LA PERCEPTION DE L’IMAGE VISUELLE

LA PERCEPTION DE L’IMAGE VISUELLE

La perception de l’image, un mécanisme au cœur d’un contexte Alors que la plupart des études sur la perception de la carte sont réalisées hors contexte, il est mis en évidence que la place de ce dernier dans la perception de l’image n’est pas sans importance. La lecture d’une image est comprise dans un ensemble définit comme un circuit visuel à quatre composantes : § Le contexte d’élaboration : « rendre intelligible les conditions sociales et historiques dans lesquelles un dispositif visuel est mis en place » ; § La production : procédure d’encodage de l’information ; § L’usage : décodage, comment est perçue l’image par différents types de lecteurs. C’est à ce niveau que sont faites les évaluations avec les nouvelles technologies et que des innovations techniques en matière en visualisation sont possibles ; § La matérialisation : transposition sur le territoire réel, conditions dans lesquelles les dispositifs visuels sont conçus. C’est à l’élément « usage » que s’intéresse cette recherche puisque c’est à cette étape qu’il est possible de définir les caractéristiques qui influent sur la lecture de l’image.

La perception de la carte : un processus perceptuel et cognitif 

La carte est une image et, comme telle, sa perception suit un processus. Figure 11: Modèle de perception d’une image visuelle. Cependant les modèles de perception ne sont adaptés qu’à un cas précis. Il faut par conséquent définir celui qui est le plus adapté à la carte. 21. Le processus de lecture de la carte : un processus complexe 

Un processus au centre de l’ontologie cartographique

 Avant de définir les étapes du processus de perception de la carte, il convient de le positionner dans celui de la conception et de l’utilisation de la carte (encadré en rouge dans le graphe suivant). Selon le graphe de MCKENDRY, il est possible de mettre en évidence deux types de facteurs qui influent sur le processus de lecture de la carte : § Des facteurs externes à la carte comme la problématique transcrite ou les compétences et connaissance du « decision maker » § Des facteurs internes à la carte qui impliquent un phénomène d’itération lors du processus de lecture. Il est à remarquer que le seul intervenant défini ici est le « decision maker ». Le concepteur est ici représenté par l’intermédiaire de la représentation des données. En fait, grâce à ce schéma, MCKENDRY met en avant la nécessité de prendre en compte le destinataire de la carte car certaines caractéristiques propres à celui-ci conditionnent le processus de lecture de la carte. Dans la suite de cette section, l’attention sera portée sur les mécanismes internes du processus de lecture de carte afin de mettre en évidence les facteurs qui conditionnent l’adaptabilité de la carte au lecteur.

Un processus double 

Dans son article RATWANI Raj M. se base sur deux modèles fondés sur les théories des tâches analytiques : § Un modèle théorique datant des années 199066 § Un modèle pratique datant des années 200067 Figure 13: Modèle théorique (à gauche) et modèle pratique (à droite) du processus de compréhension de la carte68 On constate que ces deux modèles ont des approches différentes : § Le premier adopte une approche purement cognitive, sans prise en compte des mouvements oculaires § Le second intègre la dimension perceptuelle en l’intégrant dans la dimension cognitive Cependant le processus de perception visuelle et le processus de perception cognitive peuvent-ils être réunis en un seul processus ou doivent-ils rester distincts ? Cette réponse peut probablement être apportée par l’analyse neuronale. En effet, l’activité neuronale des mouvements de saccade se situe dans le tronc cérébral et l’activité de codage est réalisée par les « burst » cells situées dans les régions périphériques du tronc cérébral.69 Il semble au premier abord que ces deux processus soient distincts. Cependant il a été constaté que le codage des caractéristiques spatiales des saccades (OU) et le déclenchement du mouvement (QUAND) est initié par des cellules différentes. Or ces deux caractéristiques sont incluses dans le même processus et sont traitées en parallèle. Il semble par conséquent adéquat de considérer le processus de perception visuelle et le processus de perception cognitive comme des processus réalisés en parallèle, inclus dans un processus plus global qu’est la lecture de la carte. c ) Un processus itératif et agrégatif En plus du caractère double de la perception, RATWANI définit la perception comme un processus itératif. Figure 14: Modélisation itérative de la perception d’après CARPENTER & SHAH (1998) Après avoir identifié les éléments et avoir donné une valeur quantitative et qualitative aux caractères visuels, les éléments du graphique sont reliés aux caractères visuels pour construire l’image du graphique grâce aux caractéristiques de l’image définies par Bertin   : § « l’image se crée sur trois dimensions homogènes et ordonnées » : la géométrie euclidienne § « l’image accepte tous les niveaux de lecture » : possibilité de regroupement § « l’image accepte une très grande quantité d’information » : nécessité de regroupement basée sur la proximité spatiale et/ou perceptuelle § « l’image peut se simplifier sans perdre une parcelle de l’information originale » : efficacité du regroupement en cluster § « sa structure naturelle (x, y, z) […] ne peut être transgressée » : le processus de regroupement est similaire pour chaque lecteur. Cependant la complexité ne se définie pas seulement par la difficulté à analyser un élément de l’image. Elle est aussi fonction du nombre d’itérations nécessaire pour former un cluster adapté à l’information recherchée : c’est le phénomène d’agrégation. Cependant ce phénomène n’est observé qu’à partir d’un certain éloignement des objets. En effet, pendant une fixation, plusieurs objets (8 à 10) sont traités en parallèle 72 en raison de l’existence de la vision périphérique : les objets situés dans un certain rayon angulaire sont traités pendant le processus de lecture de l’élément regardé. Ainsi le nombre de cycles de traitement augmente avec la complexité (c’est-à-dire le nombre de clusters : zones homogènes de l’image) : le nombre d’allers-retours entre clusters et entre un cluster et la légende augmente.73 Ce phénomène d’itération permet alors de définir la complexité de la carte : plus une carte est complexe plus le nombre d’itération devra être important. Cela se traduit par une durée de fixation accrue74 . Il en résulte qu’une image est plus complexe lorsque la proximité spatiale et/ou perceptuelle diminue : c’est le « proximity compatibility principle » . En se basant sur ces constats (principe de proximité, agrégation et itération) et l’existence d’une interaction entre le décodage perceptuel du graphe et le jugement que le lecteur tente d’élaborer, RATWANI R. M. conclut : § « To facilitate visual integration, graphs should be designed such that clusters of information can be easily formulated. » § « To facilitate integration, graphs should be designed to reduce the amount of processing needed to reason with the visual clusters during visual integration »

L’eye-tracking, un outil d’estimation quantitative et qualitative de la carte

 Afin de qualifier et quantifier la complexité d’une carte, il est possible d’utiliser la technique de l’eye-tracking ou suivi des mouvements oculaires. Cette technique permet d’informer sur certaines variables de la stratégie du regard (nombre de fixations, durée de fixation, nombre de saccades, amplitude de saccade) et de définir les zones de force (construite de telle sorte qu’elle favorise la lecture et la compréhension de la carte) ou de faiblesse (élaborée de telle manière qu’elle rend plus compliquées la lecture et la compréhension) d’une carte. Ces deux variables peuvent également être analysées à deux niveaux différents (macro ou micro). 

Deux niveaux d’analyse possible

 Le niveau macro d’analyse s’attache à définir les caractéristiques globales des mouvements oculaires. Il permet d’avoir une première approche de la difficulté à lire et comprendre une image. A ce niveau, les caractéristiques généralement étudiées sont : § Le temps de fixation total.Le nombre de fixation .La durée des saccades Ce niveau d’étude permet d’analyser l’image dans son intégralité. Dans le cas où l’analyse porte sur un critère particulier, l’analyse doit être réalisée au niveau micro. Au niveau micro, les caractéristiques généralement étudiées sont80 : § La durée de la première fixation § La first pass gaze duration : la durée des fixations lors du premier regard dans une zone § La second pass gaze duration : la durée des fixations lors du deuxième regard dans une zone 

Des critères de variation des fixations et saccades de deux origines

 Après avoir détaillé les analyses généralement utilisées dans la technique de l’eyetracking, il semble nécessaire de définir comment évoluent les caractéristiques des saccades et fixations en fonction du lecteur. Dans les prochains paragraphes seront expliqués les principales relations qui existent entre l’objet regardé, le comportement oculaire du lecteur et le niveau de compétence et de connaissance de ce dernier.Dans leur étude, KURTLAND Laure & al. montrent l’existence d’une relation entre le niveau de connaissance et de compétence et la longueur moyenne des saccades et la durée moyenne de fixation durée de fixation longueur moyenne des saccades fréquence moyenne de fixation experts 189 ms 52 mm 189 novices 260 ms 65 mm 187 Figure 16: Comparaison des caractéristiques des mouvements oculaires entre experts et novices81 Les nocives ont des durées de fixations plus importantes, qui s’expliquent par un traitement de l’information (décodage, comparaison et mise en relation) plus lent (en raison de l’écart de connaissance) et des amplitudes de saccades plus importantes (stratégie de recherche plus confuse due à la différence de compétences). Les experts regardent plus vite et ont des saccades plus petites : ils ont construit au cours de leurs précédentes expériences professionnelles un modèle de recherche plus efficace82 . En plus de l’expérience du destinataire, les caractéristiques intrinsèques de la carte influent sur les mouvements oculaires. Il a été précisé précédemment que le processus de lecture et de compréhension résulte du nombre d’itérations pour agréger des objets proches. Ainsi, la durée de fixation augmente lorsque diminue la lisibilité qui est fonction 83 : § De l’encombrement du dessin (densité graphique) ; § Du rapport entre les deux dimensions du plan (lisibilité angulaire) : trois formes peuvent-être distinguées (point, croix, trait). L’utilisation d’une représentation stéréo-typique permet une reconnaissance plus aisée84 ; § De la mise en valeur de la variable de la troisième dimension (lisibilité rétinienne) : « la forme doit être séparée du fond ». Ce facteur de lisibilité a été étudié par Elisabeth CHESNEAU qui a montré l’importance du contraste de couleur .

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