La métagénomique pour étudier diversité et fonction des communautés microbiennes marines

La métagénomique pour étudier diversité et fonction des communautés microbiennes marines

L’apport de la phylogénie moléculaire à la classification des Archaea 

La phylogénie moléculaire est une approche analysant des macromolécules d’ADN/ARN dans le but d’obtenir des informations sur l’histoire évolutive des organismes vivants ainsi que leurs liens de parenté (Woese and Fox, 1977). Cette approche trouve toute sa pertinence dans l’analyse des communautés microbiennes, car elle permet ainsi de classer par grades évolutifs une population complexe de microorganismes, cultivée ou non, qui ne peut pas être distinguée par des critères phénotypiques. Historiquement, les microorganismes étaient classés en fonction de leurs traits phénotypiques, par exemple leurs métabolismes, leurs morphologies, ou leur virulence. Cette classification, en plus d’être de faible résolution taxonomique, était très difficilement applicable aux organismes non cultivés. Dans un contexte d’un développement constant des méthodes moléculaires et de la démocratisation de la PCR et du séquençage, les premières études phylogénétiques voient le jour à partir de 1977. Ces travaux innovants sont les premiers à proposer une classification moléculaire du vivant basée sur un critère phylogénétique. En analysant les variations nucléotidiques des macromolécules d’ARN ribosomiques de plusieurs populations, les auteurs montrent que le monde du vivant peut être séparé en 3 principaux groupes (Bacteria, Archaebacteria et Eucarya) (Woese and Fox, 1977). Grâce à leurs analyses, les auteurs reclassent les ‘bactéries’ méthanogènes dans un nouveau groupe, celui des Archaea (Woese et al., 1978). Néanmoins, il faudra attendre les années 1990 pour que soit pleinement reconnue cette classification du monde du vivant en 3 domaines évolutivement distincts (Woese et al., 1990 ; Woese, 1994 ; Pace, 1997). 3 Chapitre 1 – Introduction générale Figure 1 – Premier arbre phylogénétique universel construit à partir des séquences codant la petite sousunité de l’ARN ribosomique (ADNr 16S pour les procaryotes et 18S pour les eucaryotes), d’après Woese et al. (1990). Dans l’arbre phylogénétique universel du vivant proposé par Woese (Woese et al., 1990) (Fig. 1), les Archaea forment un embranchement nommé domaine. Le domaine des Archaea est composé d’organismes unicellulaires partageant à la fois des caractéristiques bactériennes et eucaryotiques (Woese et al., 1978 ; Pace, 2006). Les caractères les plus partagés entre Bactérie et Archaea sont surtout morphologiques. Le tableau 1 présente les principales caractéristiques structurales partagées ou non entre les 3 domaines du vivant. 4 Table 1 – Différences et similarités entre les domaines Bacteria et Archaea et Eucarya. D’après Prescott Microbiologie. Propriété Bacteria Archaea Eucarya Noyau entouré d’une membrane avec nucléole Absent Absent Présent Organites membranaires internes complexes Absents Absents Présents Paroi cellulaire Presque toujours faite de peptidoglycane contenant de l’acide nuramique Divers types, pas d’acide nuramique Pas d’acide numramique Lipides membranaires Acide gras à chaînes droites et liaisons ester Chaîne aliphatique ramifiées et liaison éther Acide gras à chaîne droite et liaisons ester Vacuoles gazeuses Présentes Présentes Présentes ARN de transfert Présence de thymine dans la plupart des ARNt; l’ARNt initiateur porte une Nformylméthionine Pas de thymine dans le bras T ou T! C de l’ARNt; l’ARNt initiateur porte une méthionine Présence de thymine; l’ARNt initiateur porte une méthionine ARNm polycistroniques Présents Présents Absents ARNm avec introns Absents Absents Présents ARNm épissés, avec coiffe et queue polyA Absents Absents Présents Taille du ribosome 70S 70S 80S ARN polymérase ADN dépendante Nombre d’enzymes Structure Une Modèle sous unitaire simple (6 sous unités) Une Modèle sous unitaire complexe semblables aux enzymes eucaryotes (812 sous unités) Trois Modèle sous unitaire complexe semblables aux enzymes eucaryotes (8 14 sous unités) Promoteurs de type polymérase II Absents Présents Présents Métabolismes ATPase similaire Méthanogénèse Fixation de l’azote Photosynthèse Chla Chimiolithotrophie Non Absente Présente Présente Présente Oui Présente Présente Absente Présente Oui Absente Absente Présente* Absente * Présente dans les chloroplastes (origine bactérienne) 

Les Archaea planctoniques 

À partir des années 90, la vision des archaea strictement extrêmophiles a été bouleversée par les découvertes pionnières de Jed Fuhrman et de Edward DeLong (DeLong, 1992 ; Fuhrman et al., 1992). Ces auteurs furent les premiers à détecter des séquences d’ADN 16S affiliées à des Archaea à partir d’échantillons d’eau de mer. La présence de deux clades phylogénétiquements distincts d’Archaea mésophiles est ainsi mise en évidence la même année au niveau de la côte ouest de Californie (Océan Pacifique) (Fuhrman et al., 1992) (Fig. 2a) et dans canal de Santa Barbara (DeLong, 1992) (Fig. 2b). Changement de nucléotides par position b a Figure 2 – Premiers résultats montrant l’existence d’archaea marines planctoniques. L’arbre phylogénétique est basé sur l’ADNr 16S provenant de banque de clones construite à partir d’ADN extrait d’eau de mer (noté NH) (Fuhrman et al., 1992) (a). Le tableau présente les données de détection d’ADNr/ARNr archéen provenant d’échantillons de bactérioplancton (DeLong, 1992) (b). Les phylogénies réalisées par Delong et collègues montrent que ces deux populations de séquences branchent dans des groupes monophylétiques différents (DeLong, 1992). Une population nommée Marine Groupe I (MGI) est affiliée au phylum des Crenarchaeota et l’autre nommée Marine Groupe II (MGII) au phylum des Euryarchaeota. Une partie des séquences affiliées au MGI à part la suite, était reclassée dans le phylum des Thaumarchaeota, sur la base de données génomique (BrochierArmanet et al., 2008). D’autres séquences ont été conservées au sein du phylum des Crenarchaeota pour former le groupe Miscellaneous Crenarchaotic Group (MCG), ainsi que le Marine Benthic Group B (MBG). À la suite de cette découverte, l’existence de deux nouveaux groupes affiliés aux Euryarchaeota fut mise en évidence. Le Marine Group III (Fuhrman and Davis, 1997) et le marine group IV (LópezGarcía et al., 2001). 

Diversité taxonomique du MGII 

À la suite de la découverte de l’existence d’archaea planctoniques marines, un certain nombre d’études moléculaires se sont intéressées à mieux connaître ces microorganismes. 6 Des études phylogénétiques basées sur le l’ADN 16S ont d’abord montré une grande diversité taxonomique à l’intérieur des groupes MGI et MGII (Massana et al., 1997, 2000) et permirent en même temps de différencier le MGII en 2 sousgroupes : le MGIIa et le MGIIb (Fig. 3). En plus de montrer la présence de clades monophylétiques au sein du MGI et du MGII, les études de Galand et collègues en Méditerranée dans la baie de Blanes ont mis en évidence que le MGIIa et le MGIIb pouvaient encore être divisés en sousclades (Galand et al., 2010). Un total de 3 sousclades à l’intérieur de MGIIa (K, L, M), fut ainsi identifié, ainsi que 3 autres sous clades à l’intérieur du MGIIb (O, WHARN, N).

 

Distribution et abondance du MGII 

Abondance et distribution du MGII dans les écosystèmes marins tempérés et polaires 

Des études quantitatives sur la distribution du MGI et du MGII ont été très tôt réalisées par hybridation in situ en fluorescence en utilisant les méthodes oligoFISH, polyFISH ou CARD FISH (Massana et al., 1997 ; Murray et al., 1999 ; Karner et al., 2001 ; Pernthaler et al., 2002 ; Teira et al., 2004 ; Herndl et al., 2005 ; Teira et al., 2006 ; Lincoln et al., 10 2014). Ces travaux ont montré une abondance importante d’archaea planctoniques dans les océans. Par exemple, l’abondance des archaea en général pouvait atteindre > 30 % de la fraction du picoplankton au niveau des régions côtières de la mer du Nord (baie Allemande) (Pernthaler et al., 2002). Pour le MGII, son abondance a été évaluée entre 104 et 105 cellules mL1 dans certains échantillons d’eau (Massana et al., 1997 ; DeLong et al., 1999). Une proportion de 216 % du marquage total au DAPI fut également observé dans le sud de la mer de Chine confirmant la dominance de MGII au niveau de la surface (Zhang et al., 2009). Les résultats basés sur l’ADNr 16S qui ont montré l’existence d’une grande diversité d’archaea planctoniques évolutivement distincts, suggèrent la présence de différents groupes qui occuperaient des niches écologiques différentes. Au niveau très large du phylum, deux grands motifs de distribution dans la colonne d’eau sont identifiés (DeLong, 1992 ; Fuhrman et al., 1992 ; Massana et al., 1997 ; F. Delong, 2007). D’une manière générale, pour le MGI et le MGII, qui sont les groupes les plus abondants, le MGI est plutôt présent dans la zone mésopelagique de l’océan profond (DeLong, 1992 ; Fuhrman et al., 1992 ; Karner et al., 2001 ; BrochierArmanet et al., 2008) alors que le MGII est majoritaire au niveau de la zone photique (surface et DCM) (DeLong, 1992 ; Fuhrman et al., 1992) (Fig. 5). A une échelle taxonomique plus fine, on peut observer que les taxons affiliés au MGIIa sont retrouvés essentiellement dans les eaux de surface (Massana et al., 2000 ; Iverson et al., 2012) alors que le MGIIb et plus présent audelà de 200m (Massana et al., 2000 ; MartinCuadrado et al., 2015). Cette distribution ainsi que l’abondance détectée s’opposent à celle du MGIII et du MGIV. Le MGIII et le MGIV sont des groupes minoritaires, essentiellement observés au niveau de la zone profonde océanique ainsi que dans les sédiments (Fuhrman and Davis, 1997 ; LópezGarcía et al., 2001 ; Adam et al., 2017 ; HaroMoreno et al., 2017).

Table des matières

Chapitre 1 : Revue bibliographique
1. L’apport de la phylogénie moléculaire à la classification des Archaea
2. Les Archaea planctoniques
2.1 Diversité taxonomique du MGII
2.2 Distribution et abondance du MGII
2.2.1 Abondance et distribution du MGII dans les écosystèmes marins tempérés et polaires
2.2.2 Distribution temporelle du MGII
2.3 Gènes fonctionnels retrouvés chez le MGII et modes de vie potentiels
2.4 La protéorhodopsine
3. Les apports de la métagénomique à l’écologie microbienne
3.1 Les mitag : une alternative au séquençage d’amplicons
3.2 Metagenome Assembled Genome ou MAGs
3.3 Profils d’abondance de gènes fonctionnels
4. Échantillonnage global ou temporel : deux approches complémentaires en écologie microbienne
4.1 Les approches globales
4.2 Les approches locales temporelles
Objectifs et organisation du manuscrit
Synthèse des méthodes de bioinformatiques
Chapitre 2 : Genomic ecology of Marin Group II, the most common marine planktonic Archaea across the surface ocean
Chapitre 3 : Dynamique taxonomique et fonctionnelle des Archaea planctoniques dans le nord de la Méditerranée Occidentale
Chapitre 4 : A strong link between marine microbial community composition and function
challenges the idea of functional redundancy
Discussion générale
1. Distribution globale et temporelle des archaea du Marine Group II
1.2 Distribution globale
1.2 Dynamique temporelle locale
1.3 Comparaison des approches métagénomiques et métagénétiques pour l’observation temporelle locale
2 Gènes fonctionnels
3 Fonction et diversité
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Table des illustrations
Table des tableaux

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