La spécificité la cognition humaine

La spécificité la cognition humaine

La part de l’homme, la part de l’animal

Si certaines personnes préfèrent avoir un chien plutôt que des enfants, d’autres privent les non-humains de toute forme d’intelligence. Entre ces deux extrêmes, il y a toute l’épaisseur des esprits curieux. Pour appréhender « cet animal particulier qui se pense comme un animal spécial18 », il faut le placer sur le fond que constituent les autres espèces animales et en regarder les aspects saillants. Il n’est pourtant pas nécessaire de considérer toutes les espèces animales. Regardons en effet le schéma ci-dessous qui dresse l’arbre d’évolution de la famille des hominoïdes. Nous retrouvons la structure caractéristique de l’évolution des espèces. La succession des bifurcations au cours de la phylogenèse trace un arbre dont les sous-branches correspondent à une stratégie de survie bien spécifique, et dont les feuilles sont les espèces que nous connaissons. Ainsi, il est communément admis que des espèces portées par une même sous-branche auront entre elles plus de caractéristiques communes que si elles étaient comparées avec des espèces d’une autre sous branche. Par exemple, nous savons que du point de vue génétique, nous partageons 99 % de nos gènes avec le reste de la famille des hominines19 (chimpanzés, bonobos).Ceci étant, les spécificités d’une espèce donnée peuvent être identifiées de manière plus aisée par contraste avec les caractéristiques des espèces des branches adjacentes plutôt que sur le fond de l’ensemble des espèces. En regardant la figure ci-dessus, nous pouvons voir que les espèces les plus proches de la nôtre sont les grands singes : les bonobos, les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans. Elles sont effectivement celles dont les caractéristiques, du point de vue de la cognition individuelle et de l’organisation sociale, sont les plus proches des nôtres. C’est la raison pour laquelle elles seront fréquemment évoquées dans la suite de cette section. Le lecteur intéressé pourra trouver des propositions concises de scenarii d’évolution de la branche des hominidés dans Byrne 2000*, Donald 1997* ou Tomasello 1999. Enfin, il arrive, quoique rarement, que des branches éloignées de l’arbre de l’évolution, présentent des spécialisations similaires. La branche des hominidés partage ainsi des caractéristiques communes avec la branche des cétacés, dont les feuilles que constituent certaines espèces de dauphins et de baleine témoignent d’un développement remarquable de l’intelligence individuelle et des types d’organisations sociales. Pour cette raison, ces espèces seront également évoquées dans la discussion qui va suivre.

 

Les animaux ont-ils des capacités méta-cognitives ?

Comme chacun peut en faire l’expérience, nous sommes très fréquemment amenés à prendre des distances par rapport aux activités dans lesquelles nous sommes impliqués, parfois spontanément, mais le plus souvent suite à un blocage au niveau de l’une des étapes du processus en cours. Cela se traduit la plupart du temps par des questions que nous nous posons, et qui consistent à savoir si l’activité dans laquelle nous sommes engagés peut être menée à bien, si son exécution se déroule correctement ou si cette dernière peut être améliorée. C’est par exemple le cas lorsque vous demandez si telle ou telle tâche sera facile à apprendre, lorsque vous interrompez votre lecture pour relire un passage afin d’en améliorer la compréhension ou lorsque vous décidez que l’information dont vous disposez est insuffisante pour mener à bien la tâche courante, et que vous décidez d’allouer un temps supplémentaire à la recherche d’information. Ce sentiment de savoir que l’on sait et les différentes manières de contrôler l’exécution de ses propres tâches cognitives rentrent dans le cadre général de la métacognition, définie comme la cognition sur la cognition. C’est une activité à laquelle s’adonnent massivement les êtres humains et qui trouve peut-être son ultime développement dans l’épistémologie, en tant que théorie de la connaissance. La métacognition est un sujet très en vogue actuellement en sciences cognitives car elle est pressentie comme un trait distinctif des êtres humains. Elle se dispute parfois la vedette avec le langage, souvent considéré comme le trait distinctif qui tracerait la frontière entre humains et non-humains. Mais plusieurs observations laissent à penser que la métacognition ou les mécanismes dont elle serait issue, seraient premiers par rapport au langage dans la phylogenèse. Dan Sperber (2000*) fournit par exemple une argumentation conceptuelle de cette thèse, en avançant qu’un langage sans métareprésentations ne serait qu’une affaire de codage-décodage, guère différente des autres formes de communications présentes dans la nature. Par ailleurs, lorsque l’on s’intéresse aux capacités d’apprentissage social d’une espèce donnée, il est important de savoir ce que les individus de cette espèce sont capables d’inférer à partir du comportement des autres (actions, intentions, états mentaux, etc.), ce qui pose naturellement la question de la nature de la connaissance des individus sur leur propre état. Dans le cadre d’une étude comparative entre les processus d’apprentissage humains et non humains, il est donc naturel de s’intéresser à la manière dont les animaux peuvent appréhender leur propre état de connaissance et en contrôler le contenu. Ces recherches sur la méta-cognition animale sont relativement récentes et mettent toujours en jeu des protocoles expérimentaux très astucieux visant à contourner le fait que les animaux ne sont pas capables de communiquer verbalement leurs impressions. Elles ont donné lieu à des résultats fascinants, synthétisés récemment dans un article intitulé The Comparative Psychology of Uncertainty Monitoring and Métacognition paru dans la revue Brain and Behavioral Science (Smith J.D. et al. 2003*), et commenté dans le même numéro par une trentaine de spécialistes de différentes disciplines. Deux exemples permettront de comprendre la problématique soulevée par les études comparatives sur la méta-cognition: les tâches de décision en situation d’incertitude et les tâches de mémoire. 

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