L’affirmation juridique de la représentativité internationale du Premier ministre un désaveu objectif de la théorie du « domaine réservé »

L’affirmation juridique de la représentativité internationale du Premier ministre un désaveu objectif de la théorie du « domaine réservé »

Dans la nébuleuse des activités de représentation menées par la gouvernance française, la revendication d’un domaine « réservé » au chef de l’État n’aurait de consistance que celle que le Premier ministre voudrait bien lui concéder en s’abstenant d’agir ou de se mettre en avant. Qu’elle soit de circonstance ou de principe, cette réserve primo-ministérielle constituerait un élément de rationalisation du pouvoir d’incarnation de la France à l’étranger et non une marque de faiblesse. Elle distinguerait les zones d’influence traditionnelles du président de la République de celles où s’exprimerait naturellement la prévalence diplomatique de Matignon en raison de l’imbrication des sphères politiques intérieures et extérieures. Cette interdépendance matérielle conforterait la thèse majoritaire de l’inconstitutionnalité d’un « domaine réservé » au chef de l’État en matière de relations ancien locataire de Matignon2035. Cet aphorisme revêt une acuité certaine lors des voyages des Premiers ministres à l’étranger. A cet égard, l’autonomie des règles protocolaires (a) et du régime d’exterritorialité (b) qui encadrent les déplacements respectifs des chefs d’État et de Gouvernement présente un enjeu majeur en termes d’action – puisqu’elle rend improbable tout télescopage de leurs champs d’intervention – mais aussi, en termes d’effectivité des fonctions – puisqu’elle ne peut justifier l’aliénation des responsabilités de l’un par celles de l’autre. a. Les particularismes protocolaires 855. L’existence de singularités protocolaires tend à montrer que la représentation présidentielle n’a pas la même portée symbolique que la représentation de l’Exécutif gouvernemental. Cependant, si cette réminescence du passé monarchique des États ne présente aucune positivité en termes juridiques, elle peut se révéler particulièrement contraignante à vivre pour les Premiers ministres français, notamment, en période de cohabitation. Ainsi, a-t-elle permis au Président MITTERRAND de donner plus d’une leçon de savoir-vivre diplomatique à « son » Premier ministre, M. Jacques CHIRAC, à dessein de conserver la maîtrise dans la conduite de la politique étrangère.

 L’inviolabilité de leurs personnes ainsi que celle des membres du personnel diplomatique appartenant à la mission spéciale est spécifiquement garantie à l’article 29 de la Convention qui dispose qu’« [i]ls ne peuvent être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. L’État de réception les traite avec le respect qui leur est dû et prend toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à leur personne, leur liberté et leur dignité »2063. De même, l’article 25 (§2) de la Convention met à la charge de l’État de réception l’« obligation spéciale de prendre toutes les mesures appropriées afin d’empêcher que les locaux de la mission spéciale ne soient envahis ou endommagés, la paix de la missions troublée ou sa dignité amoindrie ». Cette protection est étendue au logement privé des représentants de l’État d’envoi et des membres du personnel diplomatique de la mission spéciale (art. 30, §1) ainsi  qu’à « leurs documents, leur correspondance et, (…) leurs biens »2064. A fortiori, l’inviolabilité des archives et des documents de la mission spéciale vaut « à tout moment et en quelque lieu qu’ils se trouvent » art. 26). Par ailleurs, ce dispositif est renforcé par la « Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection commise, tentée ou même seulement envisagée2066 de manière non exhaustive2067 afin d’inciter les États à garantir la protection la plus large aux personnes jouissant d’une protection internationale. A ce titre, la juridictionnalisation de la protection diplomatique n’est pas sans posée un certain nombre de problèmes au nombre desquels figure en bonne place la question des limites à l’opposabilité des immunités d’État envisagée dans le cadre de procès nationaux ou organisé au titre de la compétence universelle.

En l’espèce, un ancien ministre des Affaires étrangères congolais est soupçonné d’avoir commandité des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité alors qu’il était en fonction. Plutôt que de tergiverser sur les circonstances de la mise en œuvre des immunités, la haute juridiction clot définitivement le débat en reconnaissant que « les fonctions d’un ministre des Affaires étrangères sont telles que, pour toute la durée de sa charge, il bénéficie d’une immunité de juridiction pénale et d’une inviolabilité totales à l’étranger » (§.54). Le plein effet attribué par la Cour à la protection diplomatique du ministre n’aurait pas de portée personnelle : « [c]ette immunité et cette inviolabilité protègent l’intéressé contre tout acte d’autorité de la part d’un autre État qui ferait obstacle à l’exercice de ses fonctions » (§.54). Elle en déduit qu’ « il n’est pas possible d’opérer de distinction entre les actes accomplis par un ministre des Affaires étrangères à titre « officiel » et ceux qui l’auraient été à titre »privé », pas plus qu’entre les actes accomplis par l’intéressé avant qu’il n’occupe les fonctions de ministre des Affaires étrangères et ceux accomplis durant l’exercice de ces fonctions » (§.55). Néanmoins, si le dispositif de la décision a été salué en doctrine, il en va autrement du schéma argumentatif suivi par la Cour.

 

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