Le médicament « écartelé entre le droit et la science »

Le médicament « écartelé entre le droit et la science »

Le médicament devant le juge administratif, Emballage juridique ou produit scientifique ?, AJDA, 20 juin 1991, p. 423 1044 V. PIGNARRE P., Qu’est-ce qu’un médicament ? Un objet étrange, entre science, marché et société, La Découverte, 1997, 232 p. 1045 ▪ Notre travail portant sur la définition juridique de lřaliment destiné à lřHomme, nous allons en conséquence nous intéresser uniquement à ce médicament à usage humain, sachant toutefois que ce produit peut concerner également le domaine de la santé animale au travers des médicaments vétérinaires définis par le Code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires institué par la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 (JOCE n°L311, 28 novembre 2001, pp. 1-66), directive elle-même modifiée par la directive 2004/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 (JOCE n°L136, 30 avril 2004, pp. 58 et s.), et par la directive 2009/9/CE de la Commission du 10 février 2009 (JOCE n°L44, 14 février 2009, pp. 10 et s.). ▪ Cřest ainsi quřil ressort de ce Code et plus particulièrement de son article 2 que ce médicament vétérinaire doit sřentendre de : « a) toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies animales ; b) toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’animal ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical ». restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques ». 175. L’impact limité de la directive 2001/83/CE – Alors que cette directive générale a été modifiée à maintes reprises1056, il aura tout de même fallu attendre la directive 2001/83/CE du 6 novembre 20011057 instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain pour trouver enfin une modification de cette conception du médicament par fonction. Une modification certes, mais qui nřa porté que sur la substitution du terme de « fonctions organiques » par « fonctions physiologiques », ce changement étant finalement totalement vain comme lřa précisé dans sa décision du 9 juin 2005 (affaire HLH Warenvertriebs GmbH et Orthica Bv1058), la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après CJCE) pour laquelle il convenait « de considérer que lesdites expressions ont en substance la même signification »1059. La problématique nřavait donc toujours pas changé et ce nřest pas la directive 2003/63/CE du 25 juin 20031060 complétant le Code communautaire au travers dřune annexe portant sur les « Normes et Protocoles »1061 qui a modifié la donne. 176. Une imprécision contraire au principe de légalité des délits et des peines en droit pénal ? – Ainsi la définition du médicament a longtemps été telle que lřon pouvait en déduire que la santé en général était visée avec une simple action sur le fonctionnement du corps. Et à vrai dire lřon pouvait chercher en vain « quelle boisson, quel produit absorbable et consommable

 La volonté du juge a au moins le mérite dřêtre claire puisquřil revendique explicitement ce désir du « tout-médicament » 1073. Et si un bémol a pu parfois être apporté, notamment à lřoccasion de lřaffaire Angelopharm où la CJCE a estimé que la définition du médicament par fonction « ne saurait englober des substances qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, (…) n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne modifient pas à proprement parler les conditions de son fonctionnement »1074, cette position a malheureusement été bien trop isolée… 179. L’apologie du « tout médicament » – Alors oui nous ne pouvons que partager lřidée selon laquelle il convient de protéger la santé publique. Oui si un choix doit être effectué en cas dřincertitudes réelles quant à la fonction thérapeutique ou nutritive dřun produit, il nous semble plus approprié que le produit nutritif soit vendu en pharmacie, plutôt que le produit thérapeutique puisse être acheté sans discernement1075. Mais de là à généraliser une telle option même en lřabsence dřambiguïté, il y a là un pas à ne pas franchir. Or à cette époque on en était arrivé à un tel point que lřon pouvait se demander si le juge ne consacrait pas sa réflexion à la seule recherche de motifs visant à légitimer une décision finale presque courue dřavance, celui-ci utilisant les « modalités d’emploi du médicament », « l’ampleur de sa diffusion », « laconnaissance qu’en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son application »1076, en allant même sur le terrain du médicament par présentation pour caractériser cette fonction. Et ce sans se cacher dřune telle pratique puisque selon lui le terme « en vue de », terme qui se trouve dans la définition du médicament par fonction, « permet d’inclure non seulement les produits qui ont un effet réel sur les fonctions organiques, mais aussi ceux qui n’ont pas l’effet annoncé, ce qui permet aux autorités publiques de s’opposer à la mise sur le marché de tels produits afin de protéger les consommateurs »1077. Or ces deux critères doivent être appliqués alternativement et non cumulativement ! Et dire que ces décisions injustifiées, incompréhensibles, se sont qui plus est répandues comme une traîné de poudre dans les prétoires nationaux1078. Indéniablement la situation devait se débloquer, dřautant plus que ces aliments dits de santé nřont cessé de se développer à un rythme effréné rendant encore plus problématique cette situation. Et fort heureusement la situation sřest débloquée, le Législateur voulant éviter (pour reprendre les propos tenus par le Comité dřétude sur les produits à la frontière du médicament1079) de faire entrer dans cette catégorie juridique les produits qui devraient être soumis à dřautres règlementations (Deuxième Section). Bien lui en a pris.

 

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