L’analyse straté gique du jeu d’acteurs tout au long du projet

L’analyse straté gique du jeu d’acteurs tout au long du projet.

Après avoir abordé l’application de l’approche de Palo Alto au moment d’analyser la commande, nous allons désormais nous interroger sur son intérêt dans la manière de conduire les projets en aménagement tout au long de leur avancement ; que ce soit dans l’animation des acteurs, dans l’organisation de la conduite et de la concertation notamment, dans la résolution de blocage. Nous verrons dans un premier temps que, conduire des projets lorsqu’on adopte la posture constructiviste de Palo Alto, implique une manière particulière de se comporter vis-à-vis des autres acteurs. Par exemple, l’urbaniste n’impose pas ses propres convictions aux autres. Il ne se contente pas de consulter les différents acteurs mais prend en compte et travaille avec leur vision du projet. Puis, nous étudierons la manière dont sont utilisées les visions individuelles des acteurs pour débloquer les interactions divergentes, lorsque Sabine GUITEL et Valérie CHARROLAIS appliquent notamment le recadrage de l’approche de Palo Alto. Enfin, nous nous aborderons l’application de l’intervention systémique à contre-sens des tentatives de solution en aménagement, par l’analyse de cas concrets rencontrés par Sabine GUITEL et/ou Valérie CHARROLAIS. Cette manière d’envisager la conduite de projet sera également confrontée aux pratiques des urbanistes non formés qui ont été interrogés : Explorent-ils les visions du monde des acteurs ? Si oui, comment ? Ont-ils tendance à imposer leurs propres convictions ? Travaillent-ils réellement avec les autres acteurs ou ces derniers sont-ils uniquement consultés ? Considèrent-ils que tous les acteurs doivent être pris en considération ? Si oui, comment cela se concrétise-t-il ? Ne pas imposer sa vision du monde à l’autre, c’est ne pas exercer d’influence sur la personne interrogée et donc éviter de réduire le champ des réponses possibles. La notion de question ouverte/fermée n’est pas pertinente. Ce qui importe c’est de ne pas charger la question d’implicite pour pousser la réflexion sans orientation pré définie. Finalement, ne pas imposer sa vision commence par exclure tout implicite dans le questionnement de la vision du monde de l’autre.

Ne pas imposer sa vision du monde à l’autre.

Ne pas imposer sa vision lorsqu’on questionne une personne sur ses constructions de la réalité est un travail particulièrement difficile. Les personnes, en formation à l’approche de Palo Alto, pour la deuxième fois admettaient n’être « jamais anthropologue à 100% » : « On a toujours tendance à plaquer sa vision du monde ». Il convient notamment d’éviter les questions factuelles, au demeurant rassurantes puisqu’elles favorisent l’expression de l’autre, mais qui sont souvent inefficaces car trop souvent orientées. Cette posture basse est d’autant plus difficile à tenir que contrairement à un psychothérapeute, l’urbaniste est déjà à l’intérieur du système d’acteurs du projet. Selon Sabine GUITEL, être à la fois dans le système pour donner des informations en tant qu’expert et en dehors, « en méta-position » pour poser des questions sans orientation demande beaucoup d’énergie. « Il est particulièrement difficile de concilier ces deux positions et on risque alors d’être submergé ». De plus, les personnes en formation à l’approche nous faisaient remarquer que l’ambigüité ou le décalage entre le rôle d’expert et la position d’anthropologue n’est pas toujours facile à tenir puisqu’on peut alors risquer d’être décrédibilisé par l’autre. En effet, on ne s’impose pas et donc l’équilibre du rapport de force est moins en faveur de l’urbaniste. Néanmoins, il semblerait que ce risque soit plutôt limité. Selon Valérie CHAROLLAIS, « les gens sentent que le questionnement est différent ». En posture basse d’anthropologue, on ne s’énerve pas et les personnes interrogées apprécient en général d’être écoutées. Même si rester en posture basse d’anthropologue est compliqué, les personnes en formation à l’approche de Palo Alto nous confiaient que cette dernière leur avait permis justement de « prendre conscience d’imposer leur vision du monde à l’autre ». L’approche de Palo Alto a même aidé certains d’entre eux à prendre du recul quand leurs propres convictions se sont retrouvées opposées à la vision de leurs interlocuteurs. Une personne, en formation à Paris, a d’ailleurs témoigné avoir expérimenté ce concept de respect de la vision de l’autre. Cela lui avait parfois permis d’arrêter de perdre de l’énergie à vouloir changer la vision de l’autre plutôt que de l’accepter.

Avec l’approche de Palo Alto, on ne se contente pas d’explorer la vision du monde l’autre mais on la prend en compte, on travaille avec. Sabine GUITEL nous confiait d’ailleurs que l’approche de Palo Alto lui a montré qu’ « il est beaucoup plus enrichissant de travailler avec la vision des autres plutôt qu’imposer simplement la sienne ». Finalement, c’est se poser la question : « comment la vision du monde de chacun peut apporter au projet ? ». La vision des uns et des autres devient alors un élément supplémentaire du projet sur lequel on peut s’appuyer. On ne se contente pas d’explorer les visions du monde, on en tient compte et surtout on fait avec. Elisabeth RICHEZ semble accorder beaucoup d’importance à la vision du monde des acteurs. Pour elle, l’exploration des visions du projet se fait automatiquement lorsqu’elle demande aux acteurs s’il y a des projets qui sont en cours et ce qu’ils en pensent. Elle travaille beaucoup avec les acteurs pour identifier d’autres possibles. Pour elle, la vision du projet des acteurs du territoire est essentielle : « On a toujours notre retour d’expérience mais c’est mieux si ça vient du territoire. Au début j’étais un peu trop directive et pas adaptée au territoire. Aujourd’hui on part de ce qu’on veut mettre en place et on cherche des solutions vraiment adaptées au territoire ». Elisabeth RICHEZ est également assez sensible à l’idée de ne pas imposer sa vision du monde : « Quelque chose marche très bien, c’est les visites d’opérations hors territoire avec des élus et des habitants. Ils essaient de se faire leurs propres opinions. On a des idées préconçues mais notre rôle ce n’est pas d’imposer les idées qu’on a mais de Pour Cathy SAVOUREY, explorer la vision du projet des acteurs est le point de départ du projet. Les premières questions qu’elle pose sont : « Qu’est-ce que vous vous avez envie de faire ? Quelles sont vos priorités ? Quel est votre projet ? ». Dans son exploration, elle ne se contente pas des dires de la personne en face d’elle : « Il est important encore de voir la manière dont les acteurs fonctionnent. Sont-ils synthétiques ou ont-ils besoin de détails ? Quel est leur langage ? ». Cathy SAVOUREY accorde également beaucoup d’importance à la dimension politique du projet dans sa manière de le conduire : « Il est important de décrypter de quel parti sont les acteurs mais surtout dans quelle mouvance ils se positionnent. Il existe souvent des mouvances très contrastées au sein d’un même parti politique. Il faut également analyser leurs positions idéologiques. Par exemple, il peut être intéressant de savoir si un acteur est plutôt orienté vers des services publics forts [comme Jean-Luc MELENCHON par exemple] ou une délégation de ces derniers [comme Dominique STRAUSS-KAHN] ».

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