La gestion des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence en équipe interdisciplinaire

La gestion des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence en équipe interdisciplinaire

Le recours à une approche interdisciplinaire pour la gestion des SCPD fait autant partie des recommandations du MSSS que le recours aux interventions non pharmacologiques mentionnées plus haut (MSSS, 2014b). À cet égard, un mémoire élaboré par 15 ordres professionnels au Québec (Collaboration interprofessionnelle, 2016) soutient que le recours au travail en équipe interdisciplinaire résoudra divers enjeux liés aux soins auprès des personnes âgées hospitalisées dans les centres hospitaliers de soins de longue durée [CHSLD], dont la gestion des SCPD et ce, par une mise en commun des expertises professionnelles. Il y a lieu de questionner comment les divers professionnels s’impliquent dans la mise en place des interventions non pharmacologiques afin de confirmer la pertinence de solliciter les ergothérapeutes. Le recours aux interventions non pharmacologiques par divers professionnels de la santé auprès des personnes présentant des SCPD a fait l’objet de quelques écrits (Laver et al., 2014; Wong & Leland, 2014).

Laver et al. (2014) ont examiné, dans une revue descriptive (descriptive review), le contexte et les particularités des interventions non pharmacologiques efficaces pour gérer les SCPD en s’appuyant sur huit études tirées d’une méta-analyse de Brodaty et Arasaratnam (2012). Les types de professionnels offrant les interventions variaient et comprenaient des psychologues, de gériatres, de professionnels de recherche entraînés dans le domaine, d’ergothérapeutes, souvent même de dyade de professionnels (ergothérapeutepsychologue). Quatre des huit études analysées par Laver et al. (2014) rapportaient l’implication des ergothérapeutes lors du recours aux interventions non pharmacologiques de façon unidisplinaire ou en collaboration avec d’autres professionnels. Wong et Leland (2016) ont montré dans un examen de la portée (scoping review) que les interventions non pharmacologiques pour gérer les SCPD sont offertes par divers intervenants. Des 22 études retenues, Il études ont eu recours à du personnel de l’équipe de recherche. En ce qui a trait aux autres études, on dénombre des infirmières, des musicothérapeutes, des psychologues et des ergothérapeutes comme professionnels ayant prodigué les interventions. Toutefois, une seule des 22 études de leur examen de la portée, soit celle de Maseda et al. (2014), rapporte une recherche où des ergothérapeutes ont mis en place des interventions (de type stimulation sensorielle) pour gérer les SCPD. Les études de Laver et al. (2014) et de Wong et Leland (2014) attestent que divers professionnels ont recours aux interventions non pharmacologiques, mais peu de détails sont disponibles sur les caractéristiques précises des pratiques des divers professionnels de la santé.

Toutefois, l’étude de Dame (2019) a dressé un portrait de la prise en charge par des infirmières (n=20) des personnes présentant un trouble neurocognitif majeur (n=20) oeuvrant dans des groupes de médecine familiale [GMF] dans six régions du Québec. Cette étude a montré que moins de la moitié des infirmières rédigent un plan d’intervention. Seulement le quart des répondants intégraient les interventions non pharmacologiques suggérées dans les documents ministériels au plan d’ intervention. Les interventions non pharmacologiques les plus fréquemment utilisées par les infirmières sont les activités structurées (dont l’ artisanat et la stimulation cognitive), les activités physiques telles que la marche ainsi que les contacts sociaux de type un à un. La majorité des infirmières rapporte que les effets positifs des interventions non pharmacologiques sont peu connus. La marche et les exercices sont les interventions les mieux connues par celles-ci. Aussi, 55 % des infirmières ne font jamais ou rarement des références [demandes de service] aux équipes dédiées au SCPD, malgré la recommandation de privilégier l’approche interdisciplinaire. Ces résultats mettent en lumière le besoin de poursuivre les recherches pour mieux documenter l’apport des divers professionnels.

Les études recensées font valoir que les ergothérapeutes sont parmi les professionnels ayant recours aux interventions non pharmacologiques pour la gestion des SCPD. Il y a lieu d’explorer la pratique des ergothérapeutes dans la gestion des SCPD. 1.3. Portrait de la pratique des ergothérapeutes Le portrait de la pratique des ergothérapeutes auprès des personnes avec démence a été décrit par Bennet, Shand et Liddle (2011), McGrath et O’Callaghan (2014) et Rahja, Comans, Clemson, Crotty et Laver (2018). Toutefois, ces études omettent de documenter les particularités reliées aux SCPD. Bennet, Shand et Liddle (2011), dans une étude descriptive de la pratique des ergothérapeutes (n=134) auprès des personnes avec démence menée en Australie, ont montré que les principaux motifs de référence concernent la modification de l’environnement, l’évaluation du domicile et de la sécurité (29,1 %). Le deuxième motif de référence le plus souvent identifié était l’évaluation des activités quotidiennes (16,4 %). L’évaluation portait principalement sur les capacités de la personne; les types d’évaluation les plus fréquents étant les évaluations cognitives (ex: Mini-Mental State Examination) (55,7 %), suivis des évaluations fonctionnelles (évaluation des capacités de la personne à réaliser une occupation en tenant compte de l’environnement) (34,7 %).

Les interventions concernaient principalement la modification de l’environnement (69,4 %), la recommandation d’aides techniques (66,4 %), ainsi que l’éducation sur la démence (50,8 %). Par ailleurs, McGrath et O’Callaghan (2014) ont constaté que la pratique d’ergothérapeutes irlandais (n=47) mettait peu l’accent sur l’évaluation fonctionnelle au profit de l’évaluation de certaines composantes de la performance telle que la cognition. Par exemple, 54,6 % des outils utilisés étaient liés à l’évaluation cognitive alors que 24 % des outils relevaient de l’évaluation fonctionnelle. Aussi, 64,7 % des ergothérapeutes n’utilisaient pas d’outil standardisé lors de l’évaluation fonctionnelle. Les interventions les plus courantes portaient sur les modifications de l’environnement (74,4 %), la recommandation d’aides techniques (70,2 %) et l’enseignement de stratégies compensatoires (51 %). Ces deux études ne rapportent pas d’informations concernant les particularités de la pratique associée aux SCPD. Rahja, Comans, Clemson, Crotty et Laver (2018) ont réalisé des audits sur 87 notes de dossiers en ergothérapie portant sur des évaluations et des interventions auprès de personnes avec démence ou un diagnostic de démence probable. Cette étude révélait que les ergothérapeutes réalisaient en moyenne 2,1 rencontres en présentiel par référence, jumelées à 3,4 contacts téléphoniques. Également, selon les auteurs, les interventions les plus utilisées par les ergothérapeutes étaient: la référence à un autre service (59,8 %), la modification de l’environnement (55,5 %) et la recommandation d’aides techniques (54 %).

Au Québec, sans aborder spécifiquement les pratiques auprès de personnes atteintes de démence et présentant des SCPD, Gobeil et al. (2019) ont dressé un portrait de la pratique des ergothérapeutes sous l’angle des pratiques évaluatives. Parmi leur échantillon de 793 ergothérapeutes ayant répondu à un sondage en ligne, 41,5 % (n= 329) pratiquaient auprès d’aînés. Parmi ceux-ci, 39,4 % avaient recours aux mises en situation ou aux observations. Aussi, les outils d’évaluation maison étaient utilisés dans une proportion de 26,5%. Les ergothérapeutes oeuvrant auprès des aînés rapportaient également utiliser des outils de dépistage des fonctions cognitives (Exemple: Mini-Mental State Examination, Montréal Cognitive Assessment (MoCA), Protocole d’examen cognitif de la personne âgée-2r ou Pecpa-2r). L’environnement était plus fréquemment évalué chez la clientèle âgée que chez les clientèles enfant et adulte. À ce jour, les études décrivant la pratique des ergothérapeutes se limitent exclusivement aux évaluations (Gobeil et aL, 2019) ou aux évaluations et aux interventions (Bennet et aL, 2011; McGrath et O’Callaghan, 2014; Rahja et aL, 2018) et n’incluent pas d’autres aspects de la pratique (ex. : processus de prise en charge). Il y a lieu de documenter la pratique des ergothérapeutes en incluant d’autres éléments afin de dresser un portrait plus complet. De plus, aucune étude connue n’a dressé le portrait de la pratique en ergothérapie prenant en compte les particularités de la gestion des SCPD.

Portrait de la pratique intégrant les résultats probants

Lors de la recension des écrits sur l’efficacité des interventions non pharmacologiques pour la gestion des SCPD, les niveaux d’évidence scientifique ont été mis en lumière. Afin d’assurer une pratique professionnelle de qualité, il y a lieu de se questionner si les ergothérapeutes intègrent les résultats probants dans leur pratique. Les constats de l’examen de la portée (scoping review) de Thomas et Law (2013) et de la revue systématique d’Upton, Stephens, Williams et Scurlock-Evans (2014) sur l’intégration des résultats probants par les ergothérapeutes suggéraient que ceux-ci considèrent important de les intégrer dans leur pratique malgré certaines difficultés pour y parvenir. La plupart d’entre eux s’appuyaient davantage sur leur expérience personnelle pour soutenir leur choix d’interventions plutôt que sur des résultats d’études empiriques. Aussi, Bennett et al. (2003), dans une étude auprès de 649 ergothérapeutes australiens, ont identifié que 95,7 % des répondants percevaient l’utilisation des évidences scientifiques comme étant importante. Cependant, la prise de décisions cliniques reposait sur leur expérience clinique (96,3 %), le contenu des formations suivies (81,9 %) et la consultation des collègues (79,9 %).

De plus, Bennet et al. (2011), dans leur portrait de la pratique des ergothérapeutes en Australie impliqués auprès des personnes présentant de la démence, a montré que près de la moitié des répondants (53 %) n’était pas du tout confiants ou seulement un peu confiants que leurs connaissances des données issues de la recherche étaient à jour. Rahja et al. (2018) avaient aussi montré que les interventions des ergothérapeutes auprès des personnes présentant de la démence s’éloignaient des interventions probantes lors de leur étude par des audits de notes au dossier en ergothérapie. Les interventions de modification de l’environnement et d’attribution d’aides techniques étaient fréquentes malgré le fait que les effets de ces interventions soient méconnus. Les auteurs suggéraient que les ergothérapeutes développent davantage leurs connaissances et habiletés en regard de la problématique de la démence. Il y a lieu d’examiner la pratique des ergothérapeutes, dans un contexte de gestion des SCPD, en ce qui a trait à l’intégration des résultats probants étant donné que les écrits relèvent des défis à ce sujet.

Table des matières

Résumé
Abstract
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des sigles et abréviations
Remerciements
Avant-propos
Introduction
Chapitre 1 : État des connaissances
1.1. Interventions non pharmacologiques pour la gestion des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence
1.2. La gestion des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence en équipe interdisciplinaire
1.3. Portrait de la pratique des ergothérapeutes
1.4. Portrait de la pratique intégrant les résultats probants
1.5. But et objectifs du mémoire
Chapitre 2 : Méthodologie
2.1 Cadre de référence
2.2 Devis
2.3 Échantillon
2.4 Méthode de collecte de données
Questionnaire en ligne
Entrevues semi -dirigées
2.5 Procédures de recrutement et de collecte de données
2.6 Analyse des données
2.7 Considérations éthiques
Chapitre 3 : Article 1 Symptômes comportementaux et psychologiques de la démence: portrait de la pratique d’ergothérapeutes québécois
Autres résultats
Chapitre 4 : Article 2 Intégration des résultats probants dans la pratique auprès des personnes présentant des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, est-ce que les ergothérapeutes y parviennent?
Chapitre 5 : Discussion générale
F orees et limites de l’étude
Chapitre 6 Conclusion
Bibliographie
Annexe A – Interventions non pharmacologiques
Annexe B – Démarche pour la recension des écrits
Annexe C : Description des détails des études mentionnées au tableau 1
Activités physiques
Activités structurées
Contacts sociaux
Interventions comportementales
Interventions sensorielles
Modifications de l’environnement
Interventions probantes

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