La photosynthèse, lieu de production des hydrates de carbone et leur transport

La photosynthèse, lieu de production des hydrates de carbone et leur transport

L’arbre fixe le CO2 atmosphérique via la photosynthèse, un processus qui transforme l’énergie de la lumière solaire en énergie chimique pour produire des hydrates de carbone et autres métabolites organiques. Les hydrates de carbone issus de la photosynthèse peuvent être utilisés : i) Soit pour l’élaboration des structures notamment lors de périodes de croissance, on les appelle alors les hydrates de carbone structuraux qui formeront la lignine, la cellulose et les hémicelluloses (constituants des parois primaires et secondaires). Ce carbone fixé ne sera pas remobilisable pour une utilisation ultérieure car les arbres manquent d’enzymes spécialistes pour dégrader ces macromolécules (Hartmann et al., 2016) [nb: la possibilité de remobiliser l’hémicellulose lors d’épisodes de stress importants est sujet à débat aujourd’hui dans la communauté scientifique (Hoch et al., 2007)]; ii) Soit pour alimenter les besoins métaboliques de l’arbre: on les appelle les hydrates de carbone non structuraux (Non-Structural Carbohydrates ou NSC en anglais). Ils sont constitués de sucres simples ou monosaccharides (glucose, fructose, arabinose, xylose, ribose, galactose pour les plus importants), de disaccharides comme le saccharose, et d’amidon (polymère de glucose). Le saccharose représente généralement près de 75% de la fraction des sucres solubles, le glucose et le fructose environ 20% (Kramer et Kozlowski, 1979). Les sucres solubles sont impliqués dans de nombreuses fonctions métaboliques comme composés osmotiques jouant un rôle de protection contre la dessiccation cellulaire en cas de sécheresse par exemple mais aussi comme substrats pour la respiration ou la synthèse de nouvelles molécules. Ils peuvent jouer également un rôle comme composés de défense ou dans le transport des nutriments, de l’eau et du carbone ainsi que dans l’export et les échanges symbiotiques (Delaporte, 2015; Hartmann et al., 2016 ; Preece et al., 2018). De longues chaînes de 15 monosaccharide peuvent également former de l’amylopectine ou de l’amylose. Ces dernières sont les deux constituants de l’amidon. Contrairement aux sucres simples, l’amidon n’est pas soluble dans l’eau et est osmotiquement inactif permettant son stockage en grande quantité. L’amidon est le principal composé de réserve chez une grande partie des essences forestières notamment Quercus Petraea et Fagus Sylvatica L. (Sinnott, 1918). Cependant, chez certaines espèces ce sont des formes solubles qui sont majoritaires comme le saccharose chez Pinus Strobus L. (Jourdan, 1980), ou le stachyose chez Fraxinus (Webb et Burley, 1964). La journée, l’amidon va être stocké dans les feuilles et sa remobilisation, puis son exportation sous forme de saccharose, va permettre d’apporter les substrats carbonés nécessaires à la croissance et la respiration de nuit (Smith et Stitt, 2007). Les nouveaux produits issus de la photosynthèse (glucose, fructose, saccharose) peuvent être incorporés aux tissus foliaires en quelques minutes mais peuvent aussi pour la plupart être exportés hors des feuilles (sous forme de saccharose) et être utilisés pour différentes fonctions dans l’arbre moins d’un jour après leur assimilation (McLaughin et al., 1980). La distance entre la source de production des hydrates de carbone (la feuille) et son puits (zone d’utilisation) peut être très importante dans un arbre adulte. En effet, une partie des sucres produits par la photosynthèse peut être transportée jusqu’aux racines et relâchée dans la rhizosphère dans un processus appelé rhizodéposition (Lynch et Whipps, 1990 ; Delaporte, 2015). La dynamique du cycle carboné de la feuille (source et exportatrice de carbone) vers les compartiments importateurs (utilisateurs ou puits de carbone) peut varier en fonction de la phénologie (Hoch et al., 2003 ; Epron et al., 2012 ; Mei et al., 2015). Ainsi, les temps de résidence des hydrates de carbone peuvent varier de l’heure ou la journée dans les feuilles et les branches les plus jeunes jusqu’à plusieurs semaines voire années dans le tronc et les racines (Carbone et al., 2007 ; Högberg et al., 2008 ; Warren et al., 2012 ; Desalme et al., 2016). Néanmoins, des facteurs comme la taille de l’arbre, le diamètre de tronc, la viscosité du phloème, la pression de turgescence ainsi que la température peuvent faire varier ces durées (Ruehr et al., 2009 ; Dannoura et al., 2011)

La gestion de ces hydrates de carbone selon un rythme saisonnier

Chez les espèces à feuilles caduques en climat tempéré, les feuilles rentrent en sénescence à l’automne et finissent par tomber laissant l’arbre sans source de carbone d’origine photosynthétique ; l’arbre entre alors en repos hivernal ou dormance. La dormance est un processus du cycle végétatif de l’arbre qui lui permet d’éviter des conditions environnementales défavorables, en l’occurrence l’évitement des températures froides de l’hiver, la baisse de la quantité de lumière disponible par jour et la diminution de la disponibilité en nutriments (Chapin et al., 1990). Néanmoins, diverses fonctions métaboliques sont encore actives durant cette période, comme la respiration de maintenance. L’arbre devra alors mobiliser et gérer ses ressources internes en carbone afin d’alimenter ses puits de carbone et survivre pendant la période hivernale, mais également pour pouvoir sortir de sa dormance et former un nouveau compartiment foliaire au printemps. Ces feuilles nouvellement formées deviendront alors la principale source de carbone à la saison de végétation suivante. Ce système de gestion des ressources qui permet à l’arbre de survivre durant plusieurs décennies, dont près de la moitié sans feuille, est appelée la fonction de mise en réserve. Plusieurs définitions de la mise en réserve existent chez les espèces forestières dans la littérature. Ainsi, trois types sont différenciés (Chapin et al., 1990) : (1) une accumulation, un excès d’apport par rapport aux besoins de l’arbre pour sa croissance, son entretien et sa reproduction, (2) une mise en réserve, qui est régulée et entre en compétition avec d’autres puits de carbone comme la croissance ou la défense (3) le recyclage qui correspond à la réutilisation de composés ayant déjà servis et pouvant être utilisés ultérieurement. Ces trois types de stockage confrontent donc 2 visions antagonistes des processus de stockage avec i) une vision simple de stockage d’un surplus de carbone et donc agissant de manière passive (accumulation) et ii) une vision d’un processus plus complexe, régulé et entrant en compétition avec d’autres puits de carbone (mise en réserve). En effet, Dietze et al. (2014) ont défini le caractère actif de la mise en réserve par la sur-régulation de celle-ci aux dépens de la 17 croissance même sous conditions non contraignantes. La classification de stockage du carbone comme un phénomène actif et/ou passif est sujet à de nombreux débats dans la littérature scientifique (Sala et al., 2012 ; Wiley et Helliker, 2012). Ainsi, la quantité de NSC présente dans l’arbre fluctue au cours de la saison de végétation. Chez le hêtre, le débourrement et l’expansion foliaire sont connus pour être les puits de carbone les plus forts en début de saison de végétation (Barbaroux et Bréda, 2002) menant à une diminution des quantités de NSC disponibles. Par la suite, la dépendance des feuilles jeunes vis-à-vis du stock de carbone remobilisé diminue avec la mise en place d’un appareil photosynthétique efficient, puis les feuilles matures deviennent autotrophes et source de carbone pour les compartiments puits de l’arbre (Hoch et al., 2003 ; Keel et Schadel, 2010). Pour être transporté des organes sources vers les organes puits, le saccharose est transporté principalement par les tissus conducteurs du phloème (Hollta et al., 2009). Mais d’autres puits de carbone coexistent dans l’arbre. Si les puits de carbone sont forts au début de la saison de végétation (croissance primaire, déploiement des feuilles, croissance secondaire …), ceux-ci diminuent par la suite (arrêt de croissance secondaire durant l’été). Par conséquent, après avoir atteint un minimum après le débourrement, la quantité de composés de réserve augmente progressivement dans l’arbre pour atteindre un maximum durant l’automne à la fin de la période de sénescence (Nelson et Dickson, 1981 ; Dickson, 1989 ; Barbaroux et Bréda, 2002 ; El Zein, 2011 ; Bazot et al., 2013). Lors de la sénescence et bien qu’une feuille de hêtre soit composée majoritairement de carbone (environ 45%), celui-ci est immobilisé dans les structures et reste donc dans la feuille (Sade et al., 2017). A la fin du processus de sénescence foliaire en automne les feuilles mortes iront former la litière de l’année qui sera alors décomposée par la biomasse microbienne du sol et enrichira à terme le sol en carbone. Chez les ligneux décidus, le stockage des composés de réserve se fait dans les organes pérennes que sont les branches, le tronc et les racines (Barbaroux et al., 2003 ; Bazot et al., 2016) principalement sous forme d’amidon. Néanmoins, lors des températures basses de l’hiver, en plus de leur fonction comme seule source de substrats carbonés disponibles pour assurer l’entretien des tissus (Chapin et al., 1990), la tolérance au froid des cellules dans les parois nécessite des sucres solubles (Ögren, 2000) qui auront comme conséquence l’abaissement du point de congélation des tissus (Penning de Vries, 1975 ; Sakai et Larcher, 1987 ; Wanner et Junttila, 1999 ; Uemura et al., 2003). Les sucres solubles sont aussi impliqués dans la résorption des embolies hivernales. En effet, par l’hydrolyse de l’amidon contenu dans les parenchymes en sucres solubles, ceux-ci permettent de générer une 18 pression dans les conduits du xylème qui remplit d’eau les vaisseaux embolisés (Ewers et al., 2001). Les sucres solubles sont donc très importants dans le maintien d’un taux de vaisseaux fonctionnels durant la période hivernale (Améglio et Cruiziat, 1992 ; Améglio et al., 2001, 2002, 2004). Aussi, la quantité de NSC présent dans l’arbre fluctue au cours des saisons, notamment chez les arbres à feuilles caduques en fonction de l’évolution des relations source-puits entre compartiments de l’arbre (Figure II.3 ; Barbaroux et al., 2003 ; Hoch et al., 2003 ; Spann et al., 2008 ; Schadel et al., 2009 ; Millard et Grelet, 2010 ; El Zein et al., 2011a ; Bazot et al., 2013).

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