Sémantique linguistique universaliste a priori

Une sémantique linguistique

La définition du mot sémantique est souvent linguistique. D’après le dictionnaire Le Petit Robert (1991), c’est une « théorie visant à rendre compte des phénomènes signifiants dans le langage ». On rencontre aussi des acceptions plus larges. Dans la version non abrégée de ce dictionnaire (Le Robert 1983), c’est le « nom de diverses disciplines à caractère plus philosophique que linguistique ». Cette dernière acception ouvre sur des définitions très larges. Chez Alfred Korzybski (1933) le mot sémantique engendre le terme sémantique générale qui recouvre une « étude sociale, psychologique et logique du signe ». Le romancier A.E. Van Vogt, membre de l’Institut de Sémantique Générale, précise cette définition (1970) : « La sémantique générale traite du sens des significations. De ce fait, elle transcende et surpasse la linguistique ».
La sémantique générale vise à décrire des systèmes doués de facultés cognitives. Elle étudie l’écart entre la signification des textes et leur appropriation cognitive. Des exemples de tels systèmes comprendraient l’étude du fonctionnement d’une machine capable de jouer à un jeu consécutivement à la lecture de ses règles ou les conditions de l’invention de l’ordinateur HAL du film 2001, l’Odyssée de l’espace.

Les opérations sémantiques textesens et senstexte

La restitution automatique des significations de diverses composantes d’un énoncé linguistique met en œuvre deux types d’opérations linguistiques :
1. Une opération qui part du texte et construit des significations à partir des composantes linguistiques : syntagme, proposition et texte. Quelque que soit la composante linguistique étudiée, nous appelons l’opération qui part du texte pour construire des significations, l’opération textesens .
2. Une opération qui part d’un sens linguistique et aboutit à différentes formulations linguistiques de cette signification. Nous nommons senstexte cette opération.
La dualité des opérations textesens et senstexte pourrait laisser croire en une complète indépendance des deux opérations. Une grande interdépendance des deux opérations doit au contraire être admise.
A l’évidence, senstexte dépend de textesens puisque l’entité sens n’a pas d’existence extérieure à notre propre subjectivité et que l’entité texte existe en nombre inépuisable. Montrer que textesens dépend de senstexte nécessite une réflexion plus détaillée. L’opération textesens peut aboutir pour la phrase à l’élaboration d’une structure sémantique (Ssém chez Mel’Cuk) qui serait un réseau dont « les nœuds sont étiquetés par des sémantèmes de la langue et dont les arcs représentent des relations prédicats arguments » (Mel’Cuk 1999). Si l’on souhaite l’entité sens unique pour l’ensemble des paraphrases d’une phrase, l’opération textesens met en œuvre :
1) des opérations textesens qui effectuent :
• au plan syntaxique,
– une différenciation des énoncés des machines spécifiques embouteillent automatiquement les liquides et des liquides embouteillent automatiquement les machines spécifiques puisque « l’ordre des mots » de texte « est important » (Journet 1999)
– deux représentations profondes de il a parlé de voyage avec Emma puisque « l’ordre des regroupements des mots est important » (Journet 1999)
• au plan lexical, une restitution des significations lexicales
2) des opérations senstexte qui effectuent :
• au plan syntaxique,
– un rapprochement de les chiens craignent (avoir peur ) les hommes et l’homme effraie (faire peur) aux chiens en prenant en compte la direction de la prédication (Journet 1999)
– une même représentation de l’embouteillage s’effectue par des machines spécifiques et des machines spécifiques embouteillent
• au plan lexical, une même représentation par réduction lexicale de monnaie du Japon en yen.

Une sémantique universaliste a priori

Sur un plan très général, nous insisterons sur une relative indépendance du linguistique par rapport aux mécanismes de compréhension mis en jeu dans ce que Hiz (1964) a nommé une sémantique forte ou par rapport à ce que nous avons décrit de la sémantique générale. Cette affirmation d’indépendance du linguistique se traduit par deux caractères parfois contestés de nos orientations sémantiques.
Le premier de ces caractères est l’universalisme. Par universalisme, nous entendons fondamentalement que :
• les unités lexicales disposent de significations indépendamment de tous leurs contextes ; ces significations hors contexte sont données par le code de chaque langue. Ce point renvoie à l’activité sémasiologique proprement dite qui, partant du signe linguistique renvoie d’autres unités linguistiques qui lui correspondent.
• les significations ne sont pas des suites de signes linguistiques. Ce point renvoie à une sémasiologie comportant une dimension terminologique. Cette sémasiologie associe aux unités linguistiques des champs conceptuels.
• pour chaque signification, l’ensemble des formulations est donné. Ce point renvoie à l’activité onomasiologique qui part des concepts et des champs conceptuels et retourne l’ensemble des formulations linguistiques qui lui correspondent.
• la signification d’une unité lexicale utilisée dans un contexte présente toujours un rapport avec le sens des significations qui est élaboré « par un sujet donné dans un contexte d’énonciation donné » (Sabah 1997, pp. 91-133)
• il existe un nombre fini d’unités lexicales et de significations à connaître pour pouvoir accéder par l’analyse des textes (comme un dictionnaire) à d’autres unités lexicales et d’autres significations.
Le deuxième de ces caractères est l’apriorisme. Par apriorisme, nous entendons fondamentalement que :
• les contextes d’apparition des significations lexicales peuvent être décrits indépendamment de tout domaine des connaissances, de toute pragmatique et de toute application particulière
• les contextes des significations lexicales disposent de valeurs sémantiques particulières que nous nommerons concepts
• les concepts des contextes constituent soit des connaissances linguistiques, soit des connaissances du monde.

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