Le principe « un homme, une voix » un principe anti-capitaliste

 Comment démontrer l’anticapitalisme ?  

Comment effectivement démontrer l’anticapitalisme supposé du principe « un homme, une voix » ? Avant de répondre à cette question il convient toutefois de bien voir que le débat pour savoir si le principe s’inscrit bel et bien dans une démarche anticapitaliste se trouve amputé par des considérations historiques. 

Démontrer l’anticapitalisme du principe 

La solution se trouve dans la diversité qui est celle du mouvement coopératif ; elle se trouve aussi aidée par l’histoire. 68 Le principe « un homme, une voix » un principe anti-capitaliste 1. Un débat amputé En partant du postulat que le principe « un homme, une voix » est anticapitaliste, l’histoire ne peut que nuancer cette affirmation. En effet pour pouvoir dire que les sociétés coopératives et leurs principes sont anticapitalistes encore faut-il qu’il existe une organisation de l’économie de type capitaliste et des « antis » c’est-à-dire des mouvements qui se définissent comme hostiles à cette organisation et pour lesquels le mouvement coopératif pourrait se revendiquer. Or la coopération, le capitaliste, et les mouvements opposés à ce dernier n’ont pas la même histoire ; ils ne sont pas nés au même moment. Il convient donc d’établir la naissance de ces trois éléments pour pouvoir ensuite établir à partir de quelle date le mouvement coopératif et ses principes peuvent éventuellement se revendiquer comme étant anticapitalistes. Pour ce qui est des sociétés coopératives tout dépend de quoi il est question . Si l’on parle d’esprit coopératif il existe depuis la naissance de l’homme, si l’on évoque les sociétés coopératives modernes ces dernières n’existent que depuis 1844 et les pionniers de Rochdale, enfin si on a à l’esprit des entreprises à forme coopérative les premières, les fruitières, remontent au milieu du 13ème siècle. Ici ce qui va être retenu comme date de naissance c’est le milieu du 13ème siècle car c’est vraiment avec les fruitières qu’apparaît une organisation du travail dans le cadre d’une structure à forme coopérative. Concernant cette fois-ci la naissance du capitalisme il existe un consensus pour estimer que celui-ci commence à se développer à partir du 15ème siècle et l’apparition des marchands au long cours, en sachant qu’il faudra attendre la fin du féodalisme pour voir réellement le mouvement capitaliste établir, de manière dominante dans le monde occidental, son organisation économique. On estime néanmoins qu’il existait bien avant le 15ème siècle, dès l’antiquité, des pratiques que l’on peut qualifier de capitalistes. Cependant ces pratiques étaient très limitées géographiquement parlant, ce qui fait qu’on ne peut considérer la naissance du capitaliste que comme étant postérieure au 15ème siècle. Reste la question de la naissance de l’anticapitalisme. Nécessairement celle-ci se situe après le 15ème siècle et la naissance du capitalisme ; on ne peut en effet qu’être difficilement contre quelque chose si ce quelque chose n’existe pas… Plus précisément à quand peut-on 132 Cf. introduction générale de cette thèse. 69 faire remonter la naissance de l’anticapitalisme ? Pour pouvoir dater la naissance de cette opposition il convient tout d’abord de définir ce que l’on entend par opposition au capitalisme. Par opposition au capitalisme il faut entendre tous les mouvements qui ont, entre autres, comme objectif de lutter contre le capitalisme, non pas dans le but de l’aménager plus ou moins fortement, mais clairement dans le but de le remplacer. Cette définition exclut de la catégorie des anticapitalistes, le mouvement socialisme dans sa version moderne, c’est-à-dire à partir du début du 20ème siècle, pour ne retenir que sa version ancienne, auquel se rajoute le mouvement communiste. Pour ce qui est de dater la naissance du mouvement socialiste la situation est identique à celle qui consiste à dater la naissance du mouvement coopératif. Tout dépend en fait ici de la définition du socialisme. Le terme socialiste est né au 19ème siècle, plus précisément à partir des années 1820, et c’est à cette date que l’on peut officiellement dater le début du socialisme en tant que mouvement. Toutefois si on considère le socialisme cette fois- ci, comme la recherche d’une société plus égalitaire, alors ce dernier existait bien avant 1820. C’est la même chose, donc les mêmes difficultés, pour dater le début du mouvement communiste. Ce dernier entre pleinement dans l’histoire avec la révolution russe d’octobre 1917 et l’arrivée au pouvoir de LÉNINE. Toutefois sa naissance idéologique est plus ancienne et date de 1848 avec la publication par Karl MARX et Friedrich ENGELS du Manifeste du Parti communiste. C’est cette dernière date que nous retiendrons comme début officiel, entre guillemets, du mouvement communiste. Au final on ne peut donc, sous peine d’hérésie historique, parler par exemple d’anticapitalisme des fruitières du 13ème siècle et par voix de conséquence de son principe « un homme, une voix », cinq cent soixante-dix ans avant l’apparition du socialisme et près de six siècles avant celle du communisme… . 2. La diversité comme démonstration Pour démontrer que l’idéologie coopérative est polymorphe on pourrait étudier la façon de penser, dans différents pays, dans les différentes catégories de sociétés coopératives (société coopérative européenne, Société Coopérative Ouvrière de Production société coopérative de consommation , etc.), de différents acteurs du monde de la coopération ; dirigeants, managers, coopérateurs, associés investisseurs… Comme résultat on obtiendrait une multitude de réponses, signe d’une grande diversité. Le problème avec un tel mode d’analyse serait la mise à l’écart des règles juridiques qui elles aussi, permettent de démontrer la diversité de l’idéologie coopérative. On pourrait alors penser ne choisir que ces dernières pour analyser cette idéologie mais se poserait alors un autre problème. En effet dès que la loi leur en donne la possibilité les coopérateurs adaptent cette dernière136 . Quelle méthode peut-on alors retenir ? En réalité deux solutions, permettant de combiner étude du droit et philosophie des personnes qui ont fait ou qui font la coopération, existent. Le champ du débat est donc réduit mais ce dernier demeure intact. Néanmoins il apparaît, compte tenu de la diversité idéologique qui est celle de la coopération, qu’il est impossible d’affirmer que le principe « un homme, une voix » est un principe anticapitaliste. Reste maintenant à démontrer cette diversité ; un problème chasse l’autre… 

Comment démontrer cette diversité ?

 Maintenant que l’on a défini que, la diversité permettait de démontrer que le principe « un homme, une voix » n’est pas un principe anticapitaliste, se pose une autre question ; comment démontrer cette diversité ? 1. La première solution La première de ces solutions consiste à étudier la naissance de chacune des formes que prend la coopération, l’occasion de découvrir un foisonnement d’idées et de règles toutes différentes. En effet, et juste à titre d’exemple, prenons les banques coopératives137. L’histoire de ces banques coopératives est représentative de la diversité qui a concouru à créer les différentes catégories de sociétés coopératives ; diversité des idées politiques qui ont 135 Cf. chapitre VI, partie consacrée à la société coopérative de consommation. 136 Cf. chapitre II. 137 Cf. chapitre IV consacré aux banques coopératives. 71 contribué à leurs créations, diversité des idées quant au rôle que ces dernières devaient jouer138 . 

Diversité des idées politiques 

Diversité des idées politiques car, si par exemple la création du Crédit agricole139 s’inscrit clairement dans une logique de lutte contre les milieux conservateurs, la création dans les années de l’entre deux guerres par ces mêmes milieux conservateurs de sociétés coopératives agricoles, que l’on a qualifié de « coopératives agricoles blanches », s’inscrit fort logiquement dans une logique contraire. En effet la création du Crédit agricole est le fruit de la rencontre de deux volontés et d’un soutien. Volonté tout d’abord de la 3ème République de contrer les mouvements conservateurs en obtenant, pour ce faire, le ralliement du monde paysan. Pour atteindre ce but elle décide alors de procurer à ce monde paysan un accès au crédit plus facile d’où la loi du 5 novembre 1894 et la création du Crédit agricole . Volonté ensuite du ministre de l’agriculture de l’époque, Jules MÉLINE, partisan d’une agriculture centre de gravité de la vie économique française 1 et donc prompt à tout faire pour lui accorder les moyens, notamment financiers par l’octroi de prêts facilités, nécessaires à son développement. Soutien enfin de cette démarche créatrice de la part de républicain tel Pierre WALDECK-ROUSSEAU  . À l’opposé la création de banques coopératives par les conservateurs s’inscrit dans une logique de lutte contre les caisses de Crédit agricole qualifiées par les conservateurs de « coopératives rouges »

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