Le lactosérum production et défis liés à sa valorisation

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La β-lactoglobuline

Structure et propriétés physico-chimiques

Appartenant à la famille des lipocalines, la β-LG (Figures 1a et b), protéine majoritaire du lactosérum (représente environ 55% de l’ensemble des protéines), présente une structure globulaire [12]; [21]. Il existe 11 variants génétiques, cependant, les variants A et B, qui diffèrent par la substitution de deux acides aminés Ala64-Gly64 et Val118-Ala118, sont les plus répandus. Chaque monomère de β-LG est composé de 162 acides aminés formant une chaîne polypeptidique ayant une masse moléculaire de 18,4 kDa (Figure 1). Le point isoélectrique de la β-LG est de 5,2.
La β-lg est composée de 10% d’hélices α, et de 50% de feuillets β responsables de la formation d’une cavité hydrophobe au cœur de la protéine caractéristique de l’ensemble des protéines de la famille des lipocalines [5]; [19]; [11]. De nature hydrophobe, la cavité donne la capacité à la β-LG de lier plusieurs espèces hydrophobes (vitamines lipophiles, rétinol, acides gras, etc.) [11]; [22], [24] ; [23]. Cette cavité, caractéristique de la structure tertiaire d’un monomère de β-LG, repose sur le repliement des chaînes protéiques de la structure secondaire, composées principalement de 8 brins antiparallèles (A-H : Figure 1a) liés par des liaisons hydrogènes et bordés par une hélice constituée par l’arrangement de plusieurs acides aminés. Le 9ème brin est directement impliqué dans la configuration dimérique de la protéine suite à des liaisons intermoléculaires avec le même brin d’un autre monomère, moyennant des interactions électrostatiques (Figure 2-b). Cette structure dimérique est aussi maintenue par des liaisons hydrogènes situées de part et d’autre des deux monomères et mettant en jeu leurs courbures (AB) ou « AB loops » (Figure 2-a).
La β-LG possède 5 résidus cystéines (Cys), Cys160, Cys121, Cys119, Cys106, Cys66, formant deux ponts disulfures (S-S) (Figure 1b) qui assurent la stabilité de la protéine, et un groupement thiol libre au résidu Cys121. La présence de ce groupement libre est largement responsable des modifications structurales de la β-LG sous différentes conditions de pH, de température et de pression [25]. En effet, l’application de ces diverses conditions physico-chimiques à une solution de β-LG permet essentiellement de dévoiler la fonction thiol libre initialement non disponible au sein de la cavité hydrophobe et qui va ainsi pouvoir réagir pour générer des réactions d’échange SH/S-S en fonction de l’intensité des paramètres appliqués. Ces réactions d’échange SH/S-S vont engendrer la polymérisation ou la gélification de la protéine dont le degré d’intensité est directement liée aux paramètres physico-chimiques appliqués.
Figure 1. Structure tertiaire du monomère de la β-LG montrant : les 8 brins antiparallèles β (A-H) liés par des liaisons hydrogène formant des courbures β « loops » (a) et les positions relatives des cinq résidus cystéines formant deux ponts disulfures (b).
Figure 2. Structure dimérique de la β-LG formée par l’interaction électrostatique entre les résidus Asp33 et l’Arg40 des courbures AB et l’association antiparallèle des brins β (I) de chaque monomère.
Bien qu’étudiée principalement pour ses propriétés fonctionnelles et nutritionnelles, de nombreux travaux se sont également intéressés à l’hydrolyse enzymatique de la β-LG afin de générer des hydrolysats riches en peptides bioactifs.

L’hydrolyse enzymatique de la β-LG et la production de peptides bioactifs

Généralités sur l’hydrolyse enzymatique de la β-LG

Les peptides dérivés des protéines du lait ont été considérablement étudiés par leurs activités biologiques bénéfiques pour l’organisme. Les peptides bioactifs sont des molécules de faible poids moléculaires, composé généralement de 2 à 20 acides aminés. Ces fragments peptidiques sont naturellement inactifs au sein de la chaîne protéique, cependant, une fois libérés par hydrolyse chimique ou enzymatique ou encore par fermentation microbiologique, ces peptides ont le pouvoir d’exercer différentes activités biologiques bénéfiques pour l’organisme. Leurs effets bioactifs sont inhérents aux acides aminés qui les composent; et peuvent être de nature antihypertensive, antidiabétique, antioxydante [35] et hypocholestérolémique.
La production de tels dérivés peptidiques a majoritairement été réalisée par hydrolyse enzymatique de la protéine cible. Ces enzymes jouent le rôle de catalyseurs biologiques qui accélèrent la réaction de dégradation protéique et dont l’efficacité dépend du ratio enzyme : substrat (E:S) utilisé et d’autres conditions telles que : le pH, la température et la pression [11]. Parmi l’ensemble des protéines utilisées comme modèles protéiques afin d’évaluer l’impact du processus d’hydrolyse sur les modifications structurales et la production de biopeptides, la β-LG est sans aucun doute la protéine laitière la plus étudiée [5]. Plus spécifiquement, l’hydrolyse de la β-LG par la chymotrypsine [26], la thermolysine [36] ou la pepsine [6] ont permis de générer des peptides bioactifs. L’hydrolyse trypsique de la β-LG reste néanmoins la plus documentée.

L’hydrolyse trypsique de la β-LG

La trypsine est une endoprotéase synthétisée par les cellules du pancréas, et qui, en présence d’une chaîne protéique d’acides aminés, agit en coupant spécifiquement du côté C-terminal des acides aminés : Arginine (Arg/R) et Lysine (Lys/K) [28] ; [37] ; [38]. Plusieurs études ont porté sur la caractérisation des hydrolysats trypsiques de la β-LG en vue d’identifier les peptides générés. Les Figures 3 et 4 présentent respectivement un chromatogramme conventionnel d’un hydrolysat trypsique de β-LG (solution de β-LG à 10% (w/v) a été hydrolysée par la trypsine avec un ratio E:S de 1:1200, à 40°C et à pH 8) et l’ensemble des caractéristiques des espèces peptidiques générées [39].
Figure 3. Profil peptidique conventionnel d’un hydrolysat trypsique de β-LG.
Figure 4. Identification par LC-MS des séquences peptidiques détectées dans le profil chromatographique de l’hydrolysat trypsique de β-LG [39]
Parmi l’ensemble des espèces peptidiques listées à la Figure 4, plusieurs ont été largement étudiées pour leurs propriétés bioactives tel que présenté dans le Tableau 1.
Tableau 1. Liste des différentes séquences peptidiques bioactives générées par hydrolyse trypsique de la β-LG

Limites de l’hydrolyse enzymatique de la β-LG

Le contrôle des paramètres d’hydrolyse (choix de l’enzyme, ration E/S, pH, température, durée du processus) est crucial dans le processus de production de peptides bioactifs et la standardisation des hydrolysats générés. Cependant, réalisé sous pression atmosphérique, cette étape de digestion peut s’avérer potentiellement lente voire très peu efficace tel que démontré lors de l’hydrolyse pepsique de la β-LG native [36]; [1]. L’action de la chymotrypsine a également été étudiée sous les mêmes conditions et une résistance de la protéine native à l’hydrolyse chymotrypsique a fortement limitée l’efficacité de la digestion enzymatique [26]. Une optimisation de l’hydrolyse de la β-LG nécessite ainsi l’utilisation de concentrations élevées d’enzymes dont l’action catalytique reste minime [43] et dont les coûts d’achat peuvent s’avérer importants [9], ce qui vient limiter davantage l’utilité de ce processus. Afin de répondre à ces problématiques, plusieurs études ont présenté des stratégies visant à améliorer considérablement le processus d’hydrolyse protéique par une dénaturation préalable de la β-LG. Reddy et al. (1988) ont découvert qu’un préchauffage de la β-LG à 80°C et à 90°C a considérablement augmenté l’action protéolytique de enzymes utilisées [26]. Cependant, selon Leeb et al. (2015), le traitement à la chaleur de la β-LG est à l’origine du phénomène d’agrégation protéique et donc d’une diminution du degré d’hydrolyse et de la production de peptides bioactifs [38]. D’autres travaux de recherche ont porté sur l’utilisation des HPH en remplacement de l’application de températures élevées afin d’optimiser davantage la génération d’espèces peptidiques et les rendements d’hydrolyse enzymatique de la β-LG.

Les hautes pressions hydrostatiques

Principe des HPH et description du système de pressurisation

Le procédé utilisant les HPH (Figure 4a) repose sur l’application d’une pression de type « isostatique », c’est-à-dire appliquée de façon instantanée et uniforme sur l’ensemble de la surface du produit traité. Le liquide de pressurisation utilisé pour la transmission de cette pression est généralement l’eau [45]. Lors d’un traitement sous HPH, les pressions appliquées sont comprises entre 0,1 et 1000 MPa [46] ; [47]. Suite à la pressurisation, la décompression est le plus souvent instantanée. Plusieurs types de compressions peuvent être appliquées mais celle prédominante dans les procédés alimentaires est la compression indirecte (Figure 5b) durant laquelle une pompe à hautes pressions transfert le fluide de pressurisation (eau) dans une enceinte close elle-même saturée en eau (Figure 4b). L’aliment, à l’intérieur du système, subit alors une déformation mineure, de façon indirecte, jusqu’à atteinte de la pression désirée [1] ; [10].
Contrairement aux traitements chimiques d’aseptisation, la pressurisation appliquée n’agit pas uniquement en surface mais au sein de la matrice alimentaire [48]. D’autre part, et globalement, les HPH se distinguent des traitements thermiques par la conservation des propriétés organoleptiques et nutritionnelles des aliments traités tout en assurant l’inhibition des microorganismes d’altération et des pathogènes [10] ; [45].

Utilisations des HPH en industries alimentaires

La première utilisation des HPH a été documentée dès 1895 lorsque Royer a démontré les caractéristiques d’inhibition d’une pressurisation isostatique sur diverses bactéries pathogènes telles que Escherichia coli et Staphylococcus aureus. En 1899, Hite a montré que l’application d’un traitement de 600 MPa pendant 1 heure permettait d’inhiber les microorganismes pathogènes et d’augmenter la durée de conservation du lait cru jusqu’à 4 jours. Et 1914, le même auteur a utilisé le pouvoir bactéricide des HPH afin d’améliorer la conservation des fruits et légumes [45] ; [10]. En termes de modes d’actions sur les microorganismes, les HPH engendrent, tout dépendamment du niveau de pressurisation et de la durée du traitement, une déstabilisation de la bicouche phospholipidique et une dénaturation des protéines membranaires engendrant la formation de pores membranaires et le relargage du contenu cellulaire vers le milieu extérieur. Une dénaturation du matériel génétique (ADN, ARN) a également été documentée. En lien avec ces propriétés inhibitrices, la technologie utilisant les HPH a été particulièrement développée au Japon par la mise en place d’un système industriel de conservation des aliments par HPH en 1993 [50] ; [45]. Cette utilisation du procédé s’est par la suite démocratisée en Europe et dans le reste du Monde. En parallèle, de nouvelles applications ont été étudiées, dans le domaine alimentaire.
Ainsi, plusieurs travaux ont porté sur l’application des HPH pour le traitement de diverses matrices alimentaires afin de diminuer leur allergénicité [12]. En effet, les HPH ayant un impact sur la structure des protéines, diverses études ont visé l’étude de l’inhibition de l’allergénicité des protéines alimentaires suivant des traitements de pressurisation. Un traitement d’hydrolyse protéolytique par la Flavourzyme® sous HPH (400 à 500 MPa, 15min), s’est avérée efficace pour diminuer de 99,5% le pouvoir allergénique d’un isolat de protéines de soja [51]. Récemment, Zhang et al. (2017) ont démontré qu’un traitement à 600 MPa pendant 20 min a permis de diminuer drastiquement l’allergénicité de l’hémocyanine provenant du calamar [52]. Une baisse de la production d’IgE a également été observée chez les souris suite à une combinaison de la pressurisation (650 MPa) et de la chaleur (100°C, 15 min) sur une matrice de noix [53]. Le pouvoir anti-allergénique des HPH a également été étudié sur les protéines du lactosérum. Peñas et al. (2006) ont ainsi prouvé qu’un traitement à 200 ou 300 MPa pendant 15 min d’un mélange de lactosérum et de trypsine ou de pepsine , résulte en une diminution considérable de l’immunoréactivité des hydrolysats obtenus [12]. Plus spécifiquement, parmi ces protéines sériques, la β-LG, de par son rôle important dans l’allergénicité du lait et des produits laitiers, a été particulièrement ciblée [9]. Son pouvoir allergène est due à la rigidité de la structure tertiaire de la β-LG et de sa stabilité face à l’hydrolyse gastrique [54]. Cependant, le pouvoir allergène de la β-LG peut être diminué suite à la dénaturation de la protéine native par HPH engendrant des modifications de la structure tertiaire et une exposition des zones hydrophobes de la protéine [54]. La combinaison de l’hydrolyse enzymatique et des HPH s’est avérée également plus efficace quant à l’atténuation de l’effet allergénique de la β-LG par dénaturation complète de la protéine à 400 MPa pendant 5 min.
Une autre application des HPH dans le domaine alimentaire vise l’amélioration des propriétés fonctionnelles de diverses matrices protéiques alimentaires. En effet, la dénaturation protéique lors du traitement de pressurisation résulte en une augmentation de l’exposition des parties hydrophobes de la molécule traitée. Ainsi, les propriétés amphiphiliques induites permettent par exemple d’améliorer les propriétés moussantes [29] des solutions protéiques pressurisées. De plus, et suite aux traitements par HPH, les phénomènes d’agrégation engendrés par la formation de liaisons intermoléculaires par des ponts disulfures [56] favorisent généralement la formation d’un film viscoélastique aux interfaces huile/eau et air/eau, améliorant ainsi les propriétés émulsifiantes et moussantes des protéines.

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