La valorisation cultuelle des cathédrales bretonnes

 La valorisation cultuelle des cathédrales bretonnes

Notre objet d’étude est, comme nous l’avons dit, affecté à l’Église catholique, par l’intermédiaire du clergé. Les cathédrales bretonnes sont avant tout « la Demeure de DIEU », « un lieu de prière et de culte » 47, indications bien présentes à l’entrée des monuments, dont les termes employés varient d’une cathédrale à l’autre. Cette fonction des cathédrales découle des lois de 1905 et de 1907 qui déterminent « le régime de l’affectation cultuelle exclusive » des édifices religieux48 , la loi de 1907 n’ayant pas permis « de fixer les conditions de leur valorisation artistique et culturelle, ou encore de leur exploitation touristique » 49. La loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État prévoyait en effet que des associations cultuelles soient créées, associations qui seraient devenues propriétaires des lieux de culte. Toutefois, le pape Pie X ayant refusé que de telles associations soient créées, une deuxième loi a été instaurée, en 1907, relative à l’exercice public des cultes. Cette loi précise qu’à défaut d’associations cultuelles, les édifices religieux « deviennent propriété publique » 50. En ce qui concerne les cathédrales, celles construites avant 1905 et qui demeurent des sièges épiscopaux deviennent la propriété de l’État, celles qui ne sont plus des sièges épiscopaux reviennent aux communes. Dans tous les cas, ces monuments demeurent affectés gratuitement et exclusivement au culte catholique, sans précisions supplémentaires sur d’autres types d’activités. De la fonction cultuelle de tout édifice religieux non désacralisé, découle des activités et des supports de valorisation qui sont relativement uniformes au sein des cathédrales bretonnes. Toutes ces activités, ces supports et les délimitations de l’espace entre activités cultuelles et visites sont considérés ici comme faisant partie de la valorisation cultuelle des monuments dans la mesure où ils permettent de faire vivre le « message chrétien » ou de sensibiliser à ce message en délivrant des informations religieuses sur les monuments, la Bible ou l’histoire de la religion catholique. 

Les activités cultuelles et leur promotion 

En dehors des évènements spécifiques du calendrier liturgique (Carême, Pâques, Noël…), les activités cultuelles quotidiennes sont nombreuses dans chaque cathédrale. Généralement, les informations sur ces activités – telles que le planning des célébrations – sont visibles dès l’entrée de la cathédrale et marquent le premier contact du visiteur avec ce lieu, soulignant une fois encore sa fonction première. Afin de rendre plus intelligibles le nombre et la fréquence des activités cultuelles, nous avons choisi de les répertorier sous la forme du tableau suivant, à partir des informations relevées lors de la visite des monuments, informations complétées par les éléments présents sur le site internet des différentes paroisses. Dans la mesure où la fonction cultuelle du monument est totalement indépendante de la période de construction du monument, la cathédrale Saint-Pierre de Rennes fait évidemment l’objet des mêmes activités : la messe y est célébrée chaque dimanche. L’affichage des plannings des célébrations, des informations paroissiales et d’autres informations liées au culte, à l’Église est omniprésent à l’entrée de l’ensemble des cathédrales étudiées. Ce type d’affichage est aussi fréquemment rencontré au cours de la visite du lieu. Dans cette démarche de promotion des activités cultuelles et d’informations sur la vie des paroisses voire des diocèses, la cathédrale Saint-Pierre de Vannes se démarque. En effet, il existe dans cette cathédrale une « chapelle d’accueil », la chapelle Saint-Patern, regroupant de nombreuses informations sur les actualités de la paroisse, du diocèse, sur le calendrier liturgique. Il s’y trouve également un dispositif qui peut être considéré comme un parcours d’exposition composé de plusieurs pancartes présentant la paroisse – les membres de l’équipe paroissiale, leurs activités, leur vision -, le rôle de la cathédrale au sein du diocèse, la cathédrale en elle-même, avec notamment des informations sur les éléments liturgiques à ne pas manquer, sur les endroits où il est possible de prier…

Les supports et activités de médiation relatifs à la culture religieuse

 Dans chaque cathédrale se trouvent des éléments textuels rappelant au visiteur qu’il est dans un lieu de culte. Ces éléments constituent une forme de médiation autour de la religion catholique. Ainsi, dans la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne, il est possible de s’informer grâce à 23 plusieurs pancartes présentant des prières, à un court descriptif sous le chemin de croix des scènes qui y sont représentées, à plusieurs pancartes réalisées par un calligraphe local, Yann Keromest, à la manière des enlumineurs, indiquant le Saint-Sacrement, la statue de la Vierge, saint Magloire… Enfin, il y est aussi présenté une pancarte avec des citations et une prière à sainte Thérèse de Lisieux et des fiches « Croire » sur divers sujets religieux. De même, à Saint-Malo, la fonction cultuelle de la cathédrale Saint-Vincent de Saragosse est signalée dès l’extérieur par de grands panneaux « Venez et priez ». À l’intérieur, il existe plusieurs plaques qui délivrent des informations de nature religieuse sur le maître-autel, le baptistère, Notre-Dame de la Grand’Porte dont la plaque rappelle son rôle de « Vierge protectrice de la Cité ». La cathédrale ayant pour particularité d’abriter la tombe de Jacques Cartier, quatre pancartes sur « Jacques Cartier et la foi catholique » sont présentées à proximité de cette tombe et insistent sur la foi de Jacques Cartier, sur « l’affermissement » du catholicisme au XVIè siècle et sur le caractère évangélisateur des expéditions. Dans la cathédrale Saint-Tugdual de Tréguier, il y a quelques éléments textuels mais qui sont peu mis en valeur, dans plusieurs lieux de la cathédrale. Il existe en effet quelques pancartes anciennes sur saint Yves – que la paroisse a pour projet de refaire du fait d’un état dégradé -, une pancarte d’informations sur les insignes d’une basilique et de courts textes sur la Vierge à la Grenade et Notre-Dame de la Clarté. Quelques petites plaques, à l’image des cartels, donnent de brèves informations sur les saints ou la Vierge représentés sur des statues. Les éléments textuels de médiation autour du culte sont également assez minces à la cathédrale Saint-Paul-Aurélien de Saint-Pol-de-Léon. Un cadre rappelle que le visiteur se trouve dans la « maison où Dieu habite » et une signalétique très ancienne indique aux visiteurs les éléments à ne pas manquer, tels que les tableaux, retables et vitraux. Si cette signalétique présente très peu d’informations, elle permet tout de même de guider un minimum le visiteur dans la découverte du lieu. Enfin, près de la pierre tombale de Marie-Amice Picard, se trouve un texte biographique sur cette célèbre mystique locale et sur la manière dont elle vivait sa foi. La faiblesse de ces éléments textuels est palliée par un dispositif intéressant de médiation, « Magnific’Art ». Cette manifestation a débuté début 2019, à l’initiative de Philippe Abjean52, et est définie par la paroisse comme un cycle de « découverte de la culture chrétienne à partir de l’art sacré dans la cathédrale » 53. Deux dimanches par mois, une « causerie » permet à un spécialiste ou à un érudit local de présenter une œuvre de la cathédrale dans le but « d’offrir une catéchèse succincte » aux personnes intéressées, qui peuvent ainsi développer leur « culture chrétienne », gratuitement54. Pour donner quelques exemples des sujets abordés, une « causerie » était consacrée à la Vierge de l’autel du Mont-Carmel55, une autre portait sur les stalles56… Ouvert à tous, ce dispositif, de par sa régularité, s’adresse principalement à un public local. La médiation cultuelle écrite est plus abondante à la cathédrale Saint-Corentin de Quimper. La paroisse y a installé un parcours de culture religieuse tout au long de la visite, avec des informations répondant aux principales questions que les visiteurs posaient au prêtre ou aux bénévoles de la paroisse. Les pancartes contiennent toutes le même type d’informations : une partie qui relate des faits historiques, bibliques ou une légende, une citation du Pape, une action à réaliser et/ou une prière/un extrait des Évangiles/un psaume. Les pancartes ont pour sujet Notre-Dame de Lourdes, la chaire à prêcher, saint François d’Assise, la chapelle sainte Anne, Santig Du, la chapelle du Saint-Sacrement, « les sanctuaires diocésains : le pèlerinage à Notre-Dame », Julien Maunoir, saint Corentin, « les vitraux de la cathédrale : des vies qui deviennent lumière », sainte Thérèse de Lisieux, les trois gouttes de sang, saint Yves, le baptistère. Il y a également d’autres supports textuels comme des feuillets de prière et l’Historiogramme du chemin de l’Humanité (« 2000 ans de Christianisme ») que l’on retrouve dans d’autres cathédrales en France mais pas en Bretagne. À la cathédrale Saint-Pierre de Vannes, la médiation autour de la religion catholique est aussi importante mais centrée principalement sur saint Vincent Ferrier, qui repose dans la cathédrale et qui fait l’objet de nombreuses pancartes d’informations. Il existe aussi une pancarte d’informations sur le culte de Notre-Dame du Mené, sous sa statue. Enfin, à la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, une pancarte indique le nom de chaque chapelle et donne des informations de culture religieuse sur le personnage ou la scène dont elle porte le nom ainsi que sur les œuvres présentes dans la chapelle. Il y a également un espace avec une présentation du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Enfin, des feuillets de prière étaient disponibles lors de la visite. Une valorisation cultuelle peut aussi exister par l’intermédiaire de dépliants de visite, disponibles dans certaines cathédrales. À Dol-de-Bretagne, le dépliant bilingue – français-anglais – offre des clés de lecture de la cathédrale en tant que patrimoine religieux. Ce dépliant57 présente unplan de l’édifice avec dix éléments à ne pas manquer : la croix, le vitrail du XIIIè siècle, le baptistère, le tabernacle, le siège de la présidence, les bénitiers, l’autel, l’ambon, la nef et le chœur. Pour chacun de ces éléments, le dépliant apporte des explications religieuses, il présente la signification ou l’utilisation de chaque partie dans une perspective biblique ou liturgique. Le dépliant propose également au visiteur un autre « parcours » de visite, en s’arrêtant devant d’autres éléments de la cathédrale : les stalles et la cathèdre, une statue du Christ, une statue de la Vierge Marie et le buffet d’orgue. Enfin, le dépliant délivre quelques éléments sur saint Samson et s’achève par une prière. Il est mis à disposition des visiteurs mais une affiche, présente lors de la visite, encourage les visiteurs à contribuer aux frais d’impression. À la cathédrale de Nantes, les visiteurs peuvent se procurer un dépliant de visite58, au prix de 50 centimes. Ce dépliant comporte deux parties : une partie intérieure autour d’un plan, davantage dans une perspective de médiation autour des éléments artistiques et architecturaux sur laquelle nous reviendrons ultérieurement et une partie plutôt tournée vers la signification religieuse de l’édifice. Cette partie présente les statues situées dans le narthex puis offre des clés de lecture de l’architecture et du mobilier dans une perspective de culture religieuse – la croix formée par la nef, le chœur et le transept ; la signification de la cathèdre, l’orientation du monument… À titre comparatif, à la cathédrale Saint-Pierre de Rennes, de petites pancartes indiquent le nom du saint ou de la sainte représenté.e sur les statues, dans les chapelles. Ces pancartes peuvent présenter également une prière, comme c’est le cas pour sainte Anne. Il existe aussi une pancarte d’informations qui expose « les messages de Jésus Miséricordieux à sainte Faustine ». Le dépliant de visite, au prix de 50 centimes, ne constitue pas une médiation autour de la fonction cultuelle du lieu mais propose des éléments d’informations sur son histoire, son architecture et les œuvres qu’il contient, ce dépliant s’intègre en ce sens davantage à la valorisation culturelle de l’édifice.

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *