La gestion « intelligente » de l’énergie électrique

La gestion « intelligente » de l’énergie électrique

Evolution de la consommation et de la production d’électricité en France

Selon l’organisation des nations unies (ONU), au 1er janvier 2019, la population mondiale est estimée à 7,7 milliards d’individus [1]. Elle pourrait augmenter d’environ 15% d’ici 2030 et de l’ordre de 30% à l’horizon 2050 [2]. Cette croissance démographique, couplée à une potentielle croissance économique, va stimuler la demande énergétique mondiale. Selon les prévisions, cette dernière devrait augmenter d’environ 25% d’ici 2040 [3]. Cette augmentation serait alors équivalente à la somme des consommations de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine. De plus, cette hausse de  la consommation est directement liée à la nécessité d’intégrer des équipements électroménagers au sein des foyers. L’électricité fait nécessairement partie de ces préoccupations. En France, en 2018, la consommation d’énergie électrique est de l’ordre de 474 TWh [4]. En 40 ans, cette dernière a environ été multipliée par trois. Comme le montre la Figure 1-1, l’électricité est utilisée de manière significative dans le secteur résidentiel-tertiaire. Elle est passée de 37% à 72% sur une période fortement liée au développement électroménager des foyers. L’électricité est également utilisée dans le secteur industriel, dans l’agriculture et dans les transports. Avec une hausse de la consommation d’électricité, la production a dû s’adapter aux besoins énergétiques du pays. L’édition 2015 de la conférence des parties de la convention-cadre des nations-unies sur les changements climatiques (COP 21), organisée par la France, a marqué un tournant dans la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique. L’Accord de Paris, qui y a été adopté, puis signé le 22 avril 2016, a permis d’engager tous les pays du monde à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C (voire 1,5 °C) à l’horizon 2100 [6]. Parmi les engagements qui ont été pris, les subventions de l’État aux énergies fossiles ont été supprimées au profit des énergies renouvelables. En d’autres termes, la France ne soutient plus la construction de sites de production (i.e., centrales thermiques) qui émettent des gaz à effet de serre en grande quantité. Ces actions viennent concrètement mettre en application les directives de 2008 fixées par l’Union Européenne et notamment, la garantie d’atteindre l’objectif politique des « 3  20 » en 2020 [7] :  20% de la consommation énergétique totale proviendra des énergies renouvelables,  20% d’augmentation de l’efficacité énergétique,  réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Comme l’illustre la Figure 1-2, le nucléaire tient une place majeure dans la production brute d’électricité en France. L’agence internationale de l’énergie (AIE) a récemment montré que limiter le réchauffement à 2 °C va demander de poursuivre l’utilisation de l’énergie nucléaire. Même si les énergies renouvelables sont des contributeurs majeurs à la production depuis les dernières décennies, elles ne pourront pas à court terme remplacer la part très importante du nucléaire.Au quotidien, la production doit s’adapter en temps réel à la consommation d’électricité. On parle alors d’équilibre de l’offre et de la demande. La Figure 1-3 donne un exemple de consommation d’électricité durant la 2ème semaine (janvier) et celle de la 28ème semaine (juillet) de l’année 2016 [8]. On remarque deux choses :  Au mois de janvier, la consommation est plus importante qu’en juillet. Cela est dû à la mise en fonctionnement des éléments de chauffage.  La consommation est légèrement moins importante (de l’ordre de 15%) durant le week-end. La consommation des entreprises est très basse. Cependant, celle liée aux foyers domestiques augmente avec le nombre d’appareils électroménagers en fonctionnement. En hiver (cf. Figure 1-4), les centrales nucléaires sont utilisées au maximum de leur capacité. Les pointes de consommation sont ajustées via l’utilisation des barrages hydrauliques, des centrales à gaz et des énergies renouvelables (i.e., éolien et photovoltaïque) eu égard à la latence des centrales pour répondre instantanément à une forte demande en électricité. En été (cf. Figure 1-5), les centrales nucléaires sont utilisées à 70% de leur capacité, alors que les barrages hydrauliques peuvent fonctionner à plein régime. L’emploi des centrales à gaz et des énergies renouvelables permet alors de limiter les pointes de consommation. Les exemples qui précèdent permettent de démontrer que les centrales nucléaires ne peuvent pas, à elles seules, répondre rapidement à une forte demande d’électricité. L’utilisation de sites de production faisant appel au photovoltaïque ou à l’éolien est alors nécessaire, notamment pour produire de l’électricité durant les pointes de consommation. Toutefois, ces sites de production doivent être reliés au réseau électrique de distribution. Une gestion des flux d’énergie doit être garantie par le fournisseur d’électricité. Pour cela, le réseau électrique de distribution doit obligatoirement être « intelligent ».

Intérêt des réseaux « intelligents » dans la gestion de l’électricité 

Pour faire face à l’accroissement de la consommation, l’apparition de nouvelles énergies intermittentes et les exigences des normates européennes associées, le réseau actuel de distribution d’électricité doit nécessairement être flexible. Cette flexibilité passe nécessairement par l’intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication afin de maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande. Le système électrique doit être en capacité de passer d’une situation où la production est contrôlable, alors que la consommation l’est peu, à une situation où la production ne sera contrôlable que dans une certaine mesure et où la consommation fera l’objet d’une gestion active. Le concept de « smart grid » ou réseau électrique « intelligent » a récemment été introduit pour répondre à cette problématique. Un réseau dit « intelligent » doit permettre d’intégrer les énergies renouvelables et de renseigner les producteurs, les distributeurs et les consommateurs sur l’utilisation de l’énergie. Pour gérer ces nouveaux besoins et ces nouveaux modes de production, les réseaux électriques « intelligents » ont deux caractéristiques majeures [9] :  Ils sont communicants et interactifs.  Ils permettent d’échanger des données entre les différents acteurs du système électrique. La Figure 1-6 montre comment interagissent les différents éléments qui constituent le réseau électrique « intelligent »Le mix énergétique offre une production diversifiée de l’électricité avec les centrales nucléaires, les centrales hydrauliques, les turbines à gaz, les éoliennes et les parcs photovoltaïques. Ces parcs de production sont reliés aux consommateurs (e.g., usines, Chapitre 1 : Problématiques et enjeux de la gestion intelligente de l’énergie électrique – Intérêt du véhicule électrique 35 immeubles, centre commerciaux, logements individuels, …), par un réseau de transport et de distribution. Les parcs de production communiquent avec les consommateurs grâce à des boîtiers qui transmettent des informations en temps réel aux réseaux et aux utilisateurs. Ils permettent ainsi un équilibrage entre l’offre et la demande en électricité. Il existe également des micro-réseaux « intelligents » (ou « microgrids »). Ce sont des réseaux électriques de plus petite taille conçus pour fournir de l’électricité à peu de consommateurs. Ils sont composés d’une ou de plusieurs installations locales de production (e.g., générateurs au diesel, modules photovoltaïques, mini-éoliennes), de sites de consommation, de dispositifs de stockage et des outils de supervision et de gestion de la demande. Ils peuvent être directement raccordés à un réseau de distribution ou fonctionner en « îlotage », c’est-à-dire déconnectés du réseau. Le déploiement d’un micro-réseau poursuit divers objectifs  :  électrifier durablement les zones dites non-interconnectées comme les îles, qui ne sont pas reliées (ou alors faiblement) aux réseaux nationaux,  garantir la sécurité d’approvisionnement en énergie dans des zones où le réseau est fragile et souvent défaillant,  faciliter l’intégration des énergies renouvelables : les systèmes de gestion de l’énergie des micro-réseaux permettent à la fois de lisser la consommation, mais aussi de réguler l’intermittence des énergies renouvelables. De nombreuses installations de production d’électricité utilisant des sources renouvelables sont raccordées aux réseaux de distribution d’électricité. Leur multiplication influence le dimensionnement des réseaux électriques. La production décentralisée issue des énergies renouvelables est majoritairement intermittente et très difficilement pilotable. Le stockage constitue alors une solution à l’intermittence de ces énergies, car il apporte de la flexibilité au système électrique sur lequel doit être maintenu à tout moment l’équilibre entre la production et la consommation. Parmi les solutions de stockage les plus utilisées, on trouve entre autres :  Les STEP (i.e., stations de transfert d’énergie par pompage) : un système de pompage permet de remonter l’eau d’un bassin inférieur vers un bassin supérieur pour la stocker lorsque la demande d’électricité est faible. Lors des pointes de consommation d’électricité, le réservoir supérieur se vide et la STEP fonctionne comme une centrale hydroélectrique. L’hydrogène : l’électricité est transformée en hydrogène par le principe d’électrolyse de l’eau pendant les périodes de faible consommation d’électricité. L’électrolyse de l’eau est un procédé électrolytique qui décompose l’eau en dioxygène et dihydrogène gazeux avec l’aide d’un courant électrique.  Les batteries : ces dispositifs de stockage électrochimique équipent aujourd’hui la plupart des véhicules électriques. Les batteries électrochimiques présentant de bonnes performances pour le stockage sont principalement les batteries lithium-ion et leurs dérivées. Sur la Figure 1-7, les caractéristiques des principaux dérivés du lithium-ion sont présentées, que ce soit leur coût, leur densité d’énergie, leur puissance spécifique, leur sécurité, leur performance et leur durée de vie [13]. À ce jour, les batteries NCA (lithium nickel cobalt aluminium) et LMO (lithium manganese oxide) sont principalement utilisées pour les véhicules électriques. La technologie LTO (lithium titanate) est employée pour les bus électriques et les batteries LFP (lithium phosphate cobalt) pour les véhicules électriques légers. Les batteries LTO sont très prometteuses car elles possèdent de très grandes performances en charge comme en décharge, une durée de vie très élevée (jusqu’à 20 000 cycles), une puissance  spécifique élevée (e.g., jusqu’à 2 700 W/kg), un coût relativement faible (e.g., 125 €/kWh) et une sécurité accrue puisque la technologie ne présente pas de risque d’explosion [14]. Son seul principal défaut, pour le secteur automobile, est son énergie massique assez faible (e.g., entre 100 et 250 Wh/kg). D’autres technologies sont en cours de développement comme par exemple les batteries lithium-ion de nouvelle génération et les batteries lithium-soufre. La technologie lithium-air est à un stade de R&D et présente des caractéristiques très intéressantes, en particulier pour sa densité d’énergie approchant les 1 000 Wh/kg. Une autre technologie découverte au début des années 2 000 est en cours d’études chez Tesla et dans les laboratoires européens : il s’agit des batteries au graphène [15]. Lorsque le graphène est utilisé pour constituer l’anode d’une batterie, il permet d’en augmenter considérablement ses performances (jusqu’à 4 à 8 fois plus de capacité pour le même poids, durée de vie jusqu’à 4 fois plus grande) [16]. Tesla compte développer cette technologie pour ses futures véhicules électriques ce qui leur permettrait de doubler leur autonomie. Enfin, une dernière technologie pour réaliser le stockage électrique est celle du sodium-ion (Na-ion) (de la même famille technologique que le lithium-ion) développée par le CEA et le CNRS . La densité d’énergie (e.g., 90 Wh/kg) est cependant plus faible, mais sa durée de vie est accrue (e.g. > 2000 cycles). Un des principaux avantages des batteries sodium-ion est son prix qui est en deçà de ses concurrentes. Cela vient du fait que le sodium est présent en grande quantité sur Terre et son coût est plus abordable que le lithium. C’est donc une technologie très prometteuse pour le stockage stationnaire d’énergie.

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