La réforme globale et en profondeur des institutions d’agglomération au Québec 1996-2002

Origines du système municipal québécois

L’histoire des municipalités québécoises débute avec le régime français (1608- 1760) qui a laissé des héritages fondamentaux pour la survie d’institutions propres au Québec. Elle se poursuit avec le régime anglais de 1760 à 1867. Ce régime introduira la base du régime municipal québécois qui subira par la suite des transformations importantes avec l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 qui confèrera alors aux provinces tous les droits en matière de législation municipale. Selon l’auteur Alain Baccigalupo, «deux grands noms sont retenus par les historiens du système municipal québécois». (Baccigalupo. 1984 :119) Il s’agit de Lord John Lambton Durham du coté anglais et de Louis-Hippolyte Lafontaine du coté français. L’instauration du régime municipal québécois serait d’abord le produit du rapport Durham. Afin de connaître les causes du mouvement insurrectionnel de 1837-1838 causant la Révolte des patriotes qui se termina dans un bain de sang, la Chambre de Londres nomme Lord John Lambton Durham comme gouverneur du Canada. Ce dernier a comme mission de faire un diagnostic de la colonie et de produire un rapport. Celui-ci, qui fut déposé le 16 février 1839 a« mis en évidence très clairement les conséquences de la quasi-inexistance d’institutions municipales dans ce pays ». (Baccigalupo. 1984 : 119)

Les conclusions de.Durham conduisirent en 1840 à l’adoption des deux premières législations municipales québécoises : « 1) Ordonnance pour régler et pourvoir à 1 ‘élection et à la nomination de certains officiers, dans les différentes paroisses et townships de cette province, et pour faire d’autres dispositions concernant les intérêts locaux des habitants de ces divisions de la province (4 Victoria, chap. 3) et 2) Ordonnance qui pourvoit au meilleur gouvernement de cette province, en établissant des autorités locales en icelle (4 Victoria, chap. 4). » (Gravel. 1999 : 5) Cependant, selon Gravel et Baccigalupo, ce serait plutôt à Louis-Hippolyte Lafontaine, alors député du Bas-Canada, que l’on doit l’instauration d’une double organisation municipale, soit les municipalités locales et les municipalités de comtés. En effet, 1 ‘Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada qui entre en vigueur le 1er juillet 1855 est la base du régime municipal québécois actuel. Par cette loi, le gouvernement établit un régime dont les assises se superposent aux paroisses religieuses, aux cantons et aux comtés électoraux. Le principal avantage de ce découpage pour les municipalités locales est qu’elles se retrouvent maintenant dans leur circonscription naturelle. Ce nouveau système répond mieux au sentiment d’appartenance des collectivités locales qui se situent en grande partie en milieu rural.

Il faudra attendre plusieurs années avant d’avoir de nouveaux changements significatifs au système municipal québécois. En effet, ce n’est qu’en 1870 que l’Assemblé nationale adopte son premier code municipal et en 1876 que le gouvernement adopte l’Acte des clauses générales des cités et villes. Cette nouvelle législation de 1876 était la première qui donnait aux villes des pouvoirs élargis. Selon Robert Gravel, il est important de retenir qu’entre la fin du XIXe siècle et le début du xxe siècle, il y eut «multiplication des corporations municipales». (Gravel. 1999 : 5) Pour ce qui est de la structure et de l’organisation municipales, il faudra attendre quelques années pour voir des changements significatifs y être apportés. C’est à la fin des années 1960 ainsi qu’entre 1970 et 1980 que la province connaît de nouvelles réformes dans le monde municipal principalement en raison de la création, en 1969, de trois communautés urbaines, soit la Communauté urbaine de Montréal (CUM), la Communauté urbaine de Québec (CUQ) la Communauté urbaine de l’Outaouais (CUO). Le gouvernement attribuera aux trois communautés urbaines des droits et des compétences exclusives pour qu’elles assurent leur développement en tant que pôles de croissance. Enfin, en 1979 le gouvernement du Québec adopte trois lois importantes qm modifient le système municipal québécois. Ces lois consacrent alors l’importance du développement au niveau régional. Il s’agit de la Loi sur la fiscalité municipale (L.R.Q., F.2.1), la Loi sur la démocratie municipale (L.R.Q., C.E.2.1) et la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (L.R.Q., A19.1). Cette dernière loi consacre l’avènement des MRC au Québec. Nous nous y attarderons plus en profondeur dans la prochaine section de ce chapitre.

L’avènement des MRC au Québec 1979

À l’aube de la Révolution tranquille, la réalité des conseils de comtés n’est plus la même. Les 1 450 municipalités en milieu rural regroupées dans 74 comtés ne représentent plus que 25% de la population de la province en 1961. Plus de 100 ans après leur création, deux possibilités s’offrent à l’État en ce qui concerne leur existence : abolition ou modification. En 1979, la société québécoise voit apparaître une nouvelle structure : les MRC (Municipalité régionale de comté). La loi 125, Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, regroupe les localités rurales et urbaines dans des institutions supramunicipales en excluant la Communauté urbaine de Montréal, la Communauté urbaine de Québec et la Communauté régionale de l’Outaouais ainsi que la région de la Baie-James. Les MRC sont composées des élus locaux des conseils municipaux de leurs territoires, mais n’ont ni pouvoir de taxation ni élection au suffrage universel de leur préfet. Bien que la structure connut des débuts fort difficiles en raison de la question de représentativité (un maire : un vote?) et de divergences quant à la vision du développement du territoire et de son avenir (territoire vaste tel Fjord du Saguenay), il semble qu’à partir du milieu des années 1980, la majorité des intervenants sont d’accord sur la nécessité des MRC au Québec. Le premier rôle des MRC concerne l’aménagement du territoire. De 1979 à 1987, les MRC travaillèrent sur leur schéma d’aménagement respectif. Cependant, bien que la majorité des schémas d’aménagement seront terminés, très peu vont être acceptés. Les plus grandes réticences viendront de certains ministères provinciaux dont les schémas concernent les terres publiques, les berges, le bois et les zones vertes ainsi que l’agriculture. Deux ans plus tard (1989), toutes les MRC disposent de leur schéma d’aménagement bien que certaines éprouvent des difficultés à les mettre en vigueur. Depuis l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, la Loi sur les cités et villes et le Code municipal du Québec (Loi 88) en janvier 1988, les champs d’intervention privilégiés et à développer par les MRC sont le développement économique, l’environnement, la culture, le loisir, l’habitation et 1′ agriculture.

Autres législations affectant le monde municipal

À la suite de l’avènement des MRC, notons les différentes lois et réformes qui ont affecté le monde municipal mais aussi les régions du Québec. La première réforme d’importance fut celle proposée par le ministre des Affaires municipales, Claude Ryan, en décembre 1990. La réforme «consistait à «refiler» une facture de 518 millions de dollars aux municipalités locales par le retrait pur et simple de la contribution gouvernementale au financement des services de la voirie, de la sécurité publique (police) et du transport en commun». (Vachon. 1993 : 35) Cette réforme s’est concrétisée avec l’adoption en juin 1991 du projet de loi 145. Par la suite, c’est en 1996 que le ministre Rémy Trudel met sur la table la «carte des fusions» pour ensuite effectuer un nouveau transfert de 375 millions de dollars de nouvelles responsabilités aux municipalités fin 1997-début 1998. C’est aussi en 1996 que le ministère de la Métropole voit le jour (loi 1) et c’est en 1997 que le gouvernement effectue la création du ministère des Régions (loi 171) qui met en place également les réseaux des Centres locaux de développement (CLD) et les Centres locaux d’emploi (CLE). À la suite aux éléments présentés ci-dessus, nous analyserons dans la prochaine section comment les différents gouvernements ont procédé avec leurs différentes politiques de regroupement des municipalités au Québec.

Les politiques publiques de regroupements municipaux 1965-1996 Selon l’auteur Alain Gaccigalupo, les mesures de regroupements au Québec ne datent pas d’hier. Certaines mesures de regroupements se retrouvent même dans l’Acte des municipalités et chemins du Bas-Canada de 1860. Ces mesures concernaient des possibilités d’annexions de township ou de paroisses mais ils n’ont pas été suffisantes pour freiner l’exode des populations du monde rural. Exode qui s’est traduit par la création et une multiplication de nouvelles municipalités à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du xxe siècle. Cette multiplication d’entités municipales associée à l’exode rural entraîna une situation structurelle difficile pour la province. Ainsi, d’un côté on retrouve de nombreuses municipalités rurales exsangues, et de 1′ autre, des municipalités urbaines peu nombreuses mais avec un haut taux de peuplement qui finissent par devenir des agglomérations. Peu importe le cas, des mesures de regroupements s’imposent. Mais comment procéder pour l’État? Question importante car l’État est bien conscient de l’esprit de clocher qui animent les élus locaux. Face à cette constatation, l’État doit-il laisser la liberté aux élus locaux de décider volontairement ou utiliser des mesures coercitives? L’État opte d’abord pour le volontariat. Ainsi, le gouvernement du Québec vote sa première loi-cadre qui a pour objectif avoué de réduire le nombre de municipalités (1 674 en 1961), soit La loi des fusions volontaires des municipalités de 1965. Cette loi permettait aux municipalités limitrophes, peu importe les lois qui les régissaient, de s’unir pour former une seule et unique municipalité. Notons comme exemple les villes de Baie-Comeau et Hauterive qui ont connu un regroupement des deux entités dès février 1970. Le succès de cette première initiative gouvernementale n’a cependant pas été au rendez-vous. En effet, après six ans d’application, soit de 1965 à 1971, «à peine une centaine de municipalités sur un total de 1 658 ont utilisé cette loi» (Petrelli. 1999 :6).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER HISTORIQUE DES MUNICIPALITÉS ET DES DIFFÉRENTES POLITIQUES DE REGROUPEMENT MUNICIPAL AU QUÉBEC
1.1 -Origines du système municipal québécois
1.2 – L’avènement des MRC au Québec 1979
1.3- Autres législations affectant le monde municipal
1.4- Les politiques publiques de regroupements municipaux 1965-1996
1.5- La réforme globale et en profondeur des institutions d’agglomération au Québec 1996-2002
CHAPITRE2 EFFETS APPRÉHENDÉS DES FUSIONS MUNICIPALES À L’ENDROIT DE LA GOUVERNANCE LOCALE ET RÉGIONALE
1 -La gestion municipale québécoise
1.1 – Un portrait général des municipalités québécoises
1.2 – L’autonomie des institutions administratives municipales
1.3 -La culture administrative dans les organisations municipales en 1999
1.4- Les différents niveaux de problématiques administratifs issus de l’organisation politique municipale
2-Les services de proximité
2.1 -Attractivité du territoire, services publics et développement
3 – L a re’ orgam.s at1. 0n mum.c 1. pa1 e au Q ue’b e c ..une ne’ cessi.t e’?
3.1 -Une réforme en profondeur des institutions municipales qui visent d’abord les grandes agglomérations du Québec
3.2- Pourquoi faut-il regrouper les municipalités?
CHAPITRE CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
3.1 -La gestion municipale québécoise
3.2- La constitution de pôles régionaux de développement au Québec
3.3- Les services de proximité
3.4 – Le développement régional
3.5- La réduction du fardeau fiscal
3.6- Problématique de la recherche
3.7 – La question de recherche
3.8- Objectifs de la recherche
3.9- Méthodologie
3.10- Colette de données
3.11 -Profil des participants
3.12 – Étude de la Chaire Desjardins de 2000
3.13- Traitement et analyse des données
3.14 – Limite de la recherche
CHAPITRE ANALYSE DES RÉSULTATS SUR LES EFFETS DES REGROUPEMENTS MUNICIPAUX DE 2000 SUR DE PETITES COLLECTIVITÉS RURALES ET RURALES URBAINES
Introduction
4.1- La gestion municipale québécoise
4.2 – La constitution de pôles régionaux de développement au Québec
4.3- Les services de proximité
4.4 – Le développement régional
4.5 – La réduction du fardeau fiscal
CONCLUSION RETOUR SUR LA RECHERCHE ET NOUVEAUX QUESTIONNEMENTS
Partie un: Retour sur la recherche
Partie deux : Nouvelles questions de recherche
BIBLIOGRAPHIE
APPENDICES
Appendice 1- Questionnaire à la base des entrevues

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