La nouvelle position des directeurs départementaux

La nouvelle position des directeurs départementaux

Le renoncement à l’expertise

 Dans les ministères techniques, l’histoire des corps d’ingénieurs dont les membres occupent majoritairement les postes de directeurs départementaux est celle de cadres dont la légitimité repose d’abord sur leur expertise. Ils ont occupé, au début de leur carrière, divers postes techniques en direction départementale et leur accession aux postes de direction récompense ce La nouvelle position des directeurs départementaux 350 parcours. Dans leur analyse des carrières des ingénieurs de l’équipement, Konstantinos Chatzis et Georges Ribeill nous invitent à prêter attention à l’espace dans lequel elles se déploient. Ils racontent les origines du corps des ponts, « producteur et détenteur de l’expertise technique et administrative du ministère de tutelle » . Ils évoquent la manière dont l’élargissement des responsabilités des services déconcentrés au moment de la création des directions départementales de l’équipement conduit à « l’accentuation de l’aspect managérial de l’activité de l’ingénieur des ponts, moins technicien et plus manager que par le passé ». Ils racontent enfin « l’élargissement de l’espace des carrières » des ingénieurs des ponts et chaussées qui, face à la décentralisation et « la réduction du champ de responsabilités que celle-ci entraîne dans les services déconcentrés, […] quittent plus souvent que par le passé le ministère de l’équipement et investissent de nombreux secteurs d’activité en multipliant les métiers pratiqués et leurs lieux d’exercice »760 . Dans sa thèse sur la fabrique d’un « nouveau » corps des ponts et chaussées, Julie Gervais761 porte également un regard plus récent sur la dilution de l’espace professionnel des ingénieurs des ponts. Elle questionne la stratégie qui se déploie derrière la révision de la formation initiale de ces ingénieurs, et la volonté de revendiquer une image « d’ingénieur manager », de plus en plus manager, de moins en moins ingénieur. Cependant, si les ingénieurs des ponts s’éloignent de la direction des DDE, ils abandonnent cet espace au corps des ingénieurs des travaux publics de l’État qui l’investissent soit comme ingénieurs des travaux publics passés ingénieurs des ponts par la voie de la promotion interne, soit comme ingénieurs divisionnaires des travaux publics. Le profil du directeur départemental de l’équipement reste donc jusqu’à la réforme de l’administration territoriale de l’État celui de l’ingénieur de l’équipement ayant construit un parcours progressif en direction départementale, lui donnant une bonne connaissance technique des sujets. La chance d’accéder aux postes de direction était par ailleurs augmentée dans le cas d’une trajectoire permettant d’accumuler des « briques » de compétence dans plusieurs champs. Avoir occupé un poste « infras » et un poste « urba »762 était assez bien vu pour espérer être placé dans un « vivier ». Les parcours s’appuyaient fréquemment sur le passage par un poste de directeur-adjoint constituant ainsi un « sas » entre le parcours de chef de service technique et le poste de directeur, un moyen d’apprendre son métier de directeur auprès d’un pair et d’être jugé sur ses capacités à le devenir soi-même. 

 Les relations avec les autres cadres de l’organisation 

Les directeurs départementaux des territoires se posent de nombreuses questions sur la division du travail au sein de leur nouvelle direction. Ils avaient un ensemble de repères qui sont dorénavant déconstruits. Par exemple, en direction départementale de l’équipement, il était fréquent que le directeur et le directeur-adjoint se partagent les rôles de management, le directeur-adjoint étant souvent positionné dans un rôle de management des subdivisions. Certains directeurs des territoires essayent de reproduire ce schéma, avec un rôle spécifique d’animation du réseau territorial par leur adjoint. Mais le contexte a changé, le périmètre d’intervention est plus large, les acteurs extérieurs tels que les préfets ou les directions régionales s’immiscent dans le gouvernement interne des directions départementales interministérielles. Par conséquent le mode de management est en pleine reconstruction et les directeurs avouent largement procéder par tâtonnement dans ce domaine. Les questions soulevées par la transversalité de l’action à l’échelle d’une direction départementale des territoires s’illustrent, par exemple, sur le mode de fonctionnement du comité de direction, le « codir », ou encore sur le mode de management des services par le binôme constitué par le directeur et le directeur-adjoint. « Pour moi, le codir est un vrai sujet. C’est un mal nécessaire mais je ne suis jamais satisfait. Le mien a lieu tous les quinze jours. »  « Le codir ne marche pas bien car le directeur n’a pas encore réalisé qu’on ne pouvait pas tout traiter en codir. Le nôtre dure de 14h jusqu’à parfois 20h. »  « On a un codir toutes les semaines, on est 9, et on fait un comité élargi avec les chefs d’agence mais pas toutes les semaines. Dans le management du codir, autrefois on traitait beaucoup de choses thématiques, on pouvait par exemple passer du temps à commenter une nouvelle circulaire. On n’a plus le temps. On fait le tour de table d’échange des infos, le point sur l’agenda, le compte-rendu des réunions importantes. On traite les affaires de gestion du personnel, les promos par exemple. Et on n’arrive pas à faire plus. Par contre je réunis les cadres deux fois par an et là on est vraiment sur du thématique et la présentation de politiques. Par exemple, la dernière fois, on a travaillé sur le SDAGE de façon à ce qu’il y ait une vision transversale de cette politique.  > « On a plus formalisé le codir, on a donné une feuille de route aux chefs de service pour qu’ils préparent mieux leurs interventions en leur demandant de se soucier davantage du transversal. Ce qui n’intéresse pas tout le codir, le directeur et le directeur-adjoint le traitent en bilatéral avec eux par ailleurs. » Les mêmes questions se posent au travers des choix d’animation des services départementaux par les préfets de département. Les méthodes de management sont très hétérogènes d’un département à l’autre. « Je ne vois quasiment jamais le préfet. Il est très « vieille école ». »  « Le mien est plus manager dans l’âme, plus jeune, plus accessible ».

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