La situation de la caution en droit des procédures collectives au regard de la règle de l’accessoire

La situation de la caution en droit des procédures
collectives au regard de la règle de l’accessoire

L’imprécision éphémère de l’opposabilité de la créance non déclarée à la caution inhérente à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005

 La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 disposait simplement que les créanciers forclos n’étaient pas admis dans les répartitions et les dividendes, à moins qu’ils ne soient relevés de forclusion. Elle n’avait pas prévu les conséquences, du défaut de déclaration, sur le sort des garants de façon générale et plus particulièrement sur celui de la caution. Dès lors, étant donné que le défaut de déclaration de la créance n’est plus sanctionné par l’extinction, le sort de la caution était semblable à celui antérieur à la loi du 25 janvier 1985 ainsi que le font remarquer certains auteurs   En d’autres termes, comme sous le régime de la loi du 13 juillet 1967 qui se contentait d’exclure le créancier des répartitions et dividendes sans en déduire les conséquences   pour la caution , la loi de sauvegarde « avait opéré un retour en arrière » 329 . En même temps, elle rendait illisible la situation de la caution pourtant claire jusque-là. De plus, ce mutisme était à contre-courant des efforts fournis par le législateur français depuis la loi du 10 juin 1994. En effet, depuis lors, il s’est engagé, dans sa fonction normative, dans un processus de prise en compte et de clarification de la situation de la caution. 186. La suppression de la sanction extinction de la créance non déclarée a rendu la situation de la caution très incertaine en ce sens qu’il n’existait pas, dans la doctrine, un consensus sur le nouveau sort de la caution. Une controverse doctrinale sur le sujet trouvait sa cause dans l’imprécision des dispositions de l’article L. 622-26 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005. La question posée était celle de savoir, si, dès lors que le débiteur ne peut se voir opposer la créance non déclarée, le créancier forclos peut se retourner contre la caution. Des opinions diverses furent émises, Un auteur, qui sans doute a forgé pour la première fois l’idée d’inopposabilité de la créance, avait suggéré que le défaut de déclaration de créance, dans le silence de la loi, rendait la créance inopposable à la procédure 330. Cette déduction résultait d’une analyse de la sanction du défaut de revendication dont la sanction est l’inopposabilité du droit de propriété à la procédure  . Le créancier forclos pouvait donc agir notamment contre les garants 187. Cette idée d’inopposabilité de la créance non déclarée, bien que partagée par plusieurs auteurs, a pu être jugée excessive par certains  , ou rejetée par d’autres, certes minoritaires, mais dont l’opinion mérite d’être exposée. 188. Cette opinion est celle que défendait un éminent auteur français, ainsi que plusieurs autres le soulignent  . Ce dernier, tirant les conséquences de l’article dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde de 2005, indiquait que la créance non déclarée était, non pas inopposable, mais plutôt opposable à la procédure collective « même si le créancier ne peut percevoir aucun dividende »   . 189. La formule de 2008, qui prévoit « une inopposabilité au débiteur » n’a pas nécessairement convaincu, il a été observé que la notion d’« inopposabilité concerne les rapports d’une partie à un rapport de droit avec les tiers … » 335 . Si l’article L.626-22, alinéa 2 confirme la sanction de l’inopposabilité, la portée en serait désormais « assez voisine de l’extinction pure et simple »   . 190. La doctrine était divisée sur la sanction du défaut de déclaration dans le rapport créancier/débiteur, mais elle parvenait à la même solution c’est-à-dire à l’opposabilité de la créance non déclarée au garant337 et plus particulièrement à la caution . La controverse doctrinale qui avait eu lieu retenait la même incidence sur le sort de la caution s’agissant de la nouvelle sanction du défaut de déclaration de créance, contrairement à l’ancienne sanction  . Ceci était d’autant plus logique qu’en réalité l’esprit de la réforme de 2005 consistait à priver le créancier non déclarant, non relevé de forclusion, voire non admis à la procédure, du bénéfice des répartitions et dividendes inhérents à l’apurement du passif du débiteur et non de sa créance. Or, tant que la créance n’est pas éteinte, le créancier peut l’opposer à la caution sous réserve des règles de protection des cautions propres aux procédures collectives. C’est notamment ce qui résulte du caractère accessoire de son engagement, c’est en ce sens que l’absence d’extinction de l’obligation principale implique ici celle de l’obligation accessoire. . L’unanimité qui s’était dégagée en doctrine, favorable à l’opposabilité de la créance non déclarée à la caution, n’avait pas dissipé certains doutes concernant les modalités de cette opposabilité dans les différentes procédures et leurs différentes phases. Lesquelles défendent, soulignons-le, une certaine logique, une certaine philosophie des procédures collectives.   Il existait en effet sous la sanction extinction, une controverse concernant l’incidence de cette sanction sur la caution du débiteur en redressement judiciaire  exemple, on pouvait se demander si le créancier négligent pouvait opposer à la caution sa créance non déclarée sans porter atteinte aux droits des créanciers diligents, admis à la procédure. 192. Aussi, permettre au créancier négligent de se prévaloir de sa créance non déclarée dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ne rendrait-il pas moins efficaces les mesures d’attractivité de la première procédure mise en place par le législateur ? Le créancier négligent pouvait-il opposer à la caution sa créance non déclarée dans toutes les phases de la procédure sans déséquilibrer la logique générale des procédures collectives ? Telles sont les questions que l’on pouvait se poser. Un auteur qui a eu le souci de traiter toutes ces questions a relevé certains risques d’abus et de déséquilibre du droit des procédures collectives340 . Le législateur a clarifié la situation avec l’ordonnance de 2008. II. L’apport de l’ordonnance de 2008 : clarification sur le sort de la caution 193. L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté  dispose dans son article 34 que la créance non déclarée est inopposable « au débiteur pendant l’exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus ». Autrement dit, le créancier négligent ne peut pas opposer au débiteur la créance non déclarée, ce qui est logique et cadre le mieux avec la mise à l’écart du créancier négligent des répartitions et dividendes. L’inopposabilité au débiteur vaut pendant l’exécution du plan, de sauvegarde (ou de redressement : art. L 631-14, al.1e et 6), et après, lorsque le plan a bien été exécuté342 . 194. Cette volonté du législateur d’apporter des précisions sur la portée de l’inopposabilité des créances non déclarées dans le cadre des procédures collectives ne s’est pas limitée au rapport 340 V. en ce sens M.H. Monsérié-Bon, Les effets inattendus de l’absence d’extinction des créances non déclarées menacent-ils la procédure de sauvegarde ? D. 2006, p.1282 et 1283 (l’auteur, après avoir mis en exergue les effets non attendus de la suppression de la sanction extinction, émet le souhait de voir la jurisprudence jouée son rôle « d’interprétation raisonnable <» pour, au fond, déterminer les modalités d’opposabilité de la créance à la caution dans la sauvegarde. Mais également au-delà pourrait-on ajouter).  Il convient d’apporter ici une nuance. Effectivement l’ordonnance de 2008 détermine les effets de la sanction d’inopposabilité de la créance non déclarée sur la caution. Cependant, dans le texte initial du projet d’ordonnance, le 86 créancier/débiteur ; le rapport créancier/garants personne physique est également concerné. Dans une disposition, propre à la sauvegarde, le législateur pose le principe, « pendant l’exécution du plan », de l’inopposabilité de la créance non déclarée notamment à la caution personne physique. L’article L. 622-26 du code de commerce apporte deux précisions essentielles. 195. Premièrement, s’agissant de la caution, il suggère de distinguer le sort de la caution, comme habituellement depuis la loi de sauvegarde, selon que celle-ci est une personne morale ou une personne physique. Deuxièmement, il invite à appliquer l’inopposabilité uniquement pendant l’exécution du plan, durant laquelle, faut-il le rappeler, la caution personne physique bénéficie déjà d’une certaine protection. Ces différentes modalités sont là pour témoigner de l’apport réel de l’ordonnance de 2008 qui invite à distinguer selon les procédures, de sauvegarde et de redressement judiciaire. La caution ne peut se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée (a), ce principe est assorti d’une exception durant l’exécution du plan de sauvegarde(b)  . a. La caution ne peut se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée 196. En principe, comme assez souvent dans la procédure de redressement judiciaire, la caution ne peut se prévaloir d’aucun privilège ou faveur accordés au débiteur principal, sous réserve des différentes exceptions apportées à ce principe par le législateur lui-même. L’inopposabilité de la créance non déclarée n’échappe pas à cette logique que ce soit dans le cadre de la sauvegarde, malgré l’exception légale précédemment indiquée, ou dans celui du redressement ou de la liquidation judiciaire. Ce principe , qui change la situation de la caution en l’affaiblissant  , par rapport au régime antérieur, met en exergue la finalité du cautionnement. Sous réserve de l’exception apportée par le législateur dans la sauvegarde, les créanciers titulaires des créances non déclarées peuvent demander leur paiement à la caution sans distinction de façon générale. législateur n’avait pas prévu ces conséquences. C’est seulement lors du passage du texte au Conseil d’Etat, que ce dernier a introduit dans l’ordonnance les dispositions relatives au sort de la caution et des autres garants face à la nouvelle sanction. V, P.M. Le Corre, Le sort du cautionnement en l’absence de déclaration de créance au passif sous l’empire de la loi de sauvegarde,   L’inopposabilité est, comme l’indique la doctrine, une exception personnelle au débiteur. Toutes les cautions sont donc soumises à ce principe nouveau d’opposabilité de la créance non déclarée. 197. Qu’en est-il du fondement ? En droit français, cette opposabilité est logique et trouve son fondement dans les dispositions de l’article  du code civil. En effet, sous le régime de l’ancienne sanction, l’extinction était considérée comme une exception inhérente à la dette  à partir du moment où elle affectait l’existence même de la créance. Or, la nouvelle sanction a ceci de particulier qu’elle n’emporte pas d’incidence sur l’existence même de la créance, ainsi que le relève un auteur  ou sa modalité, mais plutôt sur le droit de poursuite du créancier . Par conséquent, la nouvelle sanction de l’inopposabilité de la créance non déclarée ne constitue pas une exception inhérente à la dette dont peut se prévaloir la caution  .  La nouvelle sanction peut être considérée, ainsi que l’affirme la doctrine, comme une exception purement personnelle au débiteur. D’un côté, sous le régime de la sanction extinction, cette solution avait déjà été retenue dans un arrêt du 21 mars 1989351. Dans ce dernier, la Cour de cassation avait décidé, dans le cadre de l’ancienne procédure de liquidation des biens, que la créance non déclarée était opposable à la caution, car son inopposabilité au débiteur lui était purement personnelle. De l’autre, sous le nouveau régime de la sanction-inopposabilité, telle qu’issue de l’ordonnance de 2008, les Hauts magistrats sont parvenus à la même solution. C’est ce qui ressort notamment de l’arrêt du   cité par D. Grimaud, op. cit. n° 251 : les auteurs indiquent que la forclusion présente bien un caractère personnel dans la mesure où elle intervient dans le cadre des difficultés du débiteur. A notre avis, cet argument est insuffisant, car le contexte des difficultés du débiteur implique plutôt la défaillance du débiteur, risque que la caution a entendu garantir. C’est sur ce fondement de la finalité du cautionnement qu’il convenait d’examiner la question. 348 Ph. Pétel, op. cit. n° 855. 349De ce point de vue, la nouvelle sanction constitue une véritable déchéance du droit d’agir du créancier et renforce par la même occasion la règle de la suspension des poursuites contre le débiteur  du code de commerce, que la défaillance du créancier ayant pour effet, non d’éteindre la créance, mais d’exclure son titulaire des répartitions et dividendes, cette sanction ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d’être opposée par la caution, pour se soustraire à son engagement ». De ce fait, il faut en déduire qu’elle est exclusivement personnelle au débiteur354. Les arrêts du 17 juillet 1990355 ne peuvent plus, dans le même temps, s’appliquer. 199. Cependant, il convient d’observer que l’arrêt ne dit pas clairement ou expressément que l’inopposabilité de la créance non déclarée constitue une exception exclusivement (ou purement) personnelle au débiteur. Il y a comme une sorte de prudence de la part de la jurisprudence356. Et ce constat est également perceptible dans la doctrine en ce sens que la notion d’exception purement personnelle est très controversée y compris son application357. Autrement dit, il faut se référer à ce qui n’est pas inhérent à la dette pour qualifier une exception de « purement personnelle » au débiteur, car contrairement au droit OHADA, le législateur français oppose les exceptions inhérentes à la dette aux exceptions purement personnelles au débiteur. 200. Pour autant, il ne faut pas croire que cette déduction est fortuite, voir infondée ou même illogique. En effet, la forclusion ne modifie, ni n’éteint la créance non déclarée. La créance demeure nonobstant l’absence de sa déclaration aux organes de la procédure. Simplement, la forclusion paralyse le droit d’agir du créancier qui ne peut plus faire valoir temporairement ses droits à l’encontre du débiteur principal. Son droit de contrainte à l’égard de la caution demeure donc intact. En ce sens, un auteur considère que l’inopposabilité de la créance non déclarée au débiteur constitue une mesure personnelle au débiteur dès lors qu’elle n’affecte pas la dette ellemême, mais plutôt le seul pouvoir de contrainte du créancier contre le débiteur  une certaine distinction, la forclusion affecte l’obligation et non le debitum . De plus, l’inopposabilité produit mutatis mutandis les mêmes effets qu’une suspension des poursuites en ce sens que le créancier ne peut saisir le juge pour faire condamner le débiteur au paiement. Pour autant, la paralysie du droit de poursuite n’éteint pas l’obligation du débiteur principal. C’est la raison pour laquelle la caution ne peut être déchargée de son obligation. A tout point de vue, l’inopposabilité de la créance non déclarée lèse fortement la caution au profit du créancier et sa nouvelle situation ne manque pas de fondement. Dans le cadre des procédures collectives traditionnelles, la doctrine évoque l’argument habituel de la défaillance du débiteur. De même que pour certains auteurs et une certaine jurisprudence, l’ouverture de la procédure collective, correspondant à l’évènement même que le cautionnement vise à prévenir  , justifie cette solution.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE.
L’affirmation du principe d’exécution de l’obligation de la caution aux conditions conventionnelles
Titre 1. L’intangibilité de l’obligation de la caution in bonis
Chapitre 1. Le maintien de l’obligation de paiement de la caution
Chapitre 2. L’exécution ponctuelle de l’obligation de paiement
Titre 2. La volonté de soustraire la caution personne physique aux poursuites des créanciers
Chapitre 1. La neutralisation des poursuites contre la caution personne physique
Chapitre 2. La protection de certaines cautions durant l’exécution du plan ou du concordat
SECONDE PARTIE.
La portée du principe d’exécution de l’obligation de la caution
Titre1. L’autonomie du montant de la dette à payer par la caution in bonis
Chapitre 1. Maintien du quantum de la dette cautionnée
Chapitre 2. La variation du montant de la dette à payer par la caution in bonis
Titre 2. Restriction du droit au remboursement de la caution solvens
Chapitre 1. La déliquescence du recours personnel de la caution solvens inhérent à la discipline
collective
Chapitre 2. La préservation aléatoire de la créance de remboursement
CONCLUSION GENERALE

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