LA PREUVE DU DÉTOURNEMENT DE POUVOIR

LA PREUVE DU DÉTOURNEMENT DE POUVOIR

Moyens de preuve et d’invesligation

 Dans les développements qui vont suivre nous pouvons négliger la question des moyens de preuve admis par la jurisprudence judiciaire, puisque, comme nous .l’avoI1S établi, celle-ci est, en principe, demeurée étrangere au mouvement qui a mis en valeur les idées de moralité ~dministrative et de bonne administration. Du reste, même si la Cour de cassation s’ était raIliée à ces idées, le juge de police, étant donnée sa timidité traditionnelle à l’égard de l’administration, n’aurait jamais osé pousser ses investigations aussi loin que le Consei! d’Etat, et cela d’autant pIus qu’il existe chez Iui une tendance à décliner, dans certains cas ou la preuve du vice de l’acte invoqué incidemment dans une poursuite pénale lui parai! se compliquer de trop de difficultés, le contrôle de la légalité proprement dite. La question de la preuve en maW~re de contrôle contentieux de la moralité administrative, preuve qui, conformément au droit commun, incombe au requérant (I), quoique facilitée par’le caractere inquisitorial de la procédure du contentieux administratif, présente une importance toute particuliere: En effet, c’est de I’étendue plus ou moins grande des moyens de preuve et des facultés d’investigation dont dispose le juge que dépend, en derniere analyse, l’efficaci té pratique de l’ action disci plinaire exercée par le Conseil d’Etat. Dans les lignes qui vont suivre nous insisterons Burtout sur les points retenus par le Conseil d’Etat pour la découverte du détournement de pouvoir, puisque c’est au-sujet de ce dernier que se posent les questions les plus intéressantes. Nous remarquons, d’autre part, que nous avons déjà eu l’occasion d’indiquer incidemment I’intérêt qui s’attache à toutes ces questions dans notre partie générale ainsi qu’au cours de l’examen des solutions jurisprudentielIes. L’exposé que nous avons fait de ces dernieres ne tendait pas tant à préciser les buts spéciaux imposés à l’ administration dans lexercice de ses pouvoirs qu’à faire res.sortir les directives suivies par le juge en vue de l’établissement du détournement de pouvoir. Nous pouvons donc nous borner, dans le présent paragraphe, à quelques explications complémentaires, en rappelant du reste que.les observations que nous alIons formuler ne peuvent avoir qu’une valeur tres relative, puisque le juge de l’exces de pouvoir suit toujours ses inspirations du moment, sans s’attacher à une méthode nettement définie

il faut relever, en premier lieu, que le conlrôle juridictionnel de la moralité est limité, d’une façon sen- (l) Cf. 110t. Cons. d’Et. H fi~vril’r 1!l2:í1llJ{‘rlini QrESTIOl\ »S DE PlmrVE 415 sible, par la restriction des moyens d’investigation mis à la disposition du juge. En effet, le Conseil d’Etat, qui évite, comme nous le savons, de scruter « les reins et le camr » des agents administratifs, ne se reconnait pas le droit de procéder par lui-même à des enquêtes ou de citeI’ les administrateurs à 5a barre. « Le détournement de pouvoir, dit Laferriere Copo cit., « t. II, p. 1149), étant… canlctérisé par l’incorrection du \« but … plutôt que par des prescriptions ouvertement ilTé- (I gales, il en résuIte que la tâche du Conseil d’Elat, dans « l’appréciation de ce grief, est particulierenlent délicate. « .Tuge administratif, il ne peut pas mandeI’ à sa barre les « agents de l’administration active pour leur demandeI’ « compte des motifs de leurs décisions, il ne peut pas non « plus organiser d’enquêtes en dehors d’eux, pour scruter « leurs arriere-pensées et vérifier les mobiles de leurs actes. « De telles investigations, permises au supérieur hiérarchi- « que, sont interdites au juge administratif qu’elles feraient (r indument pénétrer dans l’administration active (I). » C’est ainsi que la mise en amvre de la procédure permettant de vérifier la régularité du but ou des motifs d’un acte administratif dépend, tout comme l’exécution de la décision de justice, en grande partie du bon vouloir de l’administration elle-même; celle-ci ne pourrait, cependant, sans porter aHeinte à son autorité morale, se soustraire à l’obligation d’assister le juge lorsqu’elle en est l’égulierement requise. Tres souvent, le détournement de pouvoir et l’erreur de fait ne résultent que de l’aveu ou du quasi-aveu de l’administration (2). 

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