LA MOLE HYDATIFORME

LA MOLE HYDATIFORME

Définition

La môle (autrefois appelée hydatiforme ou vésiculaire) est un œuf pathologique caractérisé, outre son aspect macroscopique de villosités kystiques, par un processus à la fois hyperplasique et dystrophique et par un dysfonctionnement vasculaire frappant les villosités choriales. L’hyperplasie intéresse l’épithélium, la dystrophie intéresse le tissu conjonctif 

Epidémiologie

 L’incidence des maladies trophoblastiques gestationnelles présente d’importantes variations selon les études. Dans ces variations, il faut tenir compte des différences entre les méthodes utilisées pour estimer l’incidence et pour diagnostiquer la maladie : le nombre de MTG peut être rapporté au nombre de grossesses, d’accouchements ou de naissances vivantes. L’utilisation du nombre d’accouchements ou de naissances vivantes comme dénominateur pose le problème de la prise en compte du nombre d’avortements qui varie sensiblement entre les différentes populations et dans le temps. Par ailleurs, l’utilisation du nombre total de grossesses n’inclut pas tous les avortements spontanés car ces derniers ne sont pas toujours cliniquement identifiés et histologiquement analysés. Certaines études rapportent le nombre de MTG au nombre de naissances dans un hôpital donné, sans tenir compte du nombre d’accouchements à domicile notamment dans les pays en développement. Ailleurs, certaines études épidémiologiques sont basées sur un diagnostic de MTG non confirmé histologiquement, engendrant ainsi un manque de précision et de reproductibilité [9]. L’incidence des grossesses môlaires varie selon les facteurs géographiques : • 2/1000 grossesses au Japon, • 0,6 à 1,1/1000 grossesses en Europe et en Amérique du Nord, • 1/125 grossesses à Taïwan [31], • 1/400 grossesses au Sénégal .Dans les pays en développement comme le Sénégal, le choriocarcinome complique 5% des grossesses môlaires [6]. Elle passe de 1 pour 200 à 500 grossesses en Asie du Sud-Est à 1 pour 500 à 10 000 grossesses en Amérique du Sud pour atteindre 1 pour 2500 aux Etats Unis et en Europe

 Pathogénie de la môle hydatiforme 

La môle hydatiforme comporte deux types : la môle partielle (môle embryonnée, syndrome triploïde) et la môle complète composée exclusivement de vésicules môlaires. La môle hydatiforme se développe à partir du trophoblaste villeux. Elle représente une malformation placentaire secondaire à des aberrations chromosomiques survenues lors de la gamétogenèse et de la fécondation [2]. La môle complète est diploïde, provenant de la fécondation d’un ovocyte anucléé par un spermatozoïde. Le caryotype est de type 46 XX dans 90% des cas. L’œuf secondaire à la fécondation d’un ovocyte vide par un spermatozoïde haploïde (22N+X dans 90% des cas) se duplique secondairement pour aboutir à un œuf de caryotype 46 XX. Les 10% restants, de caryotype 46 XY, résultent d’une dispermie (Figure 1) [. La môle partielle est triploïde et provient en général de la fécondation d’un ovocyte porteur d’un jeu chromosomique maternel (22+X) par deux spermatozoïdes à noyau haploïde, chacun amenant un jeu de génome paternel (22N+X ou 22N+Y), ou par un spermatozoïde à noyau diploïde pourvu de deux jeux identiques de génome paternel.L’anomalie peut également être secondaire à une digynie par non-disjonction méiotique de l’ovocyte qui contient deux jeux chromosomiques maternels. Cette absence de disjonction est suivie de la fécondation par un spermatozoïde à noyau haploïde (22N+X ou 22N+Y) [50]. 5 Figure 1 : Origines génétiques des grossesses môlaires [51] (A) Origine monospermique de la môle hydatiforme complète (MHC) avec duplication du génome). (B) Origine dispermique de la môle hydatiforme complète : deux spermatozoïdes fécondent un ovocyte «vide» (C) Origine dispermique de la môle hydatiforme partielle (MHP) par fécondation d’un seul ovocyte par deux spermatozoïdes. 

 Macroscopie et histologie de la môle hydatiforme

 La môle complète est volumineuse (300 à 500cc), distendant toute la cavité utérine. Il s’agit d’un matériel hémorragique comportant exclusivement des vésicules en grappes de raisins dont le diamètre peut atteindre 1 à 2 cm. Les caractéristiques histologiques de la môle hydatiforme complète sont (Figure 2a) : 6 – une absence de tissu embryonnaire ou fœtal, – une dégénérescence hydropique des villosités et, – une kystisation et une hyperplasie du trophoblaste périvillositaire, composé de syncitiotrophoblastes, de cytotrophoblastes et de cellules intermédiaires comportant des atypies cytonucléaires. Les villosités sont très rarement vascularisées. Cependant, les éléments cellulaires n’infiltrent pas le myomètre et n’envahissent pas les vaisseaux utérins. Le volume de la môle partielle ne dépasse pas en général 200 cc. Les vésicules môlaires, mêlées à des villosités normales sont repérables par leur taille. Cependant, elles peuvent être microscopiques. Dans presque tous les cas, la môle partielle s’accompagne d’un reliquat d’embryon ou de fœtus parfois malformé dont l’évolution s’arrête entre 8 et 9 semaines d’aménorrhée. L’examen anatomopathologique d’une môle hydatiforme partielle retrouve un mélange de villosités môlaires et non môlaires avec parfois une hyperplasie cellulaires n’infiltrant pas le myomètre et n’envahissant pas les vaisseaux (Figure 2b). Les villosités sont vascularisées et les vaisseaux peuvent contenir des hématies nucléées. Une cavité amniotique associée à des débris fœtaux est fréquemment observée .Figure 2 : Histologie de la môle hydatiforme a : Môle hydatiforme complète avec des villosités hydropiques, absence de vaisseaux sanguins et une hyperplasie cytotrophoblastique et syncytiotrophoblastique b : Môle hydatiforme partielle avec villosités choriales de diverses tailles et formes avec œdème focal, inclusions stromales trophoblastiques ainsi qu’une hyperplasie focale 

 Facteurs de risque

 Môle hydatiforme complète 

Le risque augmente avec l’âge. Il est plus élevé aux âges extrêmes, avant 20 ans et après 40 ans. Les femmes âgées de plus de 40 ans ont un risque relatif de 10 à 15. Le tiers des grossesses chez les femmes de plus de 50 ans est une grossesse môlaire [2]. Le risque est légèrement plus élevé chez les femmes âgées de 15 à 20 ans, et 20 fois plus élevé chez les adolescentes enceintes à un âge inférieur à 15 ans [31]. Les facteurs reproductifs Un antécédent de grossesse môlaire représente un risque de récidive de 1 %, et de 23 % si la patiente a présenté deux épisodes de grossesses môlaires [4]. Les antécédents d’avortement spontané et une histoire d’infertilité apparaissent également comme facteurs de risque de grossesse môlaire [2]. Les ovocytes des femmes âgées sont plus susceptibles aux ovulations anormales conduisant aux môles hydatiformes complètes. Le risque de môle hydatiforme paraît augmenté 8 après insémination artificielle par sperme de donneur [31]. Facteurs socio-économiques Des études cas-témoins ont démontré que l’incidence de la môle hydatiforme complète est inversement proportionnelle à la consommation de carotène et de graisse animale.La pauvreté par les déficits nutritionnels (carotène, vitamine A) qu’elle occasionne accroit le risque de môle hydatiforme [1]. Autres Le groupe sanguin de la patiente serait également un facteur important avec un risque plus élevé pour les patientes de groupe A ou AB par rapport aux patientes de groupe B ou O, mais aucun mécanisme physiopathologique n’est avancé pour expliquer cette observation. 

Môle hydatiforme partielle 

Les caractéristiques épidémiologiques de la môle hydatiforme partielle ne sont pas superposables à ceux de la môle hydatiforme complète. La môle hydatiforme partielle est plus fréquente chez des femmes ayant des cycles menstruels irréguliers et des antécédents de contraception orale de plus de 4 ans, et ne semble pas liée à des facteurs diététiques .

 Diagnostic de la môle hydatiforme 

 Môle hydatiforme complète 

Signes fonctionnels Le diagnostic peut être fait devant les signes fonctionnels suivants : – métrorragies sur aménorrhée d’environ 3 mois, spontanées, faites de sang rouge; récidivantes, capricieuses, d’abondance croissante ; – douleurs abdomino-pelviennes peu marquées à type de pesanteurs, parfois à type de coliques expulsives ; 9 – exagération des signes sympathiques de la grossesse ; – parfois, c’est après expulsion de produits vésiculaires que le diagnostic est posé. • Signes généraux Les signes généraux sont variables : pâleur des muqueuses, altération de l’état général. • Signes physiques L’utérus est trop gros pour le terme, il est trop mou; le volume utérin varie d’un jour à l’autre. Cette variation de volume est connue sous le terme d’utérus accordéon de Jeanin. L’examen au spéculum confirme l’origine endo-utérine de l’hémorragie. Au toucher vaginal, le col est ramolli, béant ; l’examinateur trouve souvent des kystes ovariens bilatéraux (kystes lutéiniques). Les signes cliniques classiques de la môle complète apparaissent souvent après le premier trimestre comme les vomissements incoercibles, les saignements génitaux, l’augmentation de la taille utérine, et plus rarement des signes d’anémie ou de pré-éclampsie. L’hyperthyroïdie, autrefois rapportée, est devenue exceptionnelle [9]. • Signes paracliniques De nos jours, le diagnostic de la môle hydatiforme est habituellement effectué par l’échographie du premier trimestre et par le dosage des β hCG. L’échographie retrouve un utérus anormalement gros pour le terme de la grossesse et contenant des images floues, diffuses, floconneuses donnant l’aspect en tempête de neige ou en nids d’abeilles (figure 3). Cet aspect classique en tempête de neige correspond à de multiples kystes de taille variable, à parois fines, associés à des plages échogènes et à des zones liquidiennes hémorragiques. Un diagnostic précoce est parfois possible avec des sondes à 10 haute fréquence, dès 8SA, devant une masse multikystique intracavitaire qui peut être confondue avec un endomètre hypertrophique. Le Doppler est silencieux (absence de vascularisation) dans la masse trophoblastique, un signal maternel étant seulement retrouvé en périphérie dans la caduque et dans le myomètre. Des kystes lutéiniques sont observés dans 15 à 25% des cas. Ils sont en général bilatéraux, mesurant entre 6 et 12 centimètres. Ils peuvent atteindre des dimensions importantes pouvant aller jusqu’à plus de 20 centimètres. Ils sont secondaires à l’hyperstimulation des ovaires par les taux sanguins importants de β hCG et sont découverts presque exclusivement chez les patientes ayant des taux très élevés de β hCG. Le temps moyen de régression pour ces kystes est de huit semaines. Ils se compliquent rarement (torsion nécessitant un traitement chirurgical). Ils peuvent continuer à croître après l’évacuation utérine. La môle hydatiforme complète est habituellement associée à des taux élevés de β hCG, supérieurs à 100 000UI/L. La mesure d’un haut niveau de β hCG (> 100 000 U/l) peut donc suggérer le diagnostic d’une môle complète, particulièrement quand il s’y associe des métrorragies .

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPEL
1. Définition
2. Epidémiologie
3. Pathogénie de la môle hydatiforme
4. Macroscopie et histologie de la môle hydatiforme
5. Facteurs de risque
5.1. Môle hydatiforme complète
5.2. Môle hydatiforme partielle
6. Diagnostic de la môle hydatiforme
6.1. Môle hydatiforme complète
6.2. Môle hydatiforme partielle ou môle embryonnée
6.3. Evolution de la môle hydatiforme
7. Prise en charge
7.1. Prise en charge de la môle hydatiforme
7.2. Prise en charge des néoplasies trophoblastiques gestationnelles
7.3. Place de la chirurgie
7.4. Cas des grossesses multiples
DEUXIEME PARTIE: NOTRE ETUDE
1. Objectif
2. Cadre d’étude
2.1. Site de l’étude
2.2. Ressources humaines
3. Patientes et méthodes
3.1. Type et durée de l’étude
3.2. Critères d’inclusion
3.3. Critères de non inclusion
3.4. Paramètres étudiés
3.5. Collecte et analyse des données
4. Résultats
4.1. Fréquence
4.2. Caractéristiques socio-démographiques des patientes
4.3. Données cliniques et paracliniques
4.4. Prise en charge
4.5. Evolution
4.6. Durée du suivi
5. Discussion
5.1. Prise en charge initiale de la môle hydatiforme
5.2. Surveillance post-môlaire
5.3. Chimioprophylaxie
5.4. Place de l’hystérectomie
5.5. Durée de suivi
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES

 

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