Le contrôle au service du management de l’entreprise

Le contrôle au service du management de l’entreprise

Le contrôle de gestion connaît, depuis quelques années, des mutations importantes. Ces évolutions modifient le positionnement de cette pratique dans les entreprises et dans le monde académique. Un grand nombre d’évolutions et de progrès ont permis au contrôle de gestion de s’enrichir et de devenir une fonction stratégique. Le contrôleur de gestion s’occupe ainsi davantage de systèmes d’information, de création de valeur et contribue à maîtriser la turbulence de l’environnement de l’entreprise. Il déborde ainsi de plus en plus de ses missions traditionnelles. Mais un certain nombre de dérives l’ont également parfois éloigné des décideurs qui, dans certains cas, n’y voient qu’un mal rendu nécessaire par leur hiérarchie. Le mot même de contrôle de gestion finit par poser problème tant il est connoté péjorativement dans un grand nombre d’entreprises. Les titres de nombreux livres sur le sujet ont d’ailleurs opéré un glissement sémantique afin de mieux pouvoir mettre en valeur les apports fondamentaux de cette discipline. Cet ouvrage n’échappe pas à cette règle et en fait même l’un des axes de la problématique défendue. Dans cette introduction, nous verrons d’abord les raisons qui font du contrôle de gestion une discipline d’actualité. Puis, nous définirons ce que nous entendons par contrôle de gestion afin de montrer qu’il couvre l’ensemble de la mesure et du pilotage de la performance.

 Les transformations du contrôle de gestion

 Le contrôle de gestion subit depuis quelques années de profondes transformations : • Durant les années quatre-vingt, de nombreuses critiques ont été exprimées à l’égard du contrôle de gestion et du calcul des coûts (voir notamment Johnson et Kaplan, 1987). Selon ses détracteurs, il aurait entraîné les entreprises occidentales à prendre de mauvaises décisions économiques qui auraient contribué à leur déclin. Peters et Watermann (1982) dans « Le prix de l’excellence » ont même proposé de recentrer les démarches de pilotage des entreprises autour d’outils plus « mous » fondés sur une implication accrue du personnel. Mais ces solutions ont vécu, les entreprises ont besoin de système de suivi économique fort. Le problème de la place que les outils du contrôle de gestion doivent occuper dans les entreprises reste entier. • L’informatisation de la fonction crée également des bouleversements évidents : Excel est historiquement l’outil le plus commun et reste encore aujourd’hui dominant. Mais depuis quelques années sont apparus des logiciels spécialisés de plus en plus pointus qui, selon les éditeurs, permettent des analyses plus fines, fournissent des données plus fiables, autorisent des décisions plus rapides. Dans certains cas, ces logiciels proposent en option les « 150 indicateurs les plus utilisés par les entreprises dans le monde » permettant de piloter n’importe quelle activité. Un forum a été créé à l’initiative de la DFCG le contrôle au service du management de l’entreprise (Association Nationale des Directeurs Financiers et Contrôleurs de Gestion) pour accompagner ce développement technologique : Progiforum. Enfin, plus récemment, le développement des ERP (Enterprise Resource Planning ou en français PGI pour Progiciels de Gestion Intégrée) a permis d’automatiser le contrôle de gestion et a rendu inutile de nombreuses ressaisies. En permettant aux responsables d’avoir accès directement aux informations du système, les ERP créent une « structure de verre ». Mythe ou réalité d’un contrôle de type big brother ? L’information de gestion n’est pas une donnée qui se laisse facilement appréhender et manipuler. La facilité d’accès à l’information peut être source de piège sur son interprétation. Plus d’informations, plus vite mais pas plus réfléchie Cela change toutefois la nature du travail du contrôleur de gestion. Ce changement est-il toujours une bonne chose pour la fonction de contrôleur de gestion ? • Un environnement et des conditions d’activité de plus en plus complexes et turbulents sont également des faits soulignés par de nombreux professionnels. La gamme des produits fabriqués et vendus par l’entreprise s’élargit, le cycle de vie des produits se réduit, les produits intègrent de plus en plus de service, les réactions des concurrents sont plus rapides, les prix sont devenus extrêmement volatils. Ces effets bien réels sont toutefois souvent exagérés notamment pour des raisons psychologiques et cognitives. Quel professionnel aurait envie de proclamer qu’il travaille dans un environnement routinier, sans défis à la hauteur de ses compétences ? Il reste encore de nombreux îlots de stabilité dans l’entreprise qui devraient conduire à développer des systèmes de contrôle de gestion différenciés quand certains préconisent des modèles uniques. • De nouveaux concepts viennent enrichir les pratiques du contrôle de gestion à un rythme de plus en plus élevé (Activity-Based Costing ABC/ABM, création de valeur, balanced scorecard ou tableaux de bord stratégiques, gestion transversale…). Effets de mode ou réelles nouveautés ? L’histoire fera le tri. Ces outils ont souvent tendance à se superposer sans forcément constituer un ensemble homogène. Ces nouveautés n’ont pas le même poids et sont souvent interprétées différemment selon les acteurs les entreprises. Une contingence liée à la culture nationale vient également compliquer la chose : ce qui est bon pour les Etats-Unis l’est-il pour la France (voir par exemple Bourguignon, Malleret et NØrreklit, 2001) ? Les consultants ont un rôle important dans cette accélération. Mais tout cela n’est-il pas finalement du marketing ? Cela pose enfin a question de savoir comment ces outils s’articulent les uns par rapport aux autres et de ce fait amène à s’interroger sur les finalités du contrôle de gestion. • Dans un autre registre, on assiste aussi à des dérives techniciennes et technocratiques : utilisation de néologismes et d’anglicismes, focalisation excessive sur les outils du contrôle et sur ses dimensions les plus formalisées ce qui entraîne parfois une bureaucratisation de la fonction. Le développement de termes et de concepts différents d’une entreprise à l’autre rend en outre la compréhension des pratiques d’entreprises souvent difficile. Le développement du contrôle de gestion ne s’accompagne pas d’une normalisation du vocabulaire. Compte tenu de toutes ces évolutions (la liste ci-dessus n’est pas exhaustive), il est nécessaire de bien définir ce qu’est le contrôle de gestion. On peut le définir soit par le métier de contrôleur de gestion, soit par les outils qu’il utilise ou soit comme un processus de management. La dernière définition est la plus satisfaisante car elle positionne correctement les enjeux. Voyons au préalable d’autres approches. 

La diversité des interventions du contrôleur de gestion

 Le contrôle de gestion a son professionnel, le contrôleur de gestion. Sa position dans les entreprises est cependant très différente d’une entreprise à l’autre. Les tâches que le contrôleur réalise varient d’un contrôleur à l’autre (voir les fiches de poste en annexe 1). Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux petites annonces publiées dans les journaux. Selon la taille des entreprises, le contrôleur de gestion s’occupera, outre du calcul des coûts, des budgets et des tableaux de bord, de la comptabilité, de l’audit opérationnel, de la gestion de stock ou encore de la paye… Les contrôleurs de gestion ont également des concurrents dans l’entreprise. Le contrôle de gestion (management control en anglais) devrait essentiellement s’occuper de la maîtrise du management. Or, bien des professionnels de l’entreprise jouent le même rôle à commencer par les managers eux-mêmes. On remarquera au passage que le management n’est pas la gestion. Le remplacement du mot « management » par le mot « gestion » dans la traduction du terme anglais n’est sans doute pas sans conséquence dans la pratique. Cela ne signifie pas pour autant que le contrôleur de gestion soit un manager. Il ne prend pas (ou ne devrait pas prendre) de décisions à la place du manager. Il doit simplement l’assister dans sa mission en agissant comme un conseiller qui aidera le manager à :  prendre les bonnes décisions,  orienter les comportements,  mettre en place la stratégie. Le contrôle de gestion est donc la tâche du manager assisté d’un professionnel : le contrôleur de gestion. Faire du contrôle de gestion est donc un acte de management et le contrôleur de gestion sera en concurrence avec tous les autres dispositifs de management. Mais les contrôleurs de gestion semblent parfois coupés du management. Le contrôle de gestion est quelquefois (trop souvent ?) considéré, par les managers, ou les contrôleurs de gestion eux-mêmes, comme l’activité du département contrôle de gestion. Les contrôleurs sont alors relégués dans des activités technocratiques et bureaucratiques sans véritable valeur ajoutée ou à destination unique de la direction de l’entreprise pour laquelle ils exercent des tâches de surveillance. Le mot de « contrôle de gestion » est sans doute lui-même le meilleur exemple des ambiguïtés de la pratique. Le terme contrôle de gestion a un double sens : • Contrôler a d’abord le sens de « vérifier ». C’est le contrôle fiscal, le contrôle de fin de trimestre ou le contrôle qualité. Il s’agit de s’assurer que les processus analysés produisent des résultats conformes à une norme. • Contrôler signifie également « maîtriser ». C’est le contrôle du ballon par un footballeur ou la perte de contrôle d’un véhicule. Il s’agit alors de s’assurer par des ajustements constants de comportement que les évènements se déroulent normalement. Cela n’implique pas de faire référence à une norme mais plutôt à un objectif à atteindre. Nicolas Berland © Citer ce livre : Berland N. (2009), Mesurer et piloter la performance, e-book, www.management.free.fr 8 Cette double signification du mot contrôle créée une ambiguïté et a été signalée de longue date. Déjà en 1930, lors de l’invention du mot contrôle budgétaire, traduction de budgetary control, l’une des techniques du contrôle de gestion, l’ambiguïté avait été notée. Cette ambiguïté est encore souvent présente dans les discours et les pratiques du contrôle de gestion. La nuance n’est pourtant pas uniquement rhétorique car elle conditionne la façon dont le contrôle de gestion va être perçu et utilisé dans l’entreprise. La diversité des tâches accomplies par le contrôleur de gestion est également différente d’une entreprise à l’autre comme on peut le déduire de l’analyse de Mintzberg (1982). Ce dernier distingue cinq composantes pour décrire une organisation : • Le sommet stratégique regroupe la direction de l’entreprise. Il s’assure de l’atteinte des finalités de l’entreprise, évalue les réalisations, alloue les ressources. Il règle les conflits internes à l’organisation et sert d’interface institutionnelle avec le monde extérieur. C’est lui qui définit la stratégie de l’entreprise. • La ligne hiérarchique est constituée de l’ensemble des cadres qui assure un rôle de liaison entre la direction et les opérationnels. Elle sert à transmettre l’information et à décliner la stratégie mais également à faire remonter l’information permettant le contrôle de l’entreprise. • Le centre opérationnel accomplit le travail de transformation des produits et services. Il est directement en contact avec les clients et les fournisseurs. • La technostructure est constituée de l’ensemble des personnes qui dans l’organisation analysent le travail des autres pour en accroître l’efficacité et l’efficience. Elle standardise le travail en définissant les méthodes et en établissant des normes. C’est, par exemple, le bureau des méthodes, l’ordonnancement, le contrôle de gestion, les recruteurs qui définissent les profils à recruter et les grilles de qualification ou encore le marketing. • Les fonctions de support logistique comprennent l’ensemble des entités de l’organisation qui fournit des services aux autres. La plupart de ces services peuvent être externalisés sans trop de difficultés ou être effectués par des services partagés. On y trouve les conseillers juridiques, la paie, le traitement du courrier, la R&D. Le contrôleur de gestion appartient à la technostructure de l’entreprise. Son travail a des conséquences sur l’activité des autres membres de l’organisation dans la mesure où il leur permet de juger des résultats de leurs actions. De sa modélisation vont dépendre les choix stratégiques et le pilotage au quotidien de l’organisation. Mais ce n’est pas lui qui réalise ses actions de management. Il se contente, ce qui est déjà beaucoup, de les documenter.

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