Le fonctionnement des marchés illégaux

CRIMINALITÉ FINANCIÈRE
Le blanchiment de l’argent sale et le financement du terrorisme passent aussi par les entreprises

LE FONCTIONNEMENT DES MARCHÉS ILLÉGAUX

Esquisse de typologie Les marchés illégaux e distinguent, d’une part, des marchés légaux et, d’autre part, des marchés parallèles (ou informels). La différence entre les marchés illégaux et les marchés parallèles tient à la nature des biens qui y circulent : Les premiers donnent lieu à des échanges de biens illicites dont la production et la consommation sont interdites. « C’est alors l’incompatibilité entre les normes juridiques et une demande de consommation peu élastique aux prix qui crée la rentabilité de l’intervention des acteurs économiques […] et cela, en partie à la suite du risque qu’implique la participation aux activités illégales et en partie grâce à la mise en place de barrières à l’entrée […]. »2 Sur les marchés illégaux, toutes les règles sociales sont délibérément transgressées par les acteurs qui veulent obtenir un profit maximum, quels que soient les moyens à employer pour y parvenir. Sur les seconds, les transactions portent sur des biens licites échangés illégalement (la contrebande de cigarettes ou d’alcools est l’un des exemples les plus connus). Les méthodes illégales qui y sont employées visent à éliminer des contraintes juridiques (réglementations sur la composition ou la distribution des produits), fiscales (paiement de taxes ou de droits), économiques (pénurie) ou même politiques (embargo).
Par rapport à cette distinction, la contrefaçon pose un problème particulier ; en effet, il s’agit de fabriquer et de commercialiser des marchandises tout à fait licites mais qui sont des faux dès leur mise en vente. De plus, la production de ces biens donne généralement lieu à divers délits (emploi de travailleurs clandestins, non respect des législations fiscales et sociales, etc.). Certaines organisations criminelles (asiatiques, italiennes et turques) sont particulièrement actives dans le domaine de la contrefaçon . La différence entre les marchés illégaux et les marchés parallèles tient à la nature des biens qui y circulent.
La différence entre les marchés illégaux et les marchés parallèles tient à la nature des biens qui y circulent.

Le besoin de protection

Le fonctionnement des marchés illégaux est en permanence menacé par trois facteurs déstabilisants4 : • les accords conclus entre les acteurs sont toujours susceptibles d’être remis en cause par l’une des parties, voire par un tiers, et il n’existe pas alors d’instance d’arbitrage ; • les biens échangés sont toujours susceptibles d’être saisis par les autorités publiques ; • les acteurs, quant à eux, peuvent être arrêtés (individus) ou démantelés (réseaux ou groupes criminels) à tout moment. Le maintien d’une présence sur les marchés illégaux et, a fortiori, une stratégie de développement requièrent la mise en place d’une protection contre ces risques ; une défense efficace suppose une capacité de mobilisation de moyens financiers, politiques et coercitifs conséquents. Les disponibilités en capital sont indispensables pour financer la production des biens ou des services ; les besoins sont ainsi particulièrement importants pour organiser des trafics de stupéfiants.
Une défense efficace suppose une capacité de mobilisation de moyens financiers, politiques et coercitifs conséquents.
Les réseaux d’hommes politiques plus ou moins corrompus permettent, d’une part, de compléter les sources de financement en favorisant le détournement des fonds publics et, d’autre part, d’établir une ligne de protection vis-à-visdelapoliceetdelajustice.« Ils’agitd’influencer ou de paralyser l’orientation et la dimension des politiques publiques de sanction […]. Le développement de relations clientélistes avec la population du territoire représente un investissement dans la Communauté qui permet de gagner une certaine légitimité et qui offre une protection. Le rapport clientéliste entretenu par les organisations mafieuses est une constante de leur stratégie de générosité intéressée. Cette stratégie rationnelle de protection induit une fonction de régulation des relations sociales, de médiation et une fonction redistributive. »  La menace et la violence sont utilisées de manière assez rationnelle contre les organisations concurrentes, les protecteurshésitants,les alliés infidèles et bien sûr l’État dont le monopole de l’exercice de la violence légitime est contesté par les organisations criminelles.

Le comportement des acteurs

Au milieu des années soixante-dix, les économistes américains Buchanan et Rubin ont présenté le fonctionnement des marchés illégaux comme étant de type monopolistique ; cette qualification est attestée, dans une certaine mesure, par le fait que les organisations qui contrôlent ces marchés éliminent tous ceux qui tentent de s’y implanter. Le recours à la violence est alors déterminant puisqu’il permet de contrecarrer les agissements des concurrents potentiels ; il conditionne la survie des organisations en leur permettant de conserver les positions monopolistiques qu’elles occupent. Il s’avère d’ailleurs que l’utilisation de la violence est beaucoup mieux « gérée » quanduneorganisationestcapabledemaintenirsasituation de monopole ; en effet, l’affrontement entre plusieurs entités pour le contrôle d’un marché provoque une augmentation des dépenses liées à la sécurité(mesures défensives et offensives). « En subissant l’ensemble des coûts issus de l’utilisation de la violence, un monopole fait un emploi plus efficient de cet instrument. La centralisation des informations sur les effets de l’utilisation de la violence par un seul entrepreneur autorise un calcul coûts/avantages plus efficace. »
Le recours à la violence est déterminant ;il conditionnela survie des organisations en leur permettant de conserverles positions monopolistiques qu’elles occupent.
Plusieurs auteurs américains et italiens ne partagent pas ce point de vue, qui laisse penser que le comportement des acteurs présents sur les marchés illégaux est très ordonné, chaque marché étant entièrement contrôlé par une organisation qui exclut toutes les autres. Peter Reuter considère ainsi que l’usage systématique de la violence et de la corruption (la « main visible », selon sa célèbre formule) ne garantit pas à une organisation criminelle qu’elle conservera durablement sa position de monopole sur un marché ; elle peut très bien être écartée par une ou plusieurs organisations concurrentes plus puissantes et/ou plus agressives.

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