LA FORET EN JEU

LA FORET EN JEU

Depuis deux décennies, la déforestation s’accélère de façon alarmante à Madagascar, tout particulièrement dans les régions Sud et Sud-Ouest. Cette crise écologique est étroitement liée à des dynamiques socio-économiques relativement récentes dans la Grande Île : amplification de l’immigration rurale, développement de l’agriculture et de l’élevage en zone forestière, intensification des feux de brousse, prélèvement accru de bois de chauffe. Les relations entre l’évolution de l’environnement et sa gestion par les populations dans le Sud-Ouest malgache ont fait l’objet de programmes (1) de recherche menés par le Centre national de recherches sur l’environnement (CNRE) de Madagascar et l’IRD. Le bilan qui vient d’être dressé de ces études (2) souligne notamment que le processus de déforestation va de pair avec d’importants changements dans la perception et l’utilisation du territoire forestier par les populations. Autrefois, la forêt, perçue comme dangereuse et sacrée, ne pouvait être exploitée que via les tompon-tany, propriétaires fonciers installés de longue date et médiateurs entre l’homme et les divinités. Progressivement, avec l’arrivée et l’installation définitive de migrants qui ont su rapidement tirer partie du milieu (agriculture sur brûlis, exploitation du bois, pâturage, etc.), une exploitation individuelle à court terme des ressources forestières s’est substituée à l’an-cienne gestion collective à long 71 terme. Considérée comme source de revenus et désacralisée, la forêt est devenue l’enjeu de conflits entre autochtones et migrants. « Il ne faudrait pas associer de manière trop simpliste déforestation et migration », précisent cependant les chercheurs. Les populations autochtones, pour conserver leur contrôle foncier, se sont mises à exploiter la forêt et contribuent également, pour partie, à sa déprédation. A l’inverse, certains migrants commencent à s’alarmer de la raréfaction des ressources forestières et ils tentent quelquefois de trouver des solutions innovantes pour y remédier. Ce sont là quelquesunes des conclusions tirées des recherches du CNRE et de l’IRD. Toutes soulignent que les mesures visant à protéger les massifs forestiers doivent tenir compte des nouveaux enjeux socio-économiques dont la forêt malgache fait l’objet, sous peine d’être vouées à l’échec. (1) Despam (Déforestation et sociétés paysannes à Madagascar) et Gerem (Gestiondes espaces ruraux et environnementà Madagascar), 1996-1999 ; ils ont bénéficié d’un soutien financier du comité « Système écologique et action de l’homme » (Pirev-CNRS). (2) Atelier « Sociétés paysannes, dynamiques écologiques et gestion de l’espace rural dans le sud-ouest de Madagascar », Antananarivo, 8- 10/11/1999. Les Actes de ce séminaire seront publiés courant 2000. 

Quelles alternatives au hatsake ?

Dans le Sud-Ouest de Madagascar, la culture du maïs sur abattis-brûlis constitue la cause essentielle de la déforestation. Appelée hatsake, ce type d’agriculture pionnière se développe rapidement au détriment de la forêt 72 sèche en raison de plusieurs facteurs : la croissance démographique, la saturation des terres agricoles les plus fertiles, le relâchement du contrôle des défrichements forestiers, et surtout l’accroissement de la demande pour l’approvisionnement du marché national et de celui de l’île de La Réunion. Autrefois vivrière, devenue de plus en plus commerciale et spéculative, la culture du maïs ne cesse de s’étendre, en gagnant sur la forêt. « Dans le cadre du programme Gerem, nous avons étudié ce système de culture en associant étroitement recherches agronomiques et écologiques, souligne Pierre Milleville, agronome à l’IRD. Si le hatsake permet, durant les premières années qui suivent le défrichement, d’obtenir de bons rendements avec, surtout, une productivité de travail satisfaisante, sa pratique n’est malheureusement pas durable. Après 5 ou 6 ans, les rendements atteignent des niveaux très faibles en raison de la prolifération des mauvaises herbes et de l’appauvrissement des sols. Les parcelles sont alors abandonnées au profit de nouvelles défriches. Contrairement à ce qui a été montré pour les systèmes analogues des zones tropicales humides l’abandon des cultures ne s’accompagne pas d’un retour de la forêt mais de l’apparition de savanes où l’herbe devient une composante majeure et pérenne. Il est dès lors impossible de pratiquer de nouveau sur ces parcelles une agriculture sur abattis-brûlis. Les paysans sont aujourd’hui conscients que les espaces forestiers qui restent à défricher s’amenuisent. Ils tentent de trouver des solutions pour prolonger la durée du hatsake, ou de remettre en culture les friches, mais sans résultat satisfaisant. Nous essayons donc actuellement de concevoir et d’expérimenter des alternatives au hatsake, qui permettent de concilier les impératifs de productivité recherchés par les agriculteurs et la nécessité de rendre plus durable cette agriculture. »

MADAGASCAR : LA FORET EN DANGER 

La déforestation est à Madagascar l’une des plus alarmantes du monde tropical. Dans le sud et le sud-ouest de l’île, la culture du maïs sur abattis-brûlis est la cause principale de la régression de la forêt qui, particulièrement importante dans cette région, s’accroît d’année en année. Des chercheurs de l’IRD (Institut de recherche pour le développement) et du CNRE (Centre national de recherche sur l’environnement de Madagascar) se sont interrogé sur la possibilité d’une régénération de la forêt après l’abandon des cultures. Il semblerait que, contrairement à ce que l’on observe souvent en zone tropicale humide, le processus de déforestation, à l’origine d’une nette diminution de la biodiversité végétale, soit irréversible dans cette partie de la Grande Ile. Plus de 20% du territoire malgache est recouvert par la forêt, ce qui représente environ 13 millions d’hectares. Aujourd’hui, la déforestation atteint des proportions inquiétantes. Chaque année, quelque 200 à 300 000 hectares de forêt disparaîtraient. Ce processus s’est récemment intensifié, tout particulièrement dans le sud et le sud-ouest de l’île. Dans la forêt des Mikea par exemple, les surfaces déboisées ont quadruplé depuis la fin des années 1980. Dans le cadre du programme Gerem (Gestion des espaces ruraux et environnement à Madagascar), des chercheurs de l’IRD et du CNRE ont étudié l’évolution de l’écosystème forestier en relation avec les dynamiques agraires dans cette région de Madagascar. Dans le sud et le sud-ouest de la Grande Ile, la déforestation est à imputer, en grande partie, au développement de la culture du maïs sur abattis-brûlis, appelée localement “ hatsake ”. Cette agriculture “ pionnière ” se développe rapidement aux dépens de la forêt sous l’effet de plusieurs facteurs : une pression démographique accrue du fait de l’arrivée de migrants, une saturation foncière des terres les plus fertiles consacrées aux cultures intensives, le relâchement du contrôle par l’Etat des défrichements forestiers. Enfin et surtout, culture vivrière à l’origine, le maïs est devenu une culture principalement commerciale, pour répondre aux besoins du marché national et de celui de l’île de la Réunion. De ce fait, la culture du maïs ne cesse de gagner sur la forêt. Le hatsake n’est pas un système de culture durable. L’agriculteur défriche sommairement un espace de forêt qu’il brûle et, dès les premières pluies, sème le maïs. Au cours des trois premières années, si les conditions climatiques sont favorables, les rendements sont satisfaisants (ils peuvent dépasser 1500 kg de grains par hectare), sans que le travail investi soit important, un atout compte tenu des surfaces cultivées. Mais, par la suite, ils ne cessent de diminuer pour atteindre des niveaux très bas (moins de 500 kg par hectare) après cinq à six années de culture. Cet effondrement s’explique par un appauvrissement des sols et l’envahissement des parcelles 74 par les mauvaises herbes. Ces dernières pourraient être éliminées par un important travail de sarclage, rarement réalisé du fait de l’étendue des terres mises en culture. Les agriculteurs se contentent le plus souvent de brûler les pailles de ces mauvaises herbes en fin de saison sèche, pour en limiter la prolifération. Après avoir cultivé une même parcelle pendant 5 à 10 ans, l’agriculteur se trouve contraint de l’abandonner au profit d’une nouvelle défriche. La forêt peut-elle se reconstituer après l’abandon des cultures sur abattis-brûlis ? Pour répondre à cette question, les chercheurs ont, à l’aide d’une série d’indicateurs relatifs à la végétation et aux sols, suivi l’évolution de certains sites d’abandon cultural plus ou moins ancien (de 2 à 30 ans). Les résultats concluent à l’irréversibilité de la déforestation. En effet, aux cultures abandonnées se substitue une savane boisée, et l’écosystème forestier ne se reconstitue pas, même après 30 ans de friches. Devenue une composante structurelle de l’écosystème, l’herbe empêche en outre la remise en culture de ces friches par la pratique du hatsake. Dans le cadre du programme Gerem, les chercheurs étudient la possibilité d’autres types de systèmes de culture afin que la durée d’exploitation des terres puisse se prolonger et les friches être à nouveau cultivées avec des niveaux de productivité acceptables

Table des matières

REMERCIEMENTS
INTRODUCTION GENERALE
première partie : PRESENTATION générale de la zone d’etudes & actions de lutte contre la deforestation
Chapitre I : Description des zones d’études, activités économiques et problèmes environnementaux
1-1- Localisation géographique
1-1-1- Présentation de la zone d’étude
1-2- Activités économiques dans cette région
1-2-1- Culture de maïs : dans ces trois communes
1-2-2- Pêche : commune rurale de Manombo
1-2-3- Culture de riz : commune rurale d’Ankililoaka
1-2-4- élevages bovins : commune rurale d’Analamisampy
1-3- Etat de défrichement de la forêt des Mikea
1-3-1- Le contextes de la déforestation dans cette région
1-3-2- Commune d’Analamisampy : « hatsaky » plus avancé
1-3-3- Commune d’Ankililoaka : défrichement tolérable
1-3-4- Commune de Manombo : défrichement moins avancé
Chapitre II : Les acteurs de la protection de la forêt des Mikea
2-1- La FI.M.A.MI
2-1-1- cadre logique du sous-programme
2-1-2- Les actions de la FI.M.A.MI
2-2- Le comité mixte
2-2-1- La création du comité mixte et la constitution de ses membres
2-2-2- Les rôles du comité mixte
2-2-3- Le plan d’actions concrètes à court terme du comité mixte
2-2-4- Les points forts du comité mixte par rapport à la FI.M.A.MI
2-3- Le P.S.D.R
2-4- Les différents acteurs pour la mise en place de l’aire protégée dans la forêt des Mikea
Chapitre III : Problématique, hypothèses à vérifier et méthodologie d’études
3-1- Problématique
3-2- Hypothèses à vérifier
3-2-1- Réaction des paysans.
3-2-2- Valorisation de « monka »
3-3- Méthodologie d’études
3-3-1- Collecte des données et chronogramme d’intervention
3-3-2- Traitement des données et rédaction.
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS & analyses
Chapitre IV : Etudes des différentes perceptions paysannes et des conditions de l’arrêt définitif du « hatsaky »
4-1- Perception de la forêt et de la déforestation par les paysans
4-1-1- Perception de la forêt
4-1-2- Conscience paysanne sur la déforestation
4-2- Perceptions par les acteurs locaux des actions de lutte contre la déforestation dans la forêt des Mikea
4-2-1- Perceptions par les « hatsakeurs » ; les raisons de l’arrêt du « hatsaky »
4-2-2- Perceptions par les gens qui habitent dans la zone « baïboho »
4-2-3- Perceptions par les paysans dans la zone littorale
4-2-4- Perceptions par les collecteurs
4-2-5- Les différences statistiques entre les trois communes
4-3- Les conditions de l’arrêt définitif du « hatsaky »
4-3-1- Projet de valorisation de « monka » : les mesures d’accompagnement du P.S.D.R
4-3-2- La mise en place de l’aire protégée
Chapitre V : Impacts socio-économiques et environnementaux de ces mesures de lutte
contre la déforestation dans la forêt des Mikea
5-1- Impacts négatifs
5-1-1- Comparaison du niveau de vie de ces paysans pendant et après l’arrêt du « hatsaky »
5-1-2- Impacts socio-culturels
5-2- Impacts positifs
5-2-1- Sur le plan environnemental
5-2-2- Sur le développement durable
Chapitre VI : Perspectives et recommandations
6-1- Portées et limites des actions de lutte contre la déforestation dans la région des Mikea.
6-1-1- Portées
6-1-2- Limites
6-2- Perspective économique sur la valorisation de « monka »
6-2-1- Pour la pratique du « hatsaky »
6-2-2- Sur la valorisation de « monka »
6-2-3- conclusion partielle
6-3- Etude des mesures d’accompagnements au niveau du P.S.D.R.
6-3-1- Retard de ces mesures d’accompagnements par rapport à l’arrêt du « hatsaky »
6-3-2- Les villages prioritaires du financement du P.S.D.R à titre de mesures alternatives
6-4- Quelques recommandations
Face aux problèmes économiques et environnementaux que nous avons rencontrés dans notre zone d’étude, différentes précautions doivent être prises. D’abord, l’accélération
des mesures d’accompagnement promises par le P.S.D.R, ensuite, l’amélioration de l’information, de l’éducation, de la communication et de la formation (IECF) au niveau
régional, et enfin la recherche de la meilleure solution pour la régénération de la forêt
6-4-1- accélération de la mise en place des mesures d’accompagnement du P.S.D.R
6-4-2- Amélioration des systèmes d’Information, d’Education, de Communication et de Formation (IECF)
6-4-3- Amélioration du projet d’apiculture (miel)
CONCLUSION GENERALE

projet fin d'etude

Télécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *