La RMN dans l’exploration pétrolière

La RMN dans l’exploration pétrolière

L’usage du pétrole remonte à l’Antiquité, mais l’approvisionnement était limité aux affleurements naturels de pétrole, et au pétrole trouvé en creusant des puits pour trouver de l’eau potable ou de la saumure. Les civilisations mésopotamiennes s’en servaient comme produit pharmaceutique, cosmétique, comme combustible pour les lampes à huile et dès 6000 av. J.-C. pour le calfatage des bateaux. Les Égyptiens employaient de l’asphalte pour la momification. Diodore et Strabon écrivent que du bitume était utilisé dans la construction des jardins suspendus de Babylone (TRACY, 1989); le cylindre de Cyrus en atteste également. Hérodote signale une source de bitume à Ardericca (GIGUET, 1864), près de Suse (PLA, 2008) ; on en trouvait à Zacynthe (îles Ioniennes, Grèce), et à proximité de l’Issus, l’un des affluents de l’Euphrate. Dans de nombreuses langues d’Asie et du Moyen-Orient, on retrouve la racine naft ou neft (naphte), qui, donnée comme nom à un village, indique fréquemment la présence d’hydrocarbures à proximité. En Asie, certaines sources indiquent que des puits étaient forés en Chine dès le IVe siècle avec des tiges en bambou (TOTTEN, 2004) ; au VIIe siècle, le pétrole était connu comme l’« eau qui brûle » au Japon. Shen Kuo au XIe siècle utilise le premier le terme 石油 (Shíyóu, littéralement « huile de roche ») dans son encyclopédie Mengxi Bitan pour désigner le pétrole, dont il pensait qu’il y avait un afflux continuel venant des profondeurs de la terre, au contraire du charbon de bois dont l’abus entraînait la déforestation déjà à son époque. Au IXe siècle, Al-Razi décrit la distillation du pétrole au moyen d’un alambic, produisant du pétrole lampant ; ce dernier a été utilisé par les Byzantins, puis les Vénitiens, et on peut supposer que le « feu grégeois », qui incendiait les navires ennemis, en contenait. Les Amérindiens utilisaient du pétrole pour calfater les embarcations et pour ses supposées vertus médicinales. En 1440, un document atteste la propriété d’une « fontaine de poix noire » dans le village de Lucăceşti, considéré comme le berceau de l’industrie pétrolière en Roumanie (IACU et MUNTELE, 2007). A. Le gisement de pétrole : Une opinion généralement répandue est de considérer les gisements d’hydrocarbures comme des lacs dans des grottes souterraines, qu’il suffit d’atteindre par un forage pour que le pétrole jaillisse sous l’effet de la pression exercée par le gaz présent dans la grotte (J. Verne, voyage au centre de la terre ; Morris & Goscinny, Lucky Luke, A l’ombre des derricks, Dupuis, 1962 ; A. Uderzo, L’odyssée d’Astérix, 1981). La réalité est nettement différente. Le pétrole est piégé dans des formations de roches poreuses souterraines appelées réservoirs. Le gisement d’hydrocarbures est composé d’un ou plusieurs de ces réservoirs (COSSE, 1988).

Formation du pétrole 

 Le pétrole est un produit de l’histoire géologique d’une région, et particulièrement de la succession de plusieurs conditions qui sont l’accumulation de matière organique et végétale Ch. II. Bibliographie sur l’état de l’art de la RMN dans l’exploration pétrolière 8 essentiellement, ainsi que de sa maturation en hydrocarbures et de son piégeage. Ensuite, comme un gisement de pétrole est entraîné dans la tectonique des plaques, l’histoire peut se poursuivre. Il peut être enfoui plus profondément et se pyrolyser à nouveau et perdre ses fractions, en donnant parfois un gisement de gaz naturel. Le gisement peut également « fuir », et le pétrole migrer à nouveau, vers la surface ou un autre piège. Il doit y avoir un concours de circonstances favorables pour que naisse un gisement de pétrole, ce qui explique d’une part que seule une infime partie de la matière organique formée au cours des ères géologiques ait été transformée en énergie fossile et, d’autre part, que ces précieuses ressources soient réparties de manière très disparate dans le monde. a) Accumulation de matière organique En règle générale, la biosphère recycle la quasi-totalité des sous-produits et débris. Cependant, une petite minorité de la matière « morte » sédimente, c’est-à-dire qu’elle s’accumule par gravité et reste enfouie au sein de la matière minérale, et dès lors est coupée de la biosphère. Ce phénomène concerne des environnements particuliers, tels que les endroits confinés, surtout en milieu tropical et lors de périodes de réchauffement climatique intenses, où le volume de débris organiques excède la capacité de « recyclage » de l’écosystème local. C’est durant ces périodes que ces sédiments riches en matières organiques s’accumulent.

 Maturation en hydrocarbures

Au fur et à mesure que des couches de sédiments se déposent au-dessus de cette strate riche en matières organiques, la « roche-mère », croît en température et en pression. Dans ces conditions, la matière organique se transforme en kérogène, un « extrait sec » disséminé dans la roche sous forme de petits grumeaux. Si la température devient suffisante (le seuil est au moins à 50°C, généralement plus selon la nature de la roche et du kérogène, et si le milieu est réducteur, le kérogène sera pyrolysé extrêmement lentement. Le kérogène produit du pétrole et/ou du « gaz naturel » qui sont des matières plus riches en hydrogène, selon sa composition et les conditions d’enfouissement. Si la pression devient suffisante, ces fluides s’échappent, ce qu’on appelle la migration primaire. En général, la « roche-mère » a plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’années quand cette migration se produit.

Piégeage de ces hydrocarbures

Quant aux hydrocarbures expulsés, plus légers que l’eau, ils s’échappent en règle générale jusqu’à la surface de la Terre où ils sont oxydés, ou biodégradés, mais une quantité minime est piégée : elle se retrouve dans une zone perméable (généralement du sable, des carbonates ou des dolomites) qu’on appelle la « roche-réservoir », et ne peut s’échapper à cause d’une couche imperméable (composée d’argile, de schiste et de gypse), la « roche piège » formant ainsi une structure-piège. Il existe plusieurs types de pièges.

Caractéristiques des roches réservoirs

L’évaluation des réservoirs pétroliers nécessite la connaissance de plusieurs paramètres pour mieux les estimer et les exploiter le cas échéant. Les volumes en place (porosités, saturations) et les propriétés de transport des fluides (perméabilité, tortuosité) (MONICARD, 1975). Ces Ch. II. Bibliographie sur l’état de l’art de la RMN dans l’exploration pétrolière 9 caractéristiques sont influencées par la composition des roches (minéralogie et contenance d’argiles) et les interactions liquide-solide aux interfaces (capillarité, affinité). Ces caractéristiques peuvent être estimées in-situ et en laboratoire. 

Le terrain et la caractérisation des roches 

 Le forage 

Le forage pétrolier est l’ensemble des opérations qui permet d’atteindre les réservoirs pétroliers. Tout forage se fait en plusieurs étapes. Un premier trou de grand diamètre 30″ (~76 cm) depuis la surface jusqu’à quelques dizaines de mètres pour stabiliser le sol de départ, ce premier trou sera consolidé par un tubage (casing) de 26″ et cimenté pour assurer la cohésion entre le terrain et le tube (tubage conducteur). Ce tube servira de guide pour le trépan suivant de diamètre 20″ (~50cm), qui ira plus profond, sera à son tour tubé puis cimenté (tube de surface). Suivant la profondeur à atteindre jusqu’à 5 trous de diamètres de plus en plus petits peuvent être forés. Cette technique permet d’isoler les zones et donc se prévenir de toute contamination des nappes phréatiques de surface par exemple. Souvent le dernier trou est foré en diamètre 8,5″ (~21cm), mais peut aussi être plus petit. Pour évaluer le potentiel du forage, les « cuttings » sont analysés en continu. Dans ce trou, non encore tubé, des outils sont descendus au bout de câbles électriques, pour permettre d’évaluer les possibilités des roches rencontrées (wireline logging). Les informations recueillies permettent de recaler les données sismiques en temps réel par rapport à des données de profondeur, d’évaluer la hauteur de zone productive et d’évaluer sa porosité. Il est aussi possible de prendre des carottes de terrain lors du forage par un trépan spécial. Cette possibilité existe aussi au bout du câble électrique pour des carottes latérales, ou grâce à des outils spéciaux pour récupérer du fluide là où on le veut. Si le puits est considéré comme valable pour la production, il reçoit un dernier tubage cimenté sur place. Puis on descend au bout du câble électrique un canon contenant des explosifs sur le principe de la charge creuse en face de la zone de production prévue et l’on perfore le tubage et le ciment pour mettre en relation la roche mère et le puits. 

Diagraphie

 Le 5 septembre 1927, les premières mesures électriques ont été faites dans un sondage n° 2905 tour n° 7, au S-E de Dieffenbach-Les-Woerth. Une technique mise au point par Marcel et Conrad Schlumberger. C’était le nom de la diagraphie. Une diagraphie (well log) consiste à mesurer, à l’aide de différentes sondes, les caractéristiques des roches traversées lors d’un forage en fonction de la profondeur. D’une manière générale, on appelle diagraphie tout enregistrement d’une caractéristique d’une formation géologique traversée par un sondage en fonction de la profondeur. Une diagraphie instantanée enregistre les caractéristiques de la formation pendant le forage (logging while drilling soit LWD) tandis qu’une diagraphie différée détermine les caractéristiques de la formation après le forage, les outils et supports de forage ayant été retirée du puits. (site slb.com). Les outils de mesures sont alors connectés à un câble électrique (wireline logging) et descendus dans le sondage, la stabilité étant assurée par le fluide de forage. En plus de la détermination de la nature des fluides en place, des saturations en eau, huile et gaz (ALLAUD et al, 1976), les diagraphies permettent de déterminer plusieurs paramètres Ch. II. Bibliographie sur l’état de l’art de la RMN dans l’exploration pétrolière  pétrophysiques fondamentaux tels que la densité des roches, leur porosité, leur minéralogie, les types d’argile, la présence de fractures, la nature des éléments radioactifs naturels, la distribution des tailles de pores, la perméabilité… Les phénomènes physiques exploités sont nombreux (CLARK et al, 2002). Nous citerons les courants électriques, la propagation des ondes électromagnétiques, le ralentissement des neutrons, la radioactivité naturelle et artificielle, la spectroscopie gamma, l’absorption des neutrons thermiques, l’absorption photoélectrique, les ondes sismiques, les ondes soniques, la dispersion Compton et la résonance magnétique nucléaire (TITTMAN, 1986, TIAB et al, 2011). La résonance magnétique nucléaire est notamment « potentiellement utilisée » pour déterminer les paramètres pétrophysiques suivants : la porosité, la saturation, la distribution des tailles de pore, la perméabilité et les viscosités des fluides. (COATES, 1994; SLIJKERMAN, 1998) 

La RMN dans l’industrie pétrolière, sur le terrain 

L’un des objectifs de la géophysique appliquée est de fournir des estimations détaillées et exactes de la perméabilité dans le puits. Cependant, aucune diagraphie pétrophysique développée jusqu’à présent ne mesure la perméabilité directement (NELSON, 1994). Durant les années 90, la RMN (ABRAGAM, 1961 ; SLICHTER, 1996) est devenue un outil à succès pour l’examen des roches poreuses (HAMADA et al, 1999 ; AKKURT et al, 2001). Des applications routinières de la RMN incluent la caractérisation de la porosité et la distribution des tailles des pores, la détermination de la perméabilité, la détermination des types de fluides présents dans les pores et leur diffusivité et viscosité (KLEINBERG et al, 1996 ; KENYON, 1997; MORRISS et al, 1997 ; CHEN S. et al, 1998b ; COATES et al, 1999 ; ALLEN et al, 2000, HIRASAKI et al, 2005, 2006). Nous résumons, dans la table II.1, l’histoire de la RMN et de ses applications dans l’industrie Figure II.1: L’Appareil CMR de Schlumberger qui permet d’effectuer des mesures RMN dans le puits. Ch. II. Bibliographie sur l’état de l’art de la RMN dans l’exploration pétrolière 11 pétrolière au XXe siècle. Pour la caractérisation des formations des roches, la RMN a été appliquée dès la fin des années 50 (BROWN et al, 1960). Les premières applications pour le puits utilisaient le champ magnétique terrestre alors qu’aujourd’hui, les champs magnétiques artificiels sont employés dans la majeure partie des applications. La RMN est devenue une application de routine dans l’industrie pétrolière et particulièrement pour la caractérisation des roches siliciclastiques (le grès p. ex.) (EHRLICH et al, 1991). Elle est incluse dans les appareils de mesures lors du forage (logging-while-drilling pour LWD) (MORRISS et al, 1993 ; KRUSPE et al, 2002 ; APPEL et al, 2002 ; PRAMMER et al, 2000). Elle consiste essentiellement en la mesure de la décroissance de l’aimantation nucléaire des protons des liquides saturant le milieu poreux après une excitation temporaire de radio fréquence. La mesure est généralement effectuée sur l’aimantation transversale. On en déduit plus ou moins directement les caractéristiques générales du milieu (CHEN S. et al, 1998a, c). La porosité est, par exemple, déduite de l’amplitude initiale du signal de relaxation magnétique nucléaire (FID) qui est directement liée au nombre de protons libres du fluide. Si ce signal est multi-exponentiel, il peut être décomposé, par des programmes de résolution du problème inverse, suivant une distribution de temps de relaxation. D’autres paramètres pétrophysiques peuvent en être déduits (TIMUR, 1968, 1969 ; KLEINBERG et al, 1990, 1994 ; MILLER, 1990 ; VOGELEY et al, 1992 ; STRALEY et al, 1997). Nous représentons sur le schéma de la figure II.3 un exemple de l’exploitation de mesure RMN en puits.

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