L’ÂME CHINOISE

L’ÂME CHINOISE.

La mentalité chinoise est, pour l’Européen, un perpétuel sujet d’étonnement. Celui-ci, dans ses voyages, chaque jour, note des coutumes extraordinaires. Dans ses conversations avec les indigènes, s’il saisit bien le langage de ses interlocuteurs, de nombreux proverbes, à tout instant servis, lui sont un sujet de réflexion. S’il converse avec des gens instruits, il doit soumettre son cerveau à la torture pour suivre les méandres multiples d’une joute littéraire très fleurie, où les maximes des sages de l’antiquité forment la trame du beau langage. A toute manifestation d’un culte populaire, d’un usage domestique, s’il veut comprendre, s’il veut savoir, et si pour cela, il pose des questions, on lui répondra généralement d’une façon toute laconique : C’est la coutume, c’est l’usage, ce sont les rites ! Il est désespérant de ne jamais recevoir une réponse valable aux questions que l’on pose. Un esprit superficiel jetterait le manche après la cognée, ou se contenterait des histoires fantaisistes que certains voyageurs pressés ont raconté dans leurs écrits. Le missionnaire qui veut p.002 tout approfondir, pour mieux comprendre, et partant avoir plus d’action sur les âmes, ne se contente pas d’un vernis de connaissances… En Chine, les constructions imposantes sont légion, mais il est très rare qu’elles soient anciennes. L’art chinois existe dans son architecture, mais les matériaux qu’on employa, les murs de terre sèche, les panneaux de bois, n’ont pas résisté aux injures du temps, à l’usure des siècles. Le Chinois étant très insouciant d’ailleurs, n’a pas su conserver les monuments du passé. Il reste bien quelques sépultures impériales, quelques pagodes ou palais, des fortifications, en particulier la Grande Muraille, qui peuvent donner une idée de puissance et de véritable grandeur, mais sont insuffisants pour nous découvrir l’âme chinoise. Un seul monument demeure : les Classiques. Ce monument, il faut l’étudier. Depuis son arrivée sur la terre de Chine, le missionnaire s’est perfectionné dans le langage : il a compulsé ces curieux volumes.

Les origines ont.

Cette littérature sacrée, officielle, qu’on appelle Kin, livres par excellence, est la base de tous les travaux littéraires que l’on rencontre en Chine, et n’est d’ailleurs pas considérable. Elle se divise en deux catégories : 1° Les grands Kin racontent les faits de l’antiquité, les traditions primitives. On les dit composés par Confucius (551-479 av. J.-C.) mais c’est loin d’être certain, tant p.003 le style est défectueux et différent de celui du Maître. 2° Les petits Kin qui sont l’œuvre des disciples de Confucius et d’autres sages plus récents. Les grands Kin sont au nombre de cinq : 1° I-Kin, qui sont composés de signes mystérieux, légués par Fou-shi, contemporain de Noë ( ?) (2850 av. J.-C.). Ces signes sont employés en divination, et donnent réponse à tout ( ?) 2° Chou-Kin, qui sont des exemples de morale, tirés des Annales antiques. 3° Che-Kin, Recueil de poésies. La première partie renferme des chansons d’amour. Le plus souvent ce sont des plaintes de femmes privées de leur mari commerçant ou soldat, et encore la joie de leur retour. Beaucoup d’allégories au sens énigmatique… La facture générale est impersonnelle. La tradition a mis des titres qui facilitent l’intelligence du texte. La deuxième partie renferme des chansons à boire pour les cérémonies cultuelles, les sacrifices, les fêtes pastorales. La troisième et la quatrième partie parlent du culte des ancêtres et des rites funèbres. 4° Li Ki. Mémorial des Rites, où se trouvent toutes les lois de la politesse, du savoir-vivre, etc. p.004 5° Io Kin. Livre de la musique (perdu). 6° Tsin-ts’ ieou : le Printemps et l’Automne, c’est-à-dire Annales du royaume de Lou sous la dynastie des Tchéou (722-481 av. J.-C.). Les petits Kin sont : 1° Tcheou Kouan li. Direction aux magistrats de la dynastie Tchéou. 2° I li. Manuel de convenances. 3° Eul ia, ou dictionnaire de termes usités dans les livres canoniques.

Trois commentaires des Tsin-ts’ieou, annales de Confucius. 5° Hiao Kin. Livre de la piété filiale. 6° Se-chou ou Quatre livres : Œuvres philosophiques des disciples de Confucius, où sont résumés l’enseignement du Maître et en quelque sorte tous les livres sacrés par les citations qu’on y trouve. Les élèves chinois de toutes les écoles primaires doivent étudier les Se-chou. Ces quatre livres ont pour titres : 1° Ta shio : Science des adultes ; 2° Tchong iong : le Juste Milieu ; 3° Lin iu : Livre des Entretiens ; 4° Mengtse (Mengtse 372-289 av. J.-C.), nom d’un philosophe qui s’appuie sur la doctrine de Confucius pour moraliser les hommes de son temps. L’enfant qui a étudié ces livres antiques, écrits en langage qu’il ne comprend guère, et qui, devenu langue littéraire, est très différent des locutions qu’il emploie communément, retient cependant quelques expressions, retient les explications du maître, qui a voulu graver dans ces jeunes mémoires les usages antiques que les sages ont recommandé d’observer ; il retourne ensuite à ses travaux avec un bagage littéraire bien peu encombrant, mais à chaque instant de sa vie, la voix nationale p.005 le rappellera aux usages de ses aïeux. Depuis les temps les plus reculés, les lettrés, ceux qui possèdent les livres sacrés, qui ont pâli de longues années sur ces mêmes livres et sur les ouvrages des commentateurs, les lettrés qui ont accaparé le pouvoir et les charges, qui ont modelé leur vie extérieure sur celle des anciens, les lettrés ont sans cesse rappelé au peuple que sous peine de forfaiture et perte de face, il devait à l’égard des ancêtres, des dieux, des empereurs, suivre les usages et les Rites. Les siècles sont passés, et les générations sont tombées en poussière et cependant les usages et les rites sont demeurés incompris de la masse souvent, mais aussi fidèlement remplis, exécutés qu’il y a deux mille ans. L’antique doctrine condensée dans les Se-chou des disciples de Confucius, passe en Europe pour une véritable doctrine philosophique. Parfois on entend citer certaines sentences de Confucius et, pour qui se laisse prendre au mirage des mots et des formes orientales, le charme inaccoutumé qu’elles donnent à l’esprit laisse p.006 croire que leur auteur fut un génie profond comparable aux sages de la Grèce. Les savants travaux d’illustres sinologues comme Zottoli, Wiger, Couvreur, Doré, etc., ont analysé toute la littérature classique chinoise, ont fouillé toute les archives, ont, après des vies d’un labeur écrasant, donné à nos contemporains l’idée juste qui ressort de cet ensemble de productions antiques et le résultat est au moins décevant. A côté de beaux aphorismes, maxime de morale naturelle, aucune idée philosophique sérieuse ne se trouve, ni dans le texte, ni dans les notes.

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