Le modèle d’irrigation gravitaire CALHY

Fonctionnement actuel

En Crau, les agriculteurs peuvent adhérer à de nombreuses structures professionnelles. Ces structures peuvent être classifiées en trois catégories :

– Les regroupements de la profession agricole : Chambres d’Agriculture, Syndicat de la propriété agricole, Centre Départemental des Jeunes Agriculteurs. . .

– Les regroupements de producteurs locaux : Comité du Foin de Crau, Syndicat du Mérinos d’Arles,…

– Les regroupements d’irrigants : Associations Syndicales d’irrigation qui peuvent être des Associations Syndicales Autorisée (ASA), Libres (ASL) ou Forcées (ASF), voir Figure 1-16

Ces derniers sont créées avant 1865, adhérents au Syndicat mixte de gestion des associations syndicales du pays d’Arles et Camargue qui assure la partie administrative et financière regroupant une quarantaine d’Associations de Crau et de Camargue. Ils assurent la distribution de l’eau à la parcelle selon un droit fixé, en contrôlant le respect des droits d’eau ; ils permettent de gérer les tours d’eau, les quantités utilisées et les aspects financiers liés à l’irrigation en fonction de la taille de l’exploitation par les producteurs agricoles eux-mêmes. En général, la somme de tous les droits d’eau des différentes ASA correspond au droit de prélèvement global dans le canal EDF. Les droits d’eau ont été définis sur la base de 0,0012 m3/ha/s (1,2 l/ha/s) il y a plusieurs siècles et sont restés les mêmes jusqu’à maintenant (Beltrando, 2015a). Ils sont appliqués à 100% en été pendant la saison sèche. Cette allocation est diminuée en début et en fin de saison d’irrigation (mois d’avril et septembre), seulement 60% de l’eau allouée étant alors disponible pour l’irrigation (Ballihaut, 2009; Beltrando, 2015b; Mailhol and Merot, 2008; Olioso et al., 2013a). Les producteurs de foins de Crau, qui adhèrent à une ASA, paient leur cotisation annuelle calculée en fonction de la surface irrigable de leur propriété : c’est la « cotisation au rôle ». La cotisation au rôle peut varier d’une ASA à l’autre, et va de 30 à 160,83 € à l’hectare souscrit, voir Tableau 1.6. Cette variation dépend du choix des arrosants et de leur implication dans l’entretien, total ou partiel, du réseau (désherbage, faucardage, …), la partie non prise en charge par l’agriculteur étant alors prise en charge par l’ASA. La cotisation doit également contribuer à la rémunération du personnel de l’association : directeur du syndic, secrétaire, garde canal, etc… Les caractéristiques des principales associations syndicales d’irrigants en Crau sont données dans le Tableau 1.7.

Changements d’usage des sols

Les coussouls sont les surfaces qui ont le plus disparu sur la plaine de Crau, en particulier dans la partie Nord : ils ont perdu 80% de leur surface atteignant près de 8900 ha en 2007 alors qu’ils occupaient près de 50000 ha au début de la construction des premiers canaux d’irrigation au XVIe siècle (Beltrando, 2015b; Bulot et al., 2014; Devaux et al., 1983). Dans le même temps, les surfaces irriguées passent de 0 ha à plus de 20000 ha (cf. Figure 1-17). Les zones de coussoul ont été transformées en zones de cultures à un rythme de près de 2 km² par an depuis cette construction (Cheylan, 1998). L’implantation des cultures sur les Coussouls débute par des vergers, des vignes et des céréales. Les prairies de fauche se développent à partir du 19e siècle. Le développement économique et la construction de la Zone Industrialo-Portuaire (ZIP) de Fos-sur-Mer durant les années 1970-1980, a attiré plus de 20 000 personnes avec la création de nombreux emplois, notamment dans la partie sud et sud-ouest de la Crau : Fos/mer, Istres, Miramas, ainsi que dans la partie centrale de Saint-Martin de Crau, ce qui a nécessité des aménagements importants incluant des infrastructures collectives diverses : routières, commerciales, de loisirs (Beltrando, 2015b; Martin, 2008).

A la fin des années 1980, la destruction des Coussouls est due au développement de cultures industrielles (maraîchage, arboriculture fruitière) et par l’installation de structures industrielles et militaires. La Base Aérienne d’Istres occupe, avec ses annexes, près de 2 400 ha de coussoul, le centre de traitement biologique des résidus urbains une surface de 80 ha et la gare de triage de Miramas une surface de 200 ha (Beltrando, 2015b; Bulot et al., 2014; Martin, 2008). Les travaux dans le cadre du programme Astuce et Tic (De Mordant De Massiac et al., 2011) ont montré que l’urbanisation sous différentes formes avait réduit les surfaces agricoles de plus de 800 ha et les espaces naturels de 790 ha entre 1997 et 2009. Des projections futures ont été effectuées prévoyant que près de 600 ha de prairies irriguées seraient ouverts à l’urbanisation à l’horizon 2020-2025 (De Mordant De Massiac et al., 2011; SymCrau, 2014).

Changements climatiques

La disponibilité de l’eau pour l’irrigation dans la région est influencée par les changements climatiques, incluant l’irrégularité intra et interannuelle des précipitations et la sécheresse estivale, créant des stress qui menacent l’écosystème (Devaux et al., 1983; Dutoit et al., 2011; Henry et al., 2010; Houerou, 1981; Merot et al., 2008a; Mérot et al., 2011; Olioso et al., 2013a). A partir des mesures météorologiques réalisées depuis plusieurs décennies et des simulations climatiques réalisées à l’aide des modèles climatiques régionalisés, (Olioso et al., 2013a) ont analysé les évolutions climatiques passées et futures jusqu’à l’horizon 2030. Ils ont montré que les températures ont augmenté faiblement pendant la première moitié du 20em siècle, puis ont stagné jusqu’à 1980. Depuis l’augmentation se fait au rythme de 0.5-0,6 °C par décennie. Dans le futur, les hausses de température simulées pour le scénario A1B (Solomon et al., 2007) sont de l’ordre de 0,4 °C par décennie. Ces auteurs ont aussi indiqué que la pluviométrie a eu une augmentation sensible dans la première moitié du XXe siècle, suivi par une baisse sensible pouvant aller jusqu’à 3 mm par an à partir de 1960. Les tendances à la baisse de la pluviométrie concernent essentiellement l’été et l’hiver. Dans le futur, les tendances annuelles sont à une baisse légère d’environ 0,4 mm par an.

Depuis 1980, une augmentation a été enregistrée sur l’évapotranspiration, de l’ordre de 17 mm par décennie. Ces augmentations pourraient se poursuivre et rester fortes dans le futur, de l’ordre de 20 mm par décennie. La combinaison de la baisse en pluviométrie avec la hausse de l’évapotranspiration amplifie le déficit climatique annuel en eau d’environ 45 mm par décennie depuis 1960. Cette tendance doit se poursuivre dans le futur avec une augmentation du déficit hydrique annuel d’environ 20 mm par décennie. Les évolutions climatiques sur le bassin versant de la Durance (baisse des précipitations plus fortes que sur la Crau, augmentation des températures conduisant à une diminution du manteau neigeux et à sa fonte précoce, …) auront un effet direct sur le débit de la Durance et pourront impacter les modes de gestion de la retenue de Serre-Ponçon. Si le débit de la Durance peut être considéré comme un indicateur de la disponibilité de l’eau de la Durance, on ne peut le traduire directement en quantité d’eau disponible pour l’irrigation. Celle-ci dépend également de la gestion de la retenue de Serre-Ponçon et d’une éventuelle modification des arbitrages entre les différents usages de l’eau de Serre-Ponçon (irrigation, tourisme, débits réservés pour les écosystèmes du lit de la rivière, production d’hydroélectricité, …).

Évolution des pratiques d’irrigation Grâce à l’intervention d’Adam de Craponne, en construisant des canaux d’irrigation afin d’amener l’eau de la Durance en Crau, la Crau « verte » irriguée est apparue. Ce système traditionnel d’irrigation, tout en générant des « externalités » positives qui commencent à être reconnues (recharge de l’aquifère, structuration du paysage de bocage, enrichissement des sols par apport de limons, possibilité d’insérer les réseaux de canaux dans une politique de gestion des eaux de pluie, …) est cependant fortement consommateur d’eau. La construction du barrage de Serre-Ponçon a amélioré la régularité des débits de la Durance et la régularité de la disponibilité en eau dans la Crau, ce qui est positif. Mais dans le même temps, il a entrainé une réduction des apports limoneux de 10 mm/an jusqu’à 3-4 mm/an, dans les zones irriguées à la Crau (Andrieux, 1981; Bessonnet, 2002; Martin, 2008). La modernisation des irrigations gravitaires par submersion afin d’en améliorer l’efficience en limitant les pertes et fuites venant des canaux et la percolation sous la zone racinaire, peut avoir un effet négatif sur la nappe. Son maintien est en effet totalement dépendant des apports provenant de ces pertes : les estimations classiques montrent que de 66 à 82 % de la recharge annuelle est due aux irrigations (Olioso et al., 2013a).

D’un autre côté, des marges de manoeuvre possibles vis-à-vis du maintien de la recharge a un niveau acceptable peuvent être définies à partir d’une bonne connaissance et représentation (modélisation) des différents processus hydrologiques et hydrogéologiques présent sur la Crau. L’eau ainsi économisée peut permettre une extension vers des nouvelles surfaces irriguées, contribuant ainsi à pérenniser les paysages spécifiques de la Crau et la production agricole. Elle pourrait également être revendue à EDF pour être turbinée. Par ailleurs, le développement agricole pendant les années 1980-1990, avec une construction accrue des serres et la forte implantation de nouveaux vergers, s’accompagne d’une augmentation du nombre de forages pour assurer l’alimentation en eau des irrigations par pompage depuis la nappe de la Crau.

Table des matières

Table des illustrations
Introduction générale
1 Partie I : Introduction
Chapitre 1 : Description générale du site d’étude, la plaine de la Crau
Climatologie, pédologie et hydrogéologie de la Crau
Usage des sols, agronomie et irrigation sur la Crau
Les changements globaux sur le territoire de la Crau
Travaux réalisés dans l’UMR EMMAH sur le système Crau et points de blocage
Chapitre 2 : représentation et modélisation de l’infiltration gravitaire
Introduction du Chapitre 2
Équations macroscopiques utilisées pour décrire l’irrigation par submersion
Les différentes lois d’infiltration
Présentation de différentes modèles opérationnels
Utilisation des modèles opérationnels en mode inverse : estimation des propriétés des sols et des doses appliquées
Conclusion
Chapitre 3 : Démarche globale (organisation du travail)
2 Partie 2 : Matériels et Méthodes
Chapitre 1 : Le modèle d’irrigation gravitaire CALHY
Présentation du modèle
Critique des hypothèses du modèle de Green et Ampt
Signification et estimation des paramètres hydrauliques et hydrodynamiques du modèle Calhy
Détermination par modélisation d’une configuration expérimentale permettant l’estimation des paramètres hydrauliques et hydrodynamiques du modèle Calhy
Les sites expérimentaux et les protocoles expérimentaux
Suivi de l’évolution de la hauteur de la lame d’eau
Suivi de l’avancement de la lame d’eau au cours de l’irrigation
Mesures de débit
Mesures des géométries des parcelles et de l’épaisseur du sol
La teneur en eau du sol
Les enquêtes menées chez les exploitants agricoles
Outils numériques utilisés avec le modèlesCalhy : analyse de sensibilité par la méthode
FAST et méthode inverse du SIMPLEX
Analyse de sensibilité du modèle Calhy par la méthode FAST
La méthode SIMPLEX (multi-start bound-constrained simplex) et l’inversion du modèle Calhy
3 Partie 3 : Résultats et Discussions
Chapitre 1 : Caractérisation du modèle CALHY ; “Global sensitivityanalysis for identification the key estimation of Calhy’sparametersusing accessible operational outputs”
Inversion du modèleCalhy : “Estimation Of Soil Hydrodynamic Parameters And Soil
Hydraulic Roughness Through Inverse Modelling And Flooding Irrigation Experiments”
Chapitre 3 : Utilisation D’un Modèle A Base Physique Pour L’Optimisation Multicritères De
L’irrigation Des Prairies Par Submersion
Chapitre 4 : Caractérisation empirique de l’irrigation Estimating irrigation dose over
grasslandbordersusingregressionmodelswithfield dimensions and inflow rate
4 Partie 4 : Discussion générale et conclusion
Discussion générale
Conclusion
Références
Annexes
Annexe (1). Analyse de sensibilité préalable des proxys variables de modèle Calhy aux cinq
paramètres d’entrée
Annexe (2). L’ajustement des paramètres de modèle Calhy par l’inversion du modèle et avec des
data synthétiques des proxys variables proposé
Annexe (3). Etalonnage des sondes CS616
Annexe (4) Les enquêtes ont été réalisées à l’aide d’un entretien direct avec les exploitants à la Crau
Résumé

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