Diversité et structuration génétique de la D-Loop en fonction des tumeurs bénignes et malignes du sein

Anatomie de la glande mammaire féminine

La glande mammaire est un appareil glandulaire distinctif des vertébrés supérieurs, dont le développement à terme s’effectue après la naissance chez la femelle pour permettre à long terme la production de lait en quantité suffisante grâce à un réseau extensif de canaux embranchés pour assurer la survie du nouveau-né (Sourla et al., 1998 ; Strizzi et al., 2005). L’organogénèse de la glande mammaire est réalisée par l’interaction entre le compartiment mésenchymal dérivé du stroma et le compartiment épithélial dérivé de l’ectoderme. Des interactions réciproques entre l’épithélium et le stroma permettent la médiation des aspects cruciaux du développement embryonnaire et de l’organogénèse en relation avec la demande physiologique (Birrell et al., 1998). Ainsi, le développement mammaire commence peu de temps après la mi-gestation avec la spécification de lignes primitives bilatérales épidermales partant de chaque côté sur sa face antérieure (Dimitrakakis et al., 2003 ; Strizz et al., 2005). Le nombre de mamelons dépendra du nombre de bourgeons et seront caractéristiques de l’espèce (Dimitrakakis et al., 2003). Puis, chaque bourgeon épithélial pénètre le mésenchyme mammaire et entre dans un amas de préadipocytes qui deviendra la garniture de gras mammaire.
On observe alors une accumulation de tissus adipeux et fibreux, qui occupe 80% ou plus du volume du sein chez une femme adulte n’allaitant pas. Ceci est accompagné de l’épaississement, l’allongement et le branchement des canaux, du développement de lobules glandulaires, ainsi que des changements de pigmentation et de dimensions du mamelon et de l’aréole. Au cours des cycles menstruels subséquents, on observe une phase de prolifération légèrement accrue lors de la phase lutéale du cycle, avec une augmentation du volume du sein qui peut atteindre jusqu’à 15% (Durocher et al., 2005). La glande mammaire est donc un des rares tissus qui peut subir de manière répétitive les différentes phases de croissance, différentiation fonctionnelle et régression selon l’étape du cycle hormonal ovarien, notamment en période de grossesse, laquelle marque la fin du cycle de reproduction classique débouchant sur l’action concertée d’autres hormones liées à la lactation (Sourla et al., 1998 ; Strizzi et al., 2005).
Le dernier changement important de la glande mammaire survient après la ménopause. À ce moment, il y a arrêt de la production des hormones ovariennes, ce qui provoque une involution de la glande mammaire. Contrairement à l’involution observée après une période d’allaitement, cette involution touche à la fois les lobules et les canaux. Ces structures régressent et sont progressivement remplacées par du collagène et du tissu adipeux. Chez la femme âgée, il ne reste
plus que quelques acini et canaux dispersés à travers le tissu adipeux (Pharoah et al., 2004). Le sein est constitué de 15 à 20 lobes. Chaque lobe est constitué de 20 à 40 lobules comprenant chacun un canal intermédiaire se jetant dans un canal lactifère. Ces lobules sont constitués de 10 à 100 alvéoles, chacune ayant un canalicule qui lui est propre.
Il est composé de la glande mammaire proprement dite, de tissu conjonctif, de tissu adipeux, de vaisseaux sanguins et lymphatiques, de nerfs et des ligaments suspenseurs du sein.

Biologie et typologie des cancers

Le cancer est une maladie chronique qui résulte d’une prolifération cellulaire anormale au sein d’un tissu normal de l’organisme (Rakoff-Nahoum, 2006). Cette prolifération est due à des altérations au niveau des proto-oncogènes et/ou des gènes suppresseurs de tumeurs (Rakoff-Nahoum, 2006 ; Shu et al., 2010). Il est une maladie aussi vieille que les premiers êtres multicellulaires, soit 500 millions d’années environ. Les cellules cancéreuses retrouvent ainsi leurs vieux réflexes d’unicellulaires et prennent leur autonomie par rapport à l’organisme (Frédéric Thomas, 2002). Elles font comme n’importe quelle unité du vivant décrite par la théorie de Darwin : elles se comportent de façon égoïste et cherchent à maximiser leur division, au-delà du seul renouvellement cellulaire.
Ces cellules sont génétiquement instables, contrairement aux cellules saines, et connaissent de nombreuses mutations. Avec l’arrivée du séquençage de l’ADN à haut débit et les méthodes d’analyse globale, il y a une dizaine d’années, les chercheurs ont découvert l’incroyable hétérogénéité que cette instabilité engendre au sein même de la tumeur. Du fait de milliers de mutations génétiques, on se retrouve face à une tumeur qui ne contient pas une mais plusieurs populations de cellules cancéreuses qui n’auront pas forcément le même comportement, explique la biologiste Urszula Hibner, de l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier.
Ainsi, les cellules du sein subissent parfois des changements qui rendent leur mode de croissance ou leur comportement anormal. Ces changements peuvent engendrer des affections bénignes du sein, comme l’hyperplasie atypique et des kystes. Ils peuvent aussi entraîner la formation de tumeurs bénignes, dont les papillomes intracanalaires. Les affections et les tumeurs bénignes ne sont pas cancéreuses. Cependant, il faut noter qu’il n’y a pas un cancer du sein mais des cancers du sein : en fonction du stade d’évolution, du lieu et des cellules à partir desquelles il s’est propagé, sa prise en charge est différente. Le plus souvent, le cancer du sein se développe dans les cellules qui tapissent les canaux, ou tubes, qui transportent le lait des glandes au mamelon. Ce type de cancer du sein est appelé carcinome canalaire. Le cancer peut aussi se former dans les cellules des glandes productrices de lait (regroupées en lobules), dans ce cas il porte le nom de carcinome lobulaire. Ces deux cancers (carcinomes canalaire et lobulaire) peuvent être in situ, c’est-à-dire qu’ils demeurent confinés à leur emplacement d’origine et n’envahissent pas les tissus voisins. Ils peuvent également être infiltrant, ou invasifs, c’est-à-dire qu’ils se sont propagés dans les tissus voisins. Des types de cancers du sein moins courants ou rares peuvent aussi se manifester. Le cancer inflammatoire du sein, la maladie de Paget ainsi que le cancer du sein triple négatif et le cancer du sein de type basal en sont des exemples.

Généralités et aspects cliniques des tumeurs bénignes et malignes du sein

Le cancer est le résultat de la transformation d’une seule cellule. Celle-ci perd la capacité de contrôle de sa croissance, se divise trop rapidement et croît de façon désordonnée. Du tissu excédentaire est ainsi produit et forme une tumeur. Les tumeurs peuvent être malignes ou bénignes.
Les tumeurs malignes sont des cancers et ont la capacité d’envahir les tissus et les vaisseaux lymphatiques, elles peuvent disséminer dans d’autres parties de l’organisme pour y former de nouvelles tumeurs ; on parle de cancer infiltrant ou métastases. Vu cette capacité de diffusion dans tout l’organisme, il est essentiel que la tumeur soit détectée au plus tôt et d’en déterminer l’aspect bénin ou malin. Les tumeurs restant dans leur tissu d’origine sans infiltrer les tissus voisins sont appelées « cancer in situ». À l’opposée, les tumeurs bénignes ne sont pas cancéreuses. Pour comprendre le fonctionnement des tumeurs, les scientifiques cherchent désormais à cerner le rôle des différentes populations de cellules cancéreuses qui y cohabitent. Dans une tumeur, comme dans n’importe quel écosystème, il y a une compétition pour accéder à l’espace et aux ressources (Urszula Hibner, l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier). Dans cette compétition, les chercheurs soupçonnent que les cellules cancéreuses bénéficient d’adaptations particulières. Certaines auront plus de facilités à stimuler la néoangiogenèse, la création d’un système de vascularisation à l’intérieur même de la tumeur, nécessaire à l’alimentation des cellules cancéreuses.
D’autres seront plus aptes à accéder à la matrice extracellulaire, le tissu conjonctif auquel les cellules du corps s’arriment. D’autres, enfin, seront plus actives dans la croissance de la tumeur elle-même. Cette complexité tumorale ainsi que l’hétérogénéité globale des cellules malignes, créent des sous-groupes moléculaires distincts de tumeurs, entraînant des phénotypes cliniques différents et par conséquent des pronostics différents.

Génome mitochondrial humain

Il s’agit d’un ADN circulaire double brin ayant une longueur de 16569 pb localisé dans les mitochondries dont la séquence complète est bien connue (Anderson et al., 1981 ; Andrews et al., 1999). Les mitochondries contiennent leur propre ADN et diffèrent de l’ADN contenu dans le noyau de la cellule. L’ADNmt est ainsi bien indépendant de l’ADN du noyau : la réplication, la traduction la transcription sont indépendantes de celles se déroulant dans le noyau. Mais l’ADN nucléaire code pour les protéines participant à la phosphorylation oxydative et pour les protéines nécessaires aux
fonctions et structures de l’ADNmt. Ce dernier ne comporte qu’un petit nombre de gènes. Et à peu près 94% de l’ADNmt est formé de régions codantes pour l’ARN ribosomal et des protéines intéressées par la phosphorylation oxydative (respiration cellulaire). Le reste, 1100 nucléotides, forme la région contrôle ou «D-Loop» (16024-576), non codante, initiant la régulation et la réplication de l’ADNmt.
La fréquence des mutations du génome mitochondrial est, en règle générale, plus importante que celle des mutations survenant au niveau de l’ADN nucléaire, plusieurs auteurs ayant rapporté un taux de mutations de l’ADN mitochondrial dix fois supérieur à celui de l’ADN nucléaire (Lièvre et al., 2005). De nombreux élément pouvent expliquer cette caractéristique : un système de réparation de l’ADN moins efficace que dans le noyau et l’absence de protection par des protéines de type histone (Lescuyer, 2002).
Depuis quelques années, l’implication des altérations de l’ADN mitochondrial dans le processus de la carcinogenèse fait l’objet d’importantes investigations. Ainsi, l’analyse du polymorphisme du génome mitochondrial dans différents types de cancers a montré que la majorité de ces altérations est essentiellement concentrée dans la région non codante appelée D-Loop.

Biomarqueurs et cancers du sein

À l’heure actuelle, l’un des objectifs majeur en oncologie médicale est de s’éloigner d’une prise en charge et de décisions fondées sur des données de population, pour se rapprocher d’une médecine personnalisée « traitement à la carte ». C’est ainsi que les caractéristiques moléculaires et physiopathologiques d’un individu et de sa tumeur doivent être pris en compte de façon concomitante pour pouvoir adapter des thérapies spécifiques aux différents profils individuels. Un autre objectif majeur est d’introduire progressivement des thérapies ciblées visant spécifiquement les cellules cancéreuses. Les efforts futurs devraient donc s’attacher à caractériser toute l’hétérogénéité d’un cancer présent chez un individu en utilisant de nouveaux outils diagnostiques et théragnostiques. L’avènement des techniques d’analyse moléculaire à haut débit dans les années 1995-2000, qui augmentaient de façon exponentielle la découverte de biomarqueurs cliniques potentiels, a suscité le développement d’une approche de validation rapide permettant de tester chacun d’entre eux sur une large série d’échantillons.
Les tissues microarrays (TMA) et les protein-arrays autorisent l’analyse simultanée d’un marqueur d’intérêt au niveau protéique en cas d’IHC (immunohistochemical) dans jusqu’à 800 échantillons tumoraux présents sur une lame de microscope.
L’IHC sur TMA a été utilisée pour mieux caractériser des classes connues du cancer du sein à travers plusieurs types de classification. C’est le cas des formes héréditaires associées aux mutations des gènes BRCA1 et BRCA2. Hedenfalk et al.,2001 ont validé sur un TMA (incluant 23 tumeurs BRCA1-mutées et 17 tumeurs BRCA2-mutées) la surexpression de cycline D1 qu’ils avaient décelée sur puces à ADN au préalable comme associée aux formes BRCA2 mutées. Palacios et al., 2005) ont analysé sur TMA l’expression de 37 protéines d’intérêt dans 20 tumeurs BRCA1, 14 tumeurs BRCA2 et 59 tumeurs sporadiques.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. Anatomie de la glande mammaire féminine
I.2. Biologie et typologie des cancers
I.2.1. Généralités et aspects cliniques des tumeurs bénignes et malignes du sein
I.2.1.1.Généralités
I.2.1.2.Aspects cliniques
I.2.2.Facteurs de risque
I.2.2.1.Risque génétique
I.2.2.2. Risque liés à la reproduction
I.2.2.3.Risques environnementaux
I.3.Génome mitochondrial humain
I.4 .Altérations somatiques du génome mitochondrial dans la tumeur
I.5 .Biomarqueurs et cancers du sein
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODE
II.1. Population d’étude
II.2. Etude génétique
II.2.1. Extraction d’ADN des tissus
II.2.2. Intérêts du marqueur moléculaire utilisé
II.2.3. Amplification en chaine par polymérase (PCR) de la D-Loop
II.2.4. Séquençage de la D-Loop
II.2.5. Traitement et analyse moléculaire des données
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
III.1.Résultats
III.1.1. Alignement des données de séquences nucléotidiques
III.1.2.Diversité génétique et polymorphisme de la D_Loop dans les tumeurs bénignes et malignes
III.1.2.1. Diversité génétique
III.1.2.2.Polymorphisme de la D_Loop
III.1.2.2.1.Polymorphisme au niveau de la région D310
III.1.2.2.2.Les mutations
III.1.2.2.3.Les haplogroupes et sous-haplogroupes de la D_Loop
III.1.3.Différenciation génétique et structuration de la D_Loop entre tumeurs bénignes et malignes
III.1.3.1. Différenciation génétique
III.1.4.Tests de neutralité de la D_Loop au niveau des tumeurs bénignes
III.2.Discussion
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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