Les déjections humaines, matières à connaissances

Les déjections humaines, matières à connaissances

La distillation de l’urine et la découverte du phosphore

Dans le contexte d’une économie circulaire en devenir, la valorisation du phosphore excrété par les villes (dans ses eaux usées et boues d’épuration) mobilise chercheurs et industriels 644 , avec plus d’une vingtaine de thèses soutenues en France sur la période 2009-2019645 . Il est donc opportun de rappeler que l’urine a permis d’identifier l’élément chimique phosphore. A partir de la fin du XVIe s. apparaissent les premiers écrits sur la nature des déjections, avec des réflexions sur l’odeur produite par l’urine et les excréments 646 . Inspirés par sa couleur dorée, les alchimistes, en quête de la pierre philosophale, ont tout naturellement mené de multiples expériences pour analyser l’urine647 . En 1669, Hennig Brandt, négociant allemand de Hambourg passionné d’alchimie, assez riche pour faire évaporer de grands volumes d’eau, entreprend des travaux sur la distillation de l’urine, découvrant ainsi le 13ème élément chimique, le phosphore648 .

La méthode employée permet d’obtenir un peu moins de 100 grammes de phosphore pour un volume considérable de 1 000 litres d’urine pure après évaporation à sec, chauffage du résidu pour en isoler les substances salines, puis séchage et calcination intense : le rendement de la réaction est donc très faible649 . En 1678, Johann Kunckel, chimiste renommé de la cour de John George II électeur de Saxe, isole à son tour le phosphore par distillation à sec de l’urine en présence de sable, et publie sa méthode dans un ouvrage intitulé Oeffentliche Zuschrifft von dem phosphoro mirabili, vulgarisé en France par l’Académie royale des Sciences 650 . Parmi les résidus solides obtenus à la fin des opérations, de petits cristaux blancs brillent dans l’obscurité, présentant la propriété de pouvoir s’enflammer à l’air libre en émettant une lumière aveuglante. Curiosité remarquable, le phosphore, à l’origine du phénomène de phosphorescence qui lui doit son nom, devient une attraction.

L’analyse des déjections, un puits sans fond

Disciple de Dalton et Gay Lussac pionnier de la chimie analytique, honoré par une statue colossale de bronze à Stockholm, Berzélius est connu pour avoir déterminé la masse atomique de 45 des 49 éléments connus, simplifier la représentation symbolique des éléments chimiques et découvert le sélénium et le silicium. Il est aussi celui qui publie en 1808 un mémoire avec les premières déterminations analytiques d’un très grand nombre de matières animales solides comme liquides 657 . En 1833, dans son traité de chimie, Berzelius raconte le début de sa relation avec les excrémentsJ’ai fait, il y a 25 ans, des recherches sur leur composition.

J’indique l’époque comme une sorte d’excuse pour avoir alors négligé une foule de points qui de nos jours auraient pu être tirés à clair. Les excréments analysés avaient été rendus après avoir mangé une grande quantité de pain grossier, avec des aliments de nature animale… on verse sur des excréments frais… on filtre le mélange… il passe un liquide épais, gris verdâtre, et il reste sur l’étoffe une masse grossière, d’un gris brun. Comme le montre la Figure 127, Berzélius mesure avec une précision au 1/10ème plus d’une vingtaine de paramètres 658 , données reprises tout au long du XIXe s. 659 . La matière fécale mobilise d’autres savants étrangers comme, Grew, Barchuson, Brownrigg et Pinelli660, qui surmontent à leur tour les obstacles méthodologiques car il n’est pas facile de faire une séparation exacte de ces deux sortes de matières, et encore moins de distinguer les uns des autres les divers produits des sécrétions

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