Le projet génome humain et apport à l’étude des maladies génétiques

La bioinformatique

Cette nouvelle discipline a plusieurs définitions selon qu’elle émane des «biologistes» ou des «informaticiens».
Dans Oxford English Dictionary: la bioinformatique conceptualise la biologie en termes de molécules (dans le sens de chimie physique) et applique les techniques informatiques (dérivées des disciplines comme les mathématiques appliquées, l’informatique et les statistiques) pour comprendre et organiser l’information associée à ces molécules, sur une large échelle. Bref, la bioinformatique est un système de gestion de d’information pour la biologie moléculaire et a plusieurs applications pratiques (Luscombe et al., 2001).
Un groupe de chercheurs en bioinformatique et en biologie computationelle du NCBI a donné la définition suivante: la bioinformatique est la recherche, le développement ou l’application des outils informatiques et approches pour étendre l’utilisation des données biologiques, médicales comportementales ou de santé, y compris les outils et approches destinés à l’acquisition, le stockage, l’organisation, l’archivage, l’analyse ou la visualisation de ces données. (www.bisti.nih.gov/CompuBioDef.pdf).
D’autres auteurs considèrent la bioinformatique comme une nouvelle approche de la biologie, l’approche in silico, les autres approches classiques étant les approches in vivo et in vitro (Ricard et al., 2002).
Pour un génome si complexe tel que le génome humain, le développement d’outils informatiques performants est donc essentiel pour collecter, gérer, analyser et accéder à toutes les données générées par la génomique. Les moyens d’analyse de ces données par la bioinformatique regroupent entre autres les programmes :
– de comparaison de séquences
– d’alignement multiple de séquences
– d’assemblage des séquences d’ADN
– de prédiction des exons et structures géniques.
Parmi les programmes de comparaison des séquences, les logiciels FASTA et BLAST demeurent les plus couramment utilisés pour la recherche de similarité de séquences (Altschul et al., 1997). Pour l’alignement multiple de séquences, différents logiciels ont été développés dont le logiciel CLUSTALW qui permet de révéler des familles de gènes ou bien des motifs structuraux ou fonctionnels conservés entre différentes espèces éloignées (Higgins, 1996). La consultation des banques de données et les programmes bioinformatiques sont disponibles via le DBCAT qui est un catalogue public de bases de données disponible à Infobiogen (http://www.infobiogen.fr/services/dbcat/) ou le répertoire de pages Web de biologie Bionetbook de l’Institut Pasteur (http://www.pasteur.fr/recherche/BNB/).
Le programme génome humain a une portée considérable dans l’étude des maladies héréditaires, qu’elles soient monogéniques ou multifactorielles. Il accélère notamment la découverte des gènes de susceptibilité (ou de prédisposions) à ces maladies, grâce à des analyses effectuées à l’échelle globale du génome humain. Au cours des deux dernières décennies, l’identification de gènes impliqués dans des maladies héréditaires a reposé essentiellement sur une stratégie dite le clonage positionnel.

Le clonage positionnel

Un aspect d’une importance capitale dans l’étude de notre génome est l’identification et le clonage de gènes. La méthode classique utilisée pour l’identification d’un gène dont les mutations sont responsables d’une maladie héréditaire donnée est le clonage fonctionnel. Il repose sur la base d’informations qui ont trait aux défauts physiologiques à l’origine de la maladie. Si le produit du gène est connu, les principales étapes sont la purification de la protéine suivie de son séquençage partiel. Le gène est ensuite isolé et localisé sur le génome (Abdelhak, 1997). (Figure1 A)
Toutefois, pour la grande majorité des maladies héréditaires monogéniques affectant l’espèce humaine, l’information biochimique est soit insuffisante, soit trop complexe pour renseigner sur le défaut biologique fondamental, exigeant une autre approche que celle du clonage fonctionnel et appelée clonage positionnel. On prend ainsi la démarche inverse du clonage fonctionnel d’où la dénomination de « génétique inverse » (Scherer, 2001). (Figure1 B)
Le clonage positionnel correspond à l’isolement du gène uniquement à partir de sa localisation sur le chromosome, sans nécessiter aucune information préalable sur la fonction biochimique dont l’anomalie est à l’origine de la maladie (Ricard et al., 2002).
C’est une stratégie en plusieurs étapes (figure2).

la cartographie génétique et physique

La carte génétique est l’ordonnancement de marqueurs grâce à l’analyse statistique de leurs ségrégations au cours des générations.
La notion de cartographie génétique remonte à 1913, avec les travaux de Morgan sur la
Drosophile. Elle se fonde sur les événements de recombinaison au cours de la méiose pour connaître la position de marqueurs de polymorphisme génétique. Les cartes génétiques sont établies à partir de la fréquence de recombinaison méiotique et s’expriment en cM. Il existe plusieurs types de polymorphismes utilisés communément pour établir les cartes génétiques. (Tableau 3).
Les distances génétiques sont donc une approximation de la distance réelle ou physique mesurée en paire de base (pb) et où l’on considère que 1 cM équivaut à environ 106 pb.
La carte physique est l’assemblement de fragments clonés chevauchants reconstituant la molécule de l’ADN de départ. C’est à partir de cette carte que sera choisi l’ensemble minimal de fragments assurant la couverture complète du génome à séquencer.
L’organisation des séquence obtenues nécessite alors de positionner ces fragments, à la fois les uns par rapport aux autres et par rapport aux chromosomes dont ils sont issus afin de reconstituer le génome dans sa globalité (Gribui et Schibler, 2000). (Figure 3)
L’objet de la cartographie physique est donc de localiser les gènes sur les chromosomes.
Pour cela, des techniques d’hybridation in situ ou d’analyse de lignées cellulaires hybrides peuvent être utilisées. Ces méthodes permettent d’assigner les gènes placés sur la carte génétique à leurs chromosomes d’origine.

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Les marqueurs génétiques et physiques

La notion de marqueur génétique a été introduite en 1980. Il s’agit d’une séquence d’ADN repérable spécifiquement, polymorphe et dépendant d’un locus spécifique localisé à un endroit précis du génome. Dans le tableau 3 nous rapportons les différents types de marqueurs.
Un marqueur génétique peut également être utilisé comme marqueur « physique », il s’agit d’une « balise » spécifique d’un endroit du génome. A la différence du marqueur génétique, un marqueur physique n’est pas nécessairement polymorphe.
Concernant les marqueurs génétiques, il est possible d’identifier des polymorphismes de l’ADN à différentes échelles, allant du niveau chromosomique au niveau nucléotidique.
Certaines caractéristiques du génome comme les séquence répétées favorisent l’apparition d’un polymorphisme. Egalement, les variations de séquence (suite à des mutations ponctuelle) ou de taille de l’ADN (causées par des insertions ou des délétions) peuvent altérer des sites de clivage reconnus par des endonucléases de restriction. Il en résulte un polymorphisme de longueur de fragment de restriction ou RFLPs.
Le génome est largement constitué d’éléments non codants appartenant à la catégorie de l’ADN répété qui est source de polymorphisme. Parmi ces éléments, on peut citer les séquences répéteés en tandem (VNTR: Variable Number of Tandem Repeats), les minisatellites, les satellites et les microsatellites (STR: Short Tandem Repeats) (Dib et al., 1996).
Les microsatellites sont des courtes séquences répétées avec le motif (dC-dA)n ou (dG-dT)n avec n variant de 1 à 6 nucléotides et dont la taille excède rarement quelques centaines de paires de bases (figure 4) (Vowles et Amos, 2004). Ces répétitions parfois aussi notées (CA)n sont très nombreuses car réparties sur tout le génome humain et rencontrées tous les 30-60 kb (Weber, 1990). Elles sont aussi hautement polymorphes et communément utilisées comme marqueurs génétiques et donc potentiellement informatifs.
Les microsatellites sont hérités selon le mode mendélien et constituent des outils particulièrement efficaces dans la cartographie génétique et donc le clonage positionnel.
Ces marqueurs sont actuellement remplacés progressivement par des polymorphismes biallèliques, les SNPs qui sont plus fréquents et plus adaptés à l’étude des maladies multifactorielles.

Syndrome de Richner Hanhart (SRH) ou Tyrosinémie de type II

Introduction

Richner (1938), ophtalmologiste suisse et Hanhart (1947), généticien suisse ont décrit, par l’observation de plusieurs membres d’une même famille, un syndrome qui associe une kératite dendritique avec une hyperkératose palmo-plantaire et souvent un retard mental. Plus tard, Goldsmith a mis en évidence l’association de cette pathologie avec un trouble métabolique de la tyrosine (Goldsmith et al., 1985; El Badramany et al., 1995).
Le SRH a été rapportée dans différents groupes ethniques notamment dans les pays méditerranéens (Hühn et al., 1998;Tallab et al., 1996), avec la moitié des cas de SRH rapportés dans le monde originaire de l’Italie (Fois et al., 1986).
Il a été aussi cité d’autres pays tels que l’Arabie Saoudite (El-Essa et al., 1998), le Kuwait (El Badramany et al., 1995), les Etats-Unis (Rabinowitz et al., 1995), le Japon (Kato et al., 1993), le Philippine et l’Allemagne (El Badramany et al., 1995; Aydin et al., 2003). En Tunisie, la tyrosinémie de type II est trouvée avec une fréquence de 0.42%. Elle représente 7.8% de l’ensemble des amino-acidopathies dépistées (résultat du laboratoire de biochimie de l’hôpital de la Rabta de Tunis, secteur maladies métaboliques, (Hashassi, 1993)).

Caractéristiques générales du SRH

Le syndrome de Richner Hanhart ou Tyrosinémie de type II ou encore tyrosinémie oculo-cutanée (MIM 276600) est une amino-acidopathie congénitale héréditaire à transmission autosomique récessive. C’est une affection rare qui est due à un trouble métabolique de la tyrosine, résultant d’un déficit en tyrosine aminotranférase cytosolique (TATc). Cette enzyme catalyse la réaction de transamination dans la voie principale du catabolisme de la tyrosine en acide parahydroxyphénylpyruvique (AcPHPP) (Figure 5).

Diagnostic du SRH

La chromatographie des acides aminés reste la technique de référence pour la confirmation du SRH. La concentration normale de la tyrosine sanguine étant de 64 ± 14μmol/L, la chromatographie des acides aminés sanguins et urinaires des personnes atteintes montre un taux très élevé de la tyrosine sanguine qui peut atteindre 16 à 25 fois la normale soit 1025 à 1600 μmol/L et un taux très élevé de la tyrosine urinaire pouvant atteindre 2260 μmol/24H (Hashassi, 1993). En effet, la chromatographie en phase gazeuse des acides organiques urinaires montre une excrétion accrue des acides phénoliques : acide parahydroxyphénylpyruvique (Ac PHPP), paraphénylacétique (Ac PHPA) et parahydroxphényllactique (Ac PHPL), issus des voies auxiliaires de dégradation de la tyrosine (Marian et al., 2001; Cerone et al., 2002).

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