La problématique du Miocène moyen 

La problématique du Miocène moyen 

Le Miocène moyen est composé de schistes riches en éléments détritiques et ce dès la base de la série, constituée de bancs calcareux lenticulaires. Cette formation semble relativement concordante sur les faciès sous-jacents, ainsi que l’a décrit KERCHAOUI (1994), et la déformation y est très similaire. KERCHAOUI attribue la linéation d’étirement pénétrative NS, qui lui est par contre exclusive, au chevauchement du Domaine Nord sur le Domaine Sud. Cette composante non-coaxiale présente régulièrement des mouvements vers le Sud qui pourraient être le reflet de détachements gravitaires formés localement lors de la mise en place de cette formation. Le sommet du Miocène moyen comporte en outre d’importantes klippes sédimentaires que KERCHAOUI (1994) décrit comme des « olistolithes à foliation ancienne et cipolins dérivant d’un domaine métamorphique anté Miocène moyen ». Les olistolithes ont donc enregistré une déformation antérieure à leur âge de dépôt. D’après les directions de transport sédimentaire, KERCHAOUI situe le domaine source au Nord du Rif oriental, et donc probablement au niveau des nappes rifaines. Or, il n’est pas nécessaire d’invoquer une source si lointaine puisque certains éléments de cet olistostrome semblent provenir directement de l’érosion du Domaine Nord : schistes, faciès magmatiques grenus altérés et surtout carbonates. Ces derniers présentent en effet des figures de slumps et des indices de minéralisations qui rappellent particulièrement les faciès rencontrés entre Axara et Setolazar, dans le secteur nord-oriental. L’existence d’olistolithes minéralisés constitue par ailleurs une contrainte chronologique majeure à l’échelle du massif dans son ensemble, puisqu’ils suggèrent que la minéralisation à magnétite dans le Domaine Nord était déjà mise en place et exposée à l’époque du dépôt de l’olistostrome sommital du Miocène moyen. Cette formation n’est pas formellement datée, malgré plusieurs tentatives de biostratigraphie sur nannoplanctons dont tous les échantillons se sont révélés stériles (KERCHAOUI, commentaire écrit). Sachant que la formation de l’oued Ameddah a été datée au Messinien ante-CSM, et que celle-ci est en discordance progressive sur le Miocène moyen, on peut estimer que l’olistostrome sommital s’est déposé entre l’âge de la minéralisation (ca 7,8 Ma ; § 9.1.3.b) et le début du Messinien. On peut donc raisonnablement proposer l’hypothèse que le Miocène moyen, et tout particulièrement son olistostrome sommital, constitue une molasse d’avant-pays dont les blocs proviennent de l’érosion du Domaine Nord. 

La limite Domaine Nord-Domaine Sud 

Nous l’avons vu dans la Partie IV, le contact anormal chevauchant est de faible envergure. Il montre en outre un différentiel d’Ouest en Est, où il disparaît complètement pour laisser la place à une discordance cartographique. Les données structurales et la cartographie donnent une forme de dôme anticlinal au Domaine Nord, ce qui a déjà été notifié par Chapitre 12 – Synthèse, interprétations et construction du modèle . L’oued Ibekouiene constituerait ainsi une terminaison péri-synclinale (Figure 12.2) ; le Miocène moyen étant légèrement discordant sur les terrains crétacés du Domaine Nord, on peut estimer que l’essentiel du plissement des Beni Bou Ifrour se fait pendant le dépôt du Miocène moyen. Une pré-structuration en ride allongée en EW est envisageable ; celle-ci se serait produite lors de la mise en place des nappes rifaines à l’échelle régionale et pourrait être à l’origine du léger métamorphisme subi par les unités. La forme actuelle du dôme anticlinal du Domaine Nord est perturbée par de nombreuses failles normales subméridiennes. Le chevauchement dans la partie occidentale et le rejeu tardif sénestre de ces failles peuvent expliquer sa subdivision en deux secteurs. 

Activité des failles normales subméridiennes 

Il est communément admis dans la littérature que la mise en place des intrusions magmatiques au sein du Domaine Nord est liée à une phase d’extension qui produit des failles normales de direction générale NS à NE-SW Or, nous l’avons vu au niveau des gisements, les intrusions ne sont pas syn-tectoniques puisqu’elles sont en effet recoupées par ces mêmes failles et ne présentent en outre aucune foliation magmatique. De même, au sein des gisements, les évidences montrent que la minéralisation à magnétite (ca 7,8 Ma) est affectée par les failles normales sans jamais être guidées par celles-ci : réorientation des septa, du stockwerk, carapace à magnétite utilisée comme zone de faiblesse… Si elles sont particulièrement bien exprimées au niveau des gisements et dans l’ensemble du Domaine Nord, ces failles normales se retrouvent dans tout le massif. Elles affectent notamment la formation marine de l’oued Ameddah, que nous avons datée au Messinien ante-CSM (§ 11.3). MOREL (1987) y a relevé des critères marquant à la fois un jeu syn-sédimentaire et post-lithification. Par ailleurs, l’olistostrome sommital du Miocène moyen reflète une période d’érosion liée au soulèvement du massif des Beni Bou Ifrour, lui-même semblant dû à un plissement de type avant-pays (et donc en contexte compressif). Ainsi, l’activité des failles normales subméridiennes se produit en grande partie après le dépôt des olistolithes, soit après 7,8 Ma. Rappelons que dès 8 Ma environ, le contexte géodynamique régional est de nouveau contrôlé par une compression NS ; ces failles normales accommodent donc l’exhumation du massif des Beni Bou Ifrour. Un basculement affecte l’ensemble de la série stratigraphique (dont l’oued Ameddah) avant les dépôts transgressifs discordants du m6 (donné Tortonien supérieur pro parte à Messinien). Ce basculement est également visible dans le Domaine Nord où au niveau de Axara, la stratigraphie est fortement redressée et les failles normales plus plates que leurs équivalentes à Ouiksane et Setolazar. Nous avons attribué cette variation de pendage à la conjugaison du jeu de l’accident de l’oued Ouiksane et à un basculement postérieur (cf. § 10.1.1). Il existe donc une phase compressive postérieure à la période d’activité de ces failles normales, qui rejouent au sein des gisements avec une composante décrochante sénestre. 

Modèle tectono-sédimentaire pour les Beni Bou Ifrour

 Les arguments exposés ci-dessus nous permettent de proposer le modèle suivant pour l’évolution tectono-sédimentaire et magmatique du massif des Beni Bou Ifrour (Figure 12.3) : (1) La mise en place des nappes rifaines à l’échelle régionale est probablement la cause du faible métamorphisme enregistré dans le massif. Dans le Rif oriental, elle se fait au Tortonien. Il est possible que cette phase ait généré au niveau des Beni Bou Ifrour les prémisses de rides anticlinales orientées en EW. (2) Les bassins sédimentaires post-nappes du Rif oriental s’individualisent également au Tortonien. Le socle régional est alors pré-structuré en horsts (les massifs) et en grabens (les bassins). Quelques failles normales méridiennes que l’on trouve aujourd’hui dans les Beni Bou Ifrour pourraient avoir été créées à cette époque ; s’il n’y a pas d’évidences de failles tortoniennes dans les Beni Bou Ifrour, on ne peut exclure que de telles failles aient rejoué lors des phases ultérieures. (3) A ca 8 Ma, la compression NS est de nouveau enregistrée dans l’orogène béticorifain. Le raccourcissement s’exprime sous la forme d’un plissement d’axe EW au niveau des Beni Bou Ifrour. Ce plissement est synchrone du dépôt des sédiments du Miocène moyen (Figure 12.3 A). En effet, cette formation est impliquée dans une terminaison péri-synclinale au niveau du site de l’oued Ibekouiene, où la discordance angulaire sur les flancs mésozoïques du Domaine Nord reste limitée. Par ailleurs, la présence d’éléments détritiques dès la base de la série du Miocène moyen implique que l’érosion du massif est déjà active à cette période.  

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