L’HYPERSEXUALITE COMPULSIVE

L’HYPERSEXUALITE COMPULSIVE

Définition des notions majeures

La sexualité

La sexualité définit l’ensemble des comportements et mécanismes physiologiques qui participent à la reproduction des espèces. Par extension, chez l’être humain, ce terme regroupe les pratiques et inclinations qui concourent au plaisir charnel. Dans le sens commun, la sexualité renvoie à l’activité génitale. Mais elle se confond parfois avec l’affection, la tendresse, certaines émotions, l’amour. Elle peut aussi renvoyer à l’imaginaire érotique, aux conduites de séduction, à la sensualité, au plaisir, etc. La définition de ce que serait la normalité de la sexualité (si on suppose qu’elle existe pour un individu ou une collectivité donnée) varie selon l’importance des facteurs socioculturels et religieux impliqués. Elle varie aussi en fonction des modèles des champs d’étude considérés. 

La compulsion

Elle est définie par (1) et (2) : 1. Comportements répétitifs (p. ex. se laver les mains, ordonner, vérifier) ou actes mentaux (p. ex. prier, compter, répéter des mots silencieusement) que le sujet se sent pousse à accomplir en réponse, à une obsession ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de manière inflexible.

Les comportements ou les actes mentaux sont destinés à neutraliser ou à diminuer 

L’anxiété ou le sentiment de détresse, ou à empêcher un évènement ou une situation redoutée. Cependant, ces comportements ou ces actes mentaux sont soit sans relation Réaliste avec ce qu’ils se proposent de neutraliser ou de prévenir, soit manifestement excessifs. 

L’obsession Elle est définie par (1) et (2) 

Les pensées, pulsions ou images récurrentes et persistantes qui, à certains moments de l’affection, sont ressenties comme intrusives et inopportunes, et qui entrainent une anxiété ou une détresse importante chez la plupart des sujets. 2. Le sujet fait des efforts pour ignorer ou réprimer ces pensées, pulsions ou images, ou pour les neutraliser par d’autres pensées ou actions (c’est à dire en faisant une compulsion). 

 L’addiction 

Selon Goodman, c’est un comportement qui a pour but de produire un plaisir ou écarter une sensation de malaise interne caractérisé par une impossibilité répétée de son contrôle et sa poursuite en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives. Il en existe deux types : – Addiction au produit (tabac, alcool, médicaments psychotropes, produits illicites) – Addiction sans produit dit comportementale (addictions aux jeux, au travail, aux sports, achats compulsifs). 

 La nymphomanie a nymphomanie se définit comme une exacerbation pathologique du désir sexuel chez la femme (13). Mais ce terme tombé en désuétude est aujourd’hui remplacé par l’hypersexualité, aussi appelée « sexualité compulsive » ou addiction sexuelle. C’est un comportement sexuel humain qui se traduit par une recherche continue et persistante du plaisir sexuel. Chez l’homme l’hypersexualité est aussi appelée satyriasis. 

 Libido Désigne l’instinct et la recherche du plaisir sexuel. C’est l’envie de s’adonner à une activité sexuelle. Le désir sexuel peut survenir spontanément ou en réponse à un partenaire, des images ou des pensées. Il est soumis à des fluctuations physiologiques et psychologiques qui agissent sur le niveau de pulsions sexuelles. Trois éléments le caractérisent : l’objet, le but et l’intensité du désir. 

De la nymphomanie a l’hypersexualité : historique et évolution conceptuelle

 La nymphomanie est constituée étymologiquement parles mots « nymphe », fille nouvellement mariée, et « mania », qui signifie folie. Elle était définie comme une exaltation morbide des organes de la génération, des désirs vénériens, d’une violence telle qu’elle engendre un trouble mental pouvant parcourir toutes les phases qui séparent la simple aberration d’esprit du délire le plus furieux. La « nymphe», est aussi une divinité féminine de la mythologiegréco-romaine souventreprésentée sous les traits d’une jeune fille 17 nue.L’on doit àSaur anus,Médecin grec du IIIe siècle les premières descriptions. Attribuée par Bonnet à l’action des esprits animaux embrasés par l’amour réagissant sur le cerveau, sur la matrice, sur tout l’appareil génital, cette affection est aujourd’hui bien connue et la description faite avec exactitude prouve que la science a fait justice de toutes les théories plus ou moins fausses des anciens auteurs. (18) C’est au début du XXIe siècle, que les anciens concepts de nymphomanie et de satyriasisme furent remplacés par Le concept d’hypersexualité ou compulsion sexuelle.À ces anciens concepts était associé un trouble psychologique caractérisé par une obsession vis-à-vis du sexeentraînant une libidoconsidérée comme trop active. La limite à partir de laquelle on parle d’hypersexualité est sujette à débat, il est très difficile de définir un niveau « normal » de pulsions sexuelles. Certains se contentent d’un rapport sexuelépisodique, d’autres en ressentent le besoinquotidiennement, voire plus. Au début du XXIe siècle, on s’accorde à parler d’hypersexualité lorsque le comportement sexuel implique des conséquences négatives. (32) Kalichman et al. (1994) (16) ont été parmi les premiers à proposer le concept de compulsion sexuelle, définie en tant qu’une nécessité intense et précise de rencontrer les désirs sexuels ressentis, le tout causant de la détresse émotionnelle. Coleman, Miner, Ohlerking et Raymond (2001) (7) suivirent avec leur définition du comportement sexuel compulsif en tant que désordre où l’individu a des fantasmes, des désirs et des comportements sexuels intenses, intrusifs et répétitifs. La notion de contrôle de soi est ici utilisée en tant que : capacité de l’individu à contrôler ses pulsions sexuelles ; fréquence des désirs et comportements sexuels ; dissonance émotionnelle reliée à la sexualité ; et fréquence à laquelle la sexualité interfère avec les relations interpersonnelles de 18 l’individu, ses activités et sa stabilité financière. L’importance du contrôle fut encore une fois utilisée dans la définition du comportement hypersexuel de Reid, Carpenter et Lloyd (2009) (24). Cette notion est définie en tant que difficulté à ses pensées, sentiments et comportements sexuels pendant une période significative, causant alors des conséquences négatives et de la détresse pour soi ou pour autrui. En 2010, Kafka (14) tenta une définition du désordre de l’hypersexualité en vue de son ajout dans le DSMŔ5, comportant les critères suivants : fantaisies, impulsions ou comportements sexuels intenses et récurrents sur une période d’au moins six mois, interférant avec d’autres aspects importants de la vie, répondant à des émotions dysphoriques (anxiété, dépression ou ennui), ou causant de la détresse personnelle ou un dysfonctionnement social. Depuis ce temps, d’autres chercheurs ont néanmoins repris cette notion de désordre de l’hypersexualité dans des ouvrages subséquents (par ex., Reid, Garos &Fong, 2012). Ces diverses conceptions contiennent des composantes majeures de la notion d’hypersexualité en incluant les désirs et les comportements sexuels « intenses », fréquents » ou « persistants, la détresse émotionnelle ressentie et les conséquences négatives de la sexualité. 

 Les théoriques explicatives sur l’hypersexualité compulsive 

Dans un contexte environnemental singulier, les renforcements liés aux sensations érotiques intenses découvertes dès le plus jeune âge sont à la source de l’apprentissage du plaisir sexuel par conditionnement opérant (31). En situation d’environnement « suffisammentbon », l’enfant pourra construire adéquatement sa vie psychique et développer un processus d’appropriation de la sexualité à son propre rythme. De jeunes enfants qui expérimenteraient d’intenses activités sexuelles précoces, soit en raison d’une hypersexualisation 19 induite par l’emprise narcissique du monde adulte, soit en réaction à des situations traumatiques liées à des abus sexuels, développeraient une sexualité s’organisant comme principe central et organisateur de leur développement (33). La première rencontre avec la sexualité à deux fait découvrir des sensations trèsdifférentes de celles de la masturbation. Selon C. Solano(27), le premier rapport pénétratif provoquerait un « shoot » neurobiologique comparable à une substance addictive : plus on commence sa vie sexuelle tôt, plus on risque d’être du côté de l’addiction sexuelle. Un dysfonctionnement des renforcements érotiques pourrait également apparaître chez des individus présentant des caractéristiques biologiques anormales des systèmes de récompense, de motivation et de prise de décision, notamment par mutation enzymatique, altération de la régulation des récepteurs, développement anormal des connexions neurales (29). L’addiction se traduit par une perte du libre-arbitre associée à une pathologie du choix et de l’apprentissage : les patients apprennent en excès à reproduire, de manière compulsive, des choix mal adaptés en dépit des conséquences sur leur vie. L’existence de processus adaptatifs pathologiques de l’innervation dopaminergique est démontrée et est à la base du concept de vulnérabilité individuelle et de prédisposition génétique (2). Coleman (5) définit le comportement sexuel compulsif comme un comportement sexuel répétitif, pratiqué pour réduire l’anxiété et d’autres affects dysphoriques (la honte, la dépression). Pour cet auteur, la compulsion et l’impulsivité seraient aussi associées au défi inconscient de mettre sa vie en danger : les risques de maladies sexuellement transmissibles, dont le SIDA étant bien évidemment accrus. La fonction des impulsions serait la recherche du plaisir, alors que l’évitement de la souffrance serait la fonction des compulsions. Les addictions combineraient les deux en même temps (21). Paradoxalement, au moment où la compulsion et l’impulsivité s’associent de façon envahissante, la sexualité cesse d’être une source de plaisir et devient une source de souffrance. 20 Dans les phénomènes d’addiction aux substances, il a été démontré que d’autres modulateurs que la dopamine, à savoir la noradrénaline et la sérotonine, sont couplés l’un à l’autre afin de réguler le système récompense/antirécompense. Ce couplage correspond à une interaction entre les neurones noradrénergiques et sérotoninergiques de sorte que les deux ensembles neuronaux s’activent ou se limitent mutuellement en fonction des stimuli externes que perçoit l’individu (11). Lors de prises répétées de drogues, ce couplage disparaît (29, 30). Ce découplage et l’hyperréactivité incontrôlable qu’il induit entre les systèmes noradrénergiques et sérotoninergiques pourraient être responsables du malaise que ressentent les toxicomanes. Reprendre de la drogue permettrait un recoupage artificiel de ces neurones, créant ainsi un soulagement temporaire susceptible d’expliquer la rechute. Ce phénomène de découplage, observé avec la cocaïne, la morphine, l’amphétamine, l’alcool ou le tabac, pourrait également être à l’œuvre dans les addictions comportementales et, en particulier, chez l’addict sexuel. L’addiction sexuelle se distingue des perversions du fait qu’elle n’implique pas de déviation dans le choix d’objet, ni dans le mode de pratiques sexuelles. Les travaux de Freud sur la pulsion nous ont appris que le principe plaisir/ déplaisir vectorise la vie psychique : nous avons tendance naturellement à rechercher ce qui est source de plaisir et à éviter ce qui est source de déplaisir. Dès le début de notre vie psychique, la tendance primaire à l’égard de nos pulsions est de les évacuer et de décharger nos tensions jusqu’au bout (niveau zéro), modèle basique et quantitatif du plaisir que l’on peut qualifier de « jouissance absolue immédiate » ou Principe de Nirvana. Mais, à côté de ce premier modèle coexiste, au contact de l’environnement, le principe de réalité apprenant au bébé à passer progressivement du principe de plaisir au principe de réalité. Un deuxième modèle, qualitatif, de décharge pulsionnelle autour d’un 21 seuil d’investissement psychique correspond, quant à lui, à une décharge relative de la pulsion favorisant les processus d’intériorisation de l’expérience subjective. Ces deux modèles coexistent dans la psyché, avec une efficacité variable selon les étapes du développement psychoaffectif de l’individu. Chez le sujet « addict », le premier modèle de la pulsion deviendrait prépondérant au travers d’une organisation défaillante de la personnalité. La relation à autrui se structurerait sur un mode anaclitique où l’angoisse de séparation et l’angoisse de rapprochement seraient omniprésentes. L’accès à l’Œdipe serait alors largement entravé. Quant à la compulsion de répétition qui conduirait certains sujets à répéter des expériences qui s’accompagnent de déplaisir, Freud y verrait l’action, souvent muette, d’une « pulsion de mort » visant à l’autodestruction du sujet

 Clinique de l’hypersexualité compulsive 

Selon les psychiatres Reed et Blaine (24), l’addiction sexuelle évolue selon un cycle en 4 phases. Dans Shame, le récent film de Steve Rodney McQueen (2011), l’acteur Mickael Fassbender nous livre une interprétation remarquable de ce tableau clinique .Phase de préoccupation : suite aux difficultés existentielles, le sujet est envahi par des préoccupations sexuelles (la personne est à la recherche de multiples partenaires sexuels, la drague compulsive); Phase de ritualisation : la personne exécute des rituels avant le comportement sexuel (scénarios de la relation du rendez-vous sexuel préalable à la rencontre, recherche de supports visuels à contenu pornographique-fétichisme); Phase de compulsion sexuelle : la personne passe à l’acte, mais la satisfaction n’est que temporaire; Phase de désespoir : le sentiment de ne pas pouvoir contrôler son comportement est associé généralement à un état dépressif (11). 22 Décrites dans les années 1980, les addictions sexuelles regroupent des comportements sexuels compulsifs, l’hypersexualité et les troubles caractérisés par un désordre du contrôle des impulsions. On retrouve dans cette classification des symptômes comportementaux (rapports sexuels fréquents, masturbation compulsive, instabilité relationnelle, recours à la pornographie – magasines érotiques, fréquentation des boutiques spécialisées, consultation des sites Internet pornographique et des salles cinématographiques spécialisées – baisse des relations affectives de longue durée etémotionnelles (pensées obsédantes, culpabilité concernant la ou le partenaire, sentiment de dévalorisation, d’impuissance face à l’acte sexuel, honte). Les addicts sexuels présentent au moins deux des entités suivantes (6) : La drague compulsive avec partenaires multiples, avec une recherche degestion du stress et de l’anxiété. L’auto-érotisme compulsif- masturbation, comporte l’autostimulationobsessive et compulsive des parties génitales. Les spécialistes rapportent une moyenne de 5 à 15 actes masturbatoires par jour, avec une cohorte de blessures, de fatigue. La fixation compulsive, sur un ou des partenaires inaccessibles. Des fantasmes,nombreux alimentent la vie affective et les émotions du sujet. L’objet de l’amour est hyper-idéalisé, et il n’est pas rare, en cas de déception, de voir apparaître des véritables délires de jalousie (complexe d’Othello), voire des passages à l’acte agressifs orientés vers la personne aimée. Les rapports compulsifs amoureux multiples, avec une insatisfaction desrelations amoureuses et la quête perpétuelle de l’amour idéal. La sexualité compulsive, avec de nombreux rapports sexuels, vécus de manière insatisfaisante, besoin interminable d’actes sexuels, d’expression amoureuse et  d’attention. Il faut mentionner l’existence des relations affectives addictives – dans le cadre d’un même couple ou dans la consommation affective de partenaires, avec toujours une recherche de sensations fortes et nouvelles. La figure suivante (FIGURE 1) illustre le fonctionnement de l’hyper sexualité en forme d’un cercle vicieux

Table des matières

REMERCIEMENTS
SIGLES ET ABREVIATIONS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION
I- ASPECTS THEORIQUES
I.1. Définition des notions majeures
I.1.1. La sexualité
I.1.2. La compulsion
I.1.3. L’obsession
I.1.4. L’addiction
I.1.5. La nymphomanie
I.1.6. Libido
I.2. De la nymphomanie a l’hypersexualité : historique et évolution conceptuelle
I.3. Les théoriques explicatives sur l’hypersexualité compulsive
I.4. Clinique de l’hypersexualité compulsive
II- METHODOLOGIE
II.1. Objectif général
II.2. Objectifs spécifiques.
II.3. Cadre de l’étude
II.4. Type de l’étude
II.5. Recueil des données
III- OBSERVATION ET DISCUSSION
III.1 OBSERVATION
III.2 DISCUSSION
III.2.1 les facteurs de vulnérabilité
III.2.2 les facteurs déclenchants
III.2.3 L’évolution clinique du trouble
III.2.4 Fonctionnement cyclique du trouble
III.2.5 la fonction du trouble hypersexuel
III.2.6 Vécu des proches
IV- ASPECTS PSYCHOPATHOLOGIQUES. 46
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
1- Au Programme D.E.S psychiatrie
2- Aux Psychiatres
3- Aux populations
ANNEXES

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