La politisation de la fonction de ministre des Affaires étrangères à l’épreuve des pratiques diplomatiques constitutionnelles et internationales du XIXème siècle

La politisation de la fonction de ministre des Affaires étrangères à l’épreuve des pratiques diplomatiques constitutionnelles et internationales du XIXème siècle

Appelé au trône le 6 avril 1814, après que le tsar Alexandre Ier ait contraint l’Empereur Napoléon à abdiquer, Louis-Stanislas-Xavier de BOURBON écarte sans peine la constitution sommaire que le Sénat vient d’adopter à la hâte pour lui substituer la charte « octroyée » par laquelle il organise en droit sa prééminence sur la scène politique intérieure comme extérieure. Lorsque le 3 mai, le « roi des Français » rentre à Paris, il se sait, en effet, en position de force. Soutenu par la majorité de la droite parlementaire – qui est alors noyautée par les ultras – il trouve aux « Affaires étrangères » des alliés fidèles en la personne de TALLEYRAND et de ses « créatures ». 594. De la base au sommet, le Département est plus que jamais désireux de rompre avec la politique dirigiste et belligérante de Napoléon. Ainsi, le vide diplomatique que les guerres impériales ont suscité au sein des services extérieurs sert idéalement de prétexte au retour des hommes de la Carrière au sein du ministère. Les retombées politiques de cette initiative sont doublement appréciables pour le roi : non content de remettre l’instrumentalisation de sa politique extérieure entre les mains de partisans royalistes, il se concilie les bonnes grâces des cours européennes qui n’apprécient guère l’orientation parlementaire de la France  partie, grâce à une pratique parlementaire timorée jusqu’en 1830 et à l’unité exécutive que le souverain aura su maintenir autour de sa personne – il en ira différemment de Louis-Philippe. Les souverains étrangers lui pardonneront difficilement d’avoir étendu constitutionnellement la liberté d’action des Chambres, en droit et en fait [En ce sens lire le témoignage du dernier ministre des Affaires étrangères de Louis-Philippe, livré par François GUIZOT dans ses Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, Tome IV, Éd. Michel Lévy Frères, 1861, pp. 19-20 ; pp. 26-27]. Ainsi, en est-il du Tsar Nicolas Ier qui, pour marquer le mépris que lui inspire le duc d’Orléans, refusera de le désigner par le « Monsieur mon frère » traditionnel entre souverains de l’époque. En 1841, le tsar finit par rappeler son chef de mission en poste à Paris. Par réciprocité, la France rappelle son ambassadeur en poste à Saint-Pétersbourg. Il faudra attendre la fin du règne de Nicolas Ier pour que les deux puissances rétablissent des relations diplomatiques [In BAILLOU (J.), Les Affaires étrangères et le Corps diplomatique français, Tome I, Op. cit., p. 574]. Dans une mesure moindre, les HABSBOURG et leur célèbre ambassadeur le Prince METTERNICH s’opposent à l’union de Louis-Philippe avec une archiduchesse viennoise (Ibid.). Si le moins hostile des souverains européens de l’époque, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III soutiendra, en 1809, le mariage du prince royal français avec une princesse alliée de sa famille, il en ira autrement de son fils Frédéric-Guillaume IV, à la succession de son père (Ibid.).

La haine qu’il voue à Louis- Philippe est partagée par le souverain britannique Guillaume IV, qui n’hésite pas à traiter le roi des Français d’« infamous scoundrel » [ZIEGLER (Ph.), King William IV, Collins, London, 1971, p. 161]. Imperturbable, le duc d’Orléans considère avec un certain humour ces marques d’hostilités : « Il y a deux choses que les rois de yeux du peuple, mais aussi de ses propres ministres1449, pour canaliser – à défaut de contrer – les velléités des Chambres de participer plus étroitement à l’action diplomatique. Les dirigeants successifs vont, ainsi, s’appuyer sur la prééminence institutionnelle que leur reconnaissent les textes et l’opinion publique pour reconduire et consolider, sous les régimes parlementaires, le monopole du Pouvoir exécutif dans la conduite de la politique étrangère. Concrétisée, en droit, par la détention exclusive du pouvoir de représentation étatique, la primauté du chef de l’État est loin, toutefois, d’avoir une portée absolue au regard des pratiques diplomatiques interne et internationale. 595. Comme il a été apprécié sous l’Ancien Régime et les régimes bonapartistes, la présence d’un pouvoir fort aux commandes de l’État favorise généralement une diplomatie personnelle. Mais, si il est vrai que la politique extérieure des premiers régimes parlementaires s’inspire beaucoup des schémas centralisateurs et hiérarchisés mis en place à partir du règne louis-quatorzien (Paragraphe 1), elle s’en démarque, également, en tant que la parlementarisation du régime aménagerait une marge d’autonomie au profit du ministre des Affaires étrangères, fût-elle encore résiduelle et informelle. Toutefois, en raison de sa primitivité et des incertitudes constitutionnelles qui accompagnent sa retranscription entre 1814 et 1875, la tradition démocratique sous-tendue par la problématique de la responsabilité du ministre devant les Chambres ne suffit pas à elle seule à contrebalancer la définition restrictive de son rôle diplomatique.

 

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