Le malaise des directeurs départementaux

Le malaise des directeurs départementaux

Nous montrerons dans cette partie que les directeurs départementaux se sentent mal à l’aise face aux transformations de leur rôle, qui passe d’abord par une perte de certaines formes d’autonomie. Nous posons l’hypothèse que les effets vertueux de ces réformes se nichent dans ces changements de posture qui sont attendus de la part des cadres. Nous identifierons quelques risques associés. « On est devenu le bras armé de chaque chef de pôle de DIRECCTE. Que ce soit en matière de moyens, de ressources humaines, d’organisation, d’objectifs, tout passe maintenant par le niveau régional »823. « J’ai eu des absences au service renseignement. J’ai demandé à des agents des sections d’assurer des permanences. J’ai eu par exemple le chef du pôle T qui m’a dit : « Mais comment ! j’apprends que tu as mis untel sur le service des renseignements, alors qu’on a des objectifs à atteindre, alors que on a un plan de modernisation à tenir », et j’ai dû m’expliquer…le renseignement est piloté par le pôle T mais c’est pas sur le nombre de personnes renseignées qu’ils sont jugés, c’est plus sur le nombre de sources radioactives contrôlées…la campagne amiante etc…alors que moi si je laisse tomber les renseignements, je considère que je ne remplis pas forcément ma mission de service public et très vite je risque d’avoir la préfecture sur le dos, parce qu’elle aura des plaintes que le service est fermé ou saturé »824. « Jusqu’à présent le chef c’était le préfet de département, maintenant cela va être le directeur régional. Avant on discutait un peu en CTRI, on se partageait les moyens de façon collégiale. »

« On était patron de PME, on va devenir responsable de succursale. »826 « Quand je suis arrivé, j’ai voulu refaire les pochettes pour mettre les documents. Pour faire cela maintenant je dois demander la mobilisation des crédits régionaux, pour peu qu’en codir ils trouvent l’idée bonne, ils vont vouloir la généraliser…alors d’une part ce qui devait être un plus de mon département et valorisant pour mes agents car on leur montre qu’on s’intéresse à leur vie quotidienne, cela se noie dans un projet régional, d’autre part, cela met plus de temps à se mettre en place donc on a perdu en réactivité. »827 « Je les ai fortement positionnés au même niveau que les chefs de pôle, ils auront la main avec leur organisation, ils en débattront avec le Préfet, ils sont les mieux placés pour savoir s’il faut mettre plus de moyens sur le chômage partiel ou sur autre chose..Mais il est clair que les décisions d’allocations de moyens et de pilotage des missions et certaines décisions RH comme les avancements ou les primes seront in fine tranchées à mon niveau…le dialogue social aussi…on avait déjà enclenché ce mouvement avec la réunion collégiale en CTRI mais le mouvement s’accentue. »

Les directeurs départementaux des territoires ressentent avoir perdu de l’autonomie mais dans les deux dimensions, horizontales et verticales, donc aussi bien vis-à-vis des acteurs préfectoraux et des acteurs régionaux. Les directions départementales des territoires interviennent de plus en plus comme des acteurs en bout de chaîne car ils subissent la pression d’autres acteurs qui disposent d’un pouvoir supérieur au leur, et souvent du pouvoir de décision sur les ressources, qui s’accompagne de celui de définition des contours et du contenu des missions. C’est le cas des directions régionales qui distribuent les moyens financiers et les effectifs. C’est le cas des préfets qui disposent de l’organisation des services. Certains leur imposent des missions qu’ils ont du mal à endosser faute d’effectifs. D’autres les empêchent de réaliser certaines actions, soit qu’ils les rapatrient en préfecture (ou en sous-préfecture car ils peuvent être tentés de consolider la position des sous-préfets en leur confiant des missions techniques), soit qu’ils ne partagent pas la même vision du rôle de la DDT dans un domaine ou un autre. « Les préfets confient des missions transversales aux sous- préfets, ils se positionnent par exemple sur le photovoltaïque. Certains sous-préfets essaient aussi de phagocyter le réseau territorial de la DDT. »832 « Quand on a un sous-préfet qui devient plus technicien qu’un directeur car il n’a plus rien à faire, et qu’à l’inverse le directeur perd en connaissance des dossiers, il y a danger. Je le vis sur la politique de la ville où j’ai un sous-préfet très investi techniquement, c’est presque la course pour être aussi investi que lui. Il faut aussi que le sous-préfet accepte de ne pas interpeller directement les services, mais interpellent le directeur…Quand il est bon, c’est moins gênant. »833 « Si le préfet s’investit trop sur la technique, et qu’il s’expose, il risque de perdre de la hauteur sur la stratégie. »

 

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