurs membres de la famille ainsi que mon grand père. J’était accompagné par mon père qui ma présenté lui aussi à son père ». « J’ai aimé cette visite parce que je me suis amise avec lui et j’ai connu sont caracteur physique envaire les enfant et ces grand personnes ». Au vu de ces défaillances, nous tenterons de reconstruire ces phrases pour lever les ambiguïtés : « C’était un voyage inoubliable qui restera gravé dans ma mémoire à jamais ». « Les vacances passées, je suis allé rendre visite à un grand-père dans un village situé à Koulikoro ». « Parmi les enfants de mon père, c’est moi qui suis son vrai compagnon parce que je suis son premier fils ». « A la veille du voyage, j’étais très excité et très pressé de voir mon grandpère, car je devais le rencontrer pour la première fois. Dès mon arrivée, j’ai rencontré plusieurs membres de la famille, ainsi que mon grand-père. J’étais en compagnie de mon père qui m’a présenté à son père ». « J’ai aimé ce voyage, car il était plein d’instructions ». La reconstruction de ces phrases nous a permis de repérer toutes les difficultés morphosyntaxiques contenues dans ce corpus. Ici, il y a lieu de signaler qu’un élève a fait une confusion entre les mots, d’où le mot « foie » employé par l’élève pour désigner le mot fois. Toute chose qui implique l’enseignement de la grammaire pour lever ce déficit. Pas d’accords entre le verbe et son sujet dans « j’était accompagné ». Cela complique la structure de la phrase comme dans la phrase suivante : 24 «… mon père qui ma présenté à son père ». Le fait d’écrire « ma » en un seul mot crée une ambiguïté, car il s’écrit en deux mots « m’a ».

Table des matières

Dédicace
Remerciements
Introduction
Première partie : méthodologie, analyse, définition et perspectives.
A) Objectif général
B) Méthodologie
C) Cadre conceptuel et théorique
D) Présentation de notre site d’enquête
E) Définition du concept de la création linguistique
Deuxième partie : La création lexicale scolaire et ses conséquences sur la langue française
A) Les causes de la création linguistique des élèves
B) Les conséquences de la création linguistique des élèves
C) Comparaison entre la création linguistique des élèves et leur niveau en français
D) Les avantages et les inconvénients de la création linguistique des élèves
Troisième partie : l’adoption d’une politique éducative visant à améliorer le niveau scolaire des élèves
A) Place de la dictée dans l’amélioration du niveau scolaire des élèves.
B) Place de la lecture dans l’amélioration du niveau scolaire des élèves
C) Place de l’art oratoire dans l’amélioration du niveau scolaire des élèves
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE

 

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