La ruralité aujourd’hui : analyse des processus de circulation et de transformation des cultures rurales

La ruralité aujourd’hui : analyse des processus de
circulation et de transformation des cultures rurales

La ruralité dans la Cité – entre recherche identitaire et   quête de légitimité  

 Le monde rural, aussi marginalisé qu’il puisse sembler, fait partie de la Cité.   Mais cet état de fait n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Le rural fait face à des           problèmes lorsqu’il s’agit de son intégration dans la vie politique de la France.  

Une identité à cheval entre singularité et opposition 

 La ruralité possède une identité profonde. Nous venons d’en expliquer les    principaux ressorts – s’agissant du langage ou du rapport au  topos. Mais l’identité rurale peut aussi s’envisager dans un schéma d’opposition à l’urbain.  Dans son ouvrage      La culture du pauvre       , Richard Hoggart mène une enquête  approfondie sur les classes populaires anglaises dans les années 1950-1960. Il   analyse la construction identitaire de cette catégorie de personnes et pointe un aspect essentiel dans ce processus – l’apparition d’une dichotomie nette entre                       “eux” et “nous”.    “Aux yeux des couches les plus pauvres, le monde des “autres” constitue un    groupe occulte, mais nombreux et puissant, qui dispose d’un pouvoir presque      discrétionnaire sur l’ensemble de la vie : le monde se divise entre “eux” et “nous”. “Eux”, c’est, si l’on veut, “le dessus du panier”, “les gens de la haute”, ceux qui vous distribuent l’allocation chômage, “appellent le suivant”, vous disent d’aller à la   guerre, vous collent des amendes. “Ils” finissent toujours par vous avoir, on ne peut    jamais leur faire confiance, “ils” sautent sur toutes les occasions “d’emmerder le    monde”.”     On observe ici, en plus d’une dichotomie entre deux classes de personnes,     un net rapport de domination entre les classes populaires qui subissent et “les gens      de la haute” qui exercent leur pouvoir de coercition sur les pauvres gens. La     construction identitaire du      pauvre ne passe pas uniquement par cette opposition (le livre d’Hoggart est formidable de clarté et de détails sur tous ces processus) mais elle en compose une partie. Aussi, dans le cas de la construction de l’identité rurale, une opposition “eux” et “nous” se dessine. En effet, m’en remettant à l’expérience   empirique que j’ai pu avoir de la vie rurale, j’ai très souvent senti cette distinction.Mes études sorbonnales et parisiennes font frémir mes amis landais. “Tu vas nous    gouverner bientôt”, “Oh la Sorbonne, c’est bien un truc de la ville ça”. Et quand ces  mêmes amis landais viennent à Paris pour le Salon International de l’Agriculture, ils montent “chez l’ennemi” – avec tout l’humour que cette sentence implique.   Mais cet aspect de l’identité rurale n’est pas aussi simple et clair. En effet, la  périurbanisation, dont nous avons déjà évoqué les conséquences, et l’émigration  grandissante des urbains vers la campagne, du fait de la digitalisation de  l’économie tertiaire permettant le travail à distance, conduisent à un “flou”  identitaire. La ruralité ne pouvant plus se définir comme   contre, elle se définit comme autre et accroît sa mise au ban comme phénomène marginal. 

La légitimité paysanne face au modèle technocratique 

 Le monde rural est aujourd’hui confronté à la question de sa propre légitimité    à agir. La mécanisation de l’agriculture et l’arrivée dès le XIXème des logiques  d’automatisation des processus de production ont bouleversé – et bouleversent  encore le statut de la paysannerie.  Dans un essai paru en 2016 intitulé    Le sacrifice des paysans. Une  catastrophe sociale et anthropologique , Pierre Bitoun et Yves Dupont dressent un   panorama plutôt pessimiste de la place et de la légitimité du monde paysan en    France aujourd’hui. Si cet ouvrage très partial (ces deux auteurs sont des proches  de la Confédération Paysanne, organisation politique menée par José Bové) est à prendre avec du recul, il demeure malgré tout instructif dans la manière avec   laquelle il décrit les rapports entre paysannerie et technocratie. Au moment où la   France sortait de la Seconde Guerre Mondiale, la construction d’un système  politique de “troisième voie” fût lancée. A mi-chemin entre le libéralisme américain   et le socialisme soviétique s’est construit un système politique et institutionnel où   l’Etat centralise un nombre important de prérogatives et administre le pays dans son ensemble. La création de l’ENA (Ecole Nationale de l’Administration) et du   Commissariat Général au Plan en 1946 entérinait le fonctionnement technocratique  de l’Etat français. Aux paysans se sont substitués des techniciens de l’administration qui ont pris les rênes de la production agricole pour le  bien de la France. Selon les auteurs, ces processus de technocratisation de l’agriculture ont  mené à l’ethnocide paysan actuel.   Sans aller jusqu’à épouser cette conclusion, nous pouvons considérer le   travail de ces deux chercheurs comme éclairant sur la légitimité du monde paysan –  tant dans ses discours que dans ses actions. La question récente du glyphosate  nous offre un exemple bienvenu pour illustrer cette tension. Sans rentrer dans la  logique de qui a tort ou raison, on a pu observer une très nette tension entre un  pouvoir politique et technocratique – incarné ici par le président Emmanuel Macron  et sa majorité parlementaire LREM – qui avait annoncé la fin du glyphosate dès  2021 et des paysans qui se sont sentis lésés par la voix de leur principal syndicat,  la FNSEA – qui a estimé que cette annonce était une “provocation” .                               

Table des matières

Remerciements
Sommaire
Introduction
I) Le rural comme culture : d’hier à aujourd’hui, états des lieux et représentation
1. Définition et perspectives socio-historiques
a. Qu’est-ce que le rural ?
b. La population rurale – de la fluctuation à la marginalisation
c. La figure du paysan comme incarnation d’une ruralité
marginalisée.
2. Le “paysan” : entre “bon sens” et connaissance de son topos -ébauche d’un mythe rural
a. Le bon sens paysan comme expression d’une identité singulière
b. Le paysan et son topos
c. Proposition d’un mythe de la paysannerie
3. La ruralité dans la Cité – entre recherche identitaire et quête de légitimité
a. Une identité à cheval entre singularité et opposition
b. La légitimité paysanne face au modèle technocratique
II) La culture rurale dans l’espace télévisuel – entre circulation et altération
1. L’exposition médiatique de la culture rurale ou la projection d’une réalité partielle : le cas de l’émission L’Amour est dans le pré
a. L’Amour est dans le pré : une approche “ruraliste”
b. Les mécaniques narratives comme ancrage éditorial de
l’émission
c. La construction d’une hétérotopie du rural
2. L’appropriation et l’altération de la culture rurale : le retour d’Intervilles sans les vachettes
a. Intervilles : qu’est-ce que c’est ?
b. La reprise d’Intervilles en 2021 : le problème des vachettes
c. La trivialité face à l’éthique
III) Ruralité et Internet – analyse de la circulation de la culture rurale dans un espace médiatique socionumérique
1. Le mème : une production culturelle particulière
a. Internet et les médias socionumériques : un écosystème propice aux expressions culturelles et identitaires
b. Le mème : définition et limites
c. Le mème comme production culturelle particulière
2. Mèmes Décentralisés : un regard particulier sur le monde rural
a. Présentation de la page et positionnement de l’administrateur.
b. L’humour comme outil de mise en lumière de la
ruralité
c. Gouvernance et modération – une vision globale de la ruralité ?
d. Analyse de contenus de Mèmes Décentralisés
3. Qui se confronte à des enjeux de pouvoir et de régulation
a. Les filtres algorithmiques comme entrave à la liberté éditoriale
b. La circulation dans les communautés ouvertes
Conclusion
Bibliographie
Annexes
Résumé du mémoire
Mots-Clés

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