La temporalité certaine du droit de la commande publique.

La temporalité certaine du droit de la commande publique

L’appréhension du temps dans le droit démontre que cet élément joue un rôle fondamental dans le processus d’achat public, qui est traversé par une véritable chronologie structurant et sanctionnant le régime de la commande publique (Section 1). Il existe par conséquent une relation entre ce dernier et le temps, dont il convient de tirer des conséquences pratiques. À partir de l’étude de ce lien entre le temps et le processus d’achat public, en dégageant des objectifs chronologiques spécifiques, il est possible de procéder à une véritable systématisation des temps de la commande publique (Section 2). Cette conceptualisation permet de dégager une grille de lecture temporelle des procédures de passation, tranchant avec la conception uniforme du processus d’achat public. Cette analyse dévoile qu’il existe, dans chaque procédure de passation, différentes phases chronologiques animées par des objectifs précis qui structurent l’ensemble du droit de la commande publique. C’est sur le fondement de cette grille de lecture que doivent être précisées les fonctions propres à chaque principe de la commande publique, car c’est à partir de cette systématisation qu’il est possible d’adopter une conception temporelle des fonctions respectives de chaque principe. 

La détermination préalable d’une temporalité du droit de la commande publique

Les études relatives aux relations entre le droit et le temps démontre que ce dernier dispose d’une emprise certaine sur le droit. La commande publique n’échappe pas à cette emprise, puisque cette matière fait l’objet d’une structuration chronologique dont l’existence et l’importance doivent être dévoilées (Paragraphe 1). L’existence de dates, de délais, d’étapes à respecter dans un ordre précis, et dont la méconnaissance est sanctionnée par le juge, témoigne de l’importance du facteur temporel dans le droit de la commande publique. La temporalité certaine du droit de la commande publique. 185 Ainsi, cette matière bénéficie d’une véritable structuration par le temps qu’il convient de préciser (Paragraphe 2). C’est cette temporalité du droit de la commande publique qui permettra de préciser les fonctions propres à chaque principe. Paragraphe 1 : Les vérifications préliminaires de la prépondérance du temps sur le droit de la commande publique. Selon Philippe Léger, « il est rare que des juristes s’assemblent dans la grande salle d’audience d’un tribunal et prennent le temps de réfléchir … sur le déroulement du temps » 810 . La relation existant entre le temps et le droit paraît aujourd’hui évidente, même si les partisans de la philosophie des jusnaturalistes ont pu renier une telle relation. Pourtant, « l’idée que le droit pourrait échapper au temps est un artifice : rien, à notre connaissance, de ce qui fait partie du monde des hommes n’échappe au temps. Il n’y a pas de raison que le droit jouisse d’un statut particulier parmi les œuvres humaines ». Après l’analyse des relations qui existent entre le temps et le droit (A), il convient d’appréhender la place du temps en droit de la commande publique (B). En effet, les travaux sur le temps et le droit trouvent un prolongement et un écho certains en droit de la commande publique, dans la mesure où les recherches sur cette relation permettent de démontrer que le temps dispose d’une emprise évidente sur le processus d’achat public. 

Les relations usuelles entre le temps et le droit des contrats

Selon François Ost, « la théorie des rapports qui se nouent entre le droit et le temps reste sans doute à faire. On n’aperçoit pas aujourd’hui d’ouvrage de synthèse sur le sujet. (…) La théorie du droit met parfois en lumière tel ou tel aspect du rapport droit-temps, sans que ceux-ci soient intégrés dans une représentation d’ensemble. Il est vrai que le temps est un élément « dont la présence n’a sans doute pas été suffisamment analysée et dont l’importance semble avoir été quelque peu minorée ». Mais depuis cette allocution de François Ost, l’intérêt de la relation entre le temps et le droit s’est développé. Nombreux sont les colloques, ouvrages ou études qui mentionnent les innombrables aspects de la relation entre le temps et le droit, notamment sur l’appréhension et la compréhension du droit par le temps . Le temps est un élément qui présente la caractéristique de permettre « le contact immédiat avec le réel » et de « ramener vers le concret ». À ce titre, le temps dispose d’un caractère fondamental dans l’appréhension du droit. Comme l’affirme Marie-Anne FrisonRoche, « le temps est la marque de l’aventure humaine dans la mesure où l’homme se développe dans des activités qui débutent, se déploient et s’achèvent ». Le droit est une de ces activités, pour reprendre les termes de l’auteur, qui débute, se déploie et s’achève. Par conséquent, et de manière générale, la donnée temporelle marque le développement du droit (I). Cette formule est incontestablement transposable au droit des contrats (II), qui est le support d’une activité mouvante dans le temps. F. OST, « Les multiples temps du droit », in Le droit et le futur, L’office du juge administratif et le temps, Voir notamment, pour des études assez récentes : P. FLEURY-le-GROS (dir.), Le temps et le droit, actes de colloque 2008, Lexisnexis – « Le temps administratif », Rev. Adm., n° spéc. 2000 – Le temps et le droit, Publication des actes des journées internationales de la société d’histoire du droit organisées en mai 2000, Serre, 2002 – Ph. GERARD, F. OST et M. VAN de KERCHOVE (dir.), L’accélération du temps juridique, publications des Facultés universitaires de Saint-Louis, 2000 – S. GABORIAU et H. PAULIAT (dir.), Le temps, la justice et le droit, Actes du colloque organisé à Limoges les 20 et 21 novembre 2003, Pulim – J.-M. COULON et M.-A. FRISON-ROCHE (dir.), Le temps dans la procédure, Dalloz, 1996. 

Les relations entre le temps et le droit

. La relation entre le temps et le droit est double, puisque le temps est indéniablement un élément d’appréhension du droit, et que le droit est un élément de structuration du temps. Par conséquent, les rapports entre ces deux éléments sont intrinsèques à chacun. En effet, le temps et le droit ont de nombreuses relations dans des domaines et sujets foncièrement différents comme fondamentalement proches. Ainsi, le droit, dans chacun de ses aspects, est plus ou moins dépendant du déroulement du temps. Pour des exemples non exhaustifs de cette relation, et pour reprendre les propos de Philippe Malaurie819, il est possible de trouver l’« application de la loi nouvelle dans le temps ; lent ou brusque déroulement du procès ou de confection de la loi ; la peur de la mort, irréversible par nature ; formation souterraine de la coutume ; dates du contrat et du testament ; libéralités graduelles ; rétroactivité ”de la loi nouvelle, du revirement de jurisprudence, de la condition, de la nullité et de la résolutio” ; caducité ; prescription extinctive et acquisitive ; chaque fois qu’une règle dépend du temps, la compréhension que le droit se fait du temps est plus ou moins dépendante de la règle en cause ». Dès lors, il est possible d’affirmer qu’il existe une relation de dépendance entre le temps et le droit, expliquant l’existence des nombreuses notions que le droit a spécialement édifié pour régir les effets juridiques qui peuvent être attachés à l’écoulement du temps. C’est le cas de la durée, de la procédure d’urgence, de l’entrée en vigueur, de l’abrogation, du préalable, de la désuétude, des délais termes ou conditions, de la prescription, du préavis et du délai raisonnable820 . Le temps n’est donc pas externe à la matière juridique. Bien au contraire, il existe une véritable construction juridique du temps, puisque « le temps est toujours l’objet d’une construction sociale : à ce titre, il concerne le droit dont la fonction principale consiste à instituer un univers social porteur de sens. »   . Ainsi, il est un élément qui permet d’appréhender le droit, de mieux comprendre le droit, ce dernier ne pouvant se départir de la temporalité et de la durée qui s’écoule. Le temps doit donc être présenté comme un élément important dans le raisonnement des juristes, car prendre en compte le temps permet de. comprendre le droit en ne le séparant pas de l’exercice de la raison . La relation entre le temps et le droit reste cependant à double sens : le temps permet d’appréhender le droit, et le droit permet de structurer cet élément insaisissable qu’est le temps. Le temps est en effet fréquemment modelé par le droit, en ce sens que « pour régir l’action humaine, la règle juridique manipule la durée »  . Comme le souligne François Ost, « affecté par le temps, le droit l’affecte en retour ; il le ”temporalise” à sa manière, répondant ainsi aux multiples angoisses et dérives associées au temps qui, tel le Kronos de la mythologie, dévorait ses enfants. (…). Le temps s’institue ou se temporalise : qu’il soit privé ou public, il demande à être aménagé en vue de fournir des repères et du sens aux existences – les insérer notamment dans une durée signifiante et réaliser un équilibre satisfaisant entre stabilité et changement. On peut penser qu’il s’agit là d’une des fonctions les plus essentielles du droit »  . Le temps, dans cette conception, est découpé par le droit en parties, qui forment des périodes ou des intervalles d’un ensemble sans discontinuité825 dans l’objectif de structurer la société. L’écoulement du temps est donc pris en compte par le droit, et conduit le législateur à se préoccuper de questions de dates, de durée et de délais, afin de répondre aux interrogations récurrentes de la temporalité dans l’application du droit826. Par conséquent, le droit structure le temps : il l’organise en calendrier, en échéances, en cycles et en délais . Le droit attache des effets juridiques au non-écoulement ou à l’écoulement d’une certaine durée prédéterminée .

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