Aperçu du modèle standard
Développé à partir des années 1960, le modèle standard de la physique des particules est une théorie quantique des champs relativiste. Une revue de celui-ci peut être trouvée dans les références [1], [2]. Il permet de décrire les particules divisées en des fermions et des bosons, et leurs interactions à l’aide de champs : celui de l’interaction forte décrit par la chromodynamique quantique, le champ de Higgs et le champ électrofaible. La symétrie électrofaible est brisée une fraction de seconde après le Big Bang donnant un champ électromagnétique et un champ de l’interaction faible. Cette théorie est basée sur une symétrie de jauge locale SU¹3ºC SU¹2ºW U¹1ºY s’ajoutant à une symétrie globale sous transformation du groupe de Poincaré. Le groupe SU¹2ºW U¹1ºY est associé aux interactions électrofaibles décrites par Glashow [3], Salam [4] et Weinberg [5] et le groupe SU¹3ºC à l’interaction forte décrite par la chromodynamique quantique [6], [7].
Champs physiques et interactions
Particules
Les particules prennent leurs noms de la statistique à laquelle elles obéissent. Les fermions, de spins 1/2, soumis au principe d’exclusion de Pauli, sont des particules massives qui suivent la statistique de Fermi-Dirac. Les bosons, de spins entiers, de masses nulles ou massifs, suivent la statistique de Bose- Einstein. Une caractéristique donnée par la nature de l’interaction faible est la chiralité qui est gauche ou droite pour les fermions. Son équivalent pour les particules de masses nulles s’appelle l’hélicité, définie comme la projection du spin sur la direction de l’impulsion.
Les fermions sont divisés en trois générations [8] ne différant que par leurs masses et saveurs. À chaque particule fermionique est associée une anti-particule de même masse mais de charge quantique opposée. Au sein des fermions il y a deux familles : les leptons et les quarks. Les leptons chargés (électron, muon, tau) interagissent par interactions électromagnétique et faible et possèdent une masse.
Ils sont caractérisés par un nombre leptonique conservé par toutes les interactions. Les leptons neutres (neutrinos) sont uniquement sensibles à l’interaction faible. Dans la version minimale du modèle standard les neutrinos n’ont pas de masse et les neutrinos de chiralité droite (ainsi que les anti neutrinos de chiralité gauche) n’existent pas. Les leptons sont organisés en doublets gauches et singulets droits chargés.
Le quark top dans le modèle standard quarks portent des charges électrique, un isospin faible et de couleur. Ils sont massifs et sensibles à toutes les interactions. Ils n’ont jamais été observés de manière isolée mais dans des états liés de couleurs neutres, les hadrons, mis à part le quark top qui, lui, se désintègre avant de s’hadroniser. Ils sont divisés en deux familles : les quarks up, charm et top appartiennent à la famille « up », les quarks down, strange, bottom à la famille « down ». Les quarks sont organisés en doublets gauches et singulets droits up ou down. Les particules chargées composant les deuxième et troisième générations sont instables et se désintègrent, par courant électrofaible chargé, en des particules de générations inférieures.
L’interaction forte
Dans les années 1960, Gell-Mann, Ne’eman et Zweig ont postulé l’existence de quarks suite aux découvertes de plusieurs particules rendant moins crédible le postulat de Yukawa qui stipulait que la cohésion du noyau se faisait par l’intermédiaire d’un méson [6], [7]. Après l’observation du hadron ++ de spin 3/2, composé de trois quarks up, un nouveau nombre quantique est défini permettant de ne pas violer le principe d’exclusion de Pauli : la charge de couleur. Il en existe trois, rouge, vert et bleu, qui apparaissent dans les générateurs du groupe SU¹3ºC donnés par les matrices de Gell-Mann.
La brisure de la symétrie électrofaible et le mécanisme de Higgs
Quand l’Univers était encore chaud et dense, il respectait encore toutes les symétries et toutes les particules étaient de masses nulles. Durant la phase de refroidissement et 1012 s après le Big Bang, l’Univers arrive à la phase de transition électrofaible [14] où la brisure spontanée de symétrie a lieu donnant les interactions faible et électromagnétique et comme conséquence donne une masse aux particules. Cette brisure de symétrie peut être dérivée en réécrivant TiWi d’une part, et en définissant associés aux bosons chargés Wd’autre part. On peut ainsi extraire des termes permettant les couplages des particules d’une génération avec une autre, et des leptons avec les neutrinos correspondants, ainsi que des termes de couplages entre les mêmes particules. Le premier cas se fait par l’intermédiaire de bosons W, le deuxième fait intervenir des combinaisons linéaires de B et W0 qui sont des champs physiques et correspondent au boson neutre Z et au photon A. Ces bosons neutres sont mélangés suivant :
La matrice CKM et la violation de CP
La brisure de symétrie n’est pas sans conséquences. L’interaction électrofaible telle qu’énoncée précédemment ne permet pas de couplage entre les fermions appartenant à des générations différentes.
L’introduction de transformations unitaires agissant sur les quarks permet d’introduire ce couplage, conduisant à une non conservation de la saveur. La matrice VCKM [24] s’écrit :
Si VCKM n’est pas diagonale, alors la conservation de la saveur n’est plus respectée. Elle possède quatre paramètres, trois correspondant aux angles de rotation dans l’espace des saveurs et un paramètre responsable de la violation CP dans le secteur des quarks. Mesurer les paramètres sans mettre de contraintes provenant du modèle standard prouve l’unitarité.
Succès et limitations du modèle standard
Le modèle standard de la physique de particules a déjà fait ses preuves avec plusieurs découvertes et observations vérifiant sa validité. Il contient 18 paramètres libres qui sont :
– les masses des neuf fermions massifs (les six quarks et les trois leptons chargés) ;
– les trois angles et une phase de la matrice de changement de saveur dite matrice CKM;
– la constante de couplage de l’interaction forte S et la phase de violation de CP forte CP ;
– les constantes de couplage du secteur électrofaible g et g’ ainsi que les paramètres du potentiel de Higgs et qui peuvent s’écrire aussi sous la forme de la constante de couplage életromagnétique QED, la constante de Fermi GF et des masses des bosons Z et H.
Les mesures de précision, notamment celles menées au LEP [25] et au Tevatron [26], les ont fortement contraints ; leurs valeurs étant détaillées dans le PDG [11]. La figure 1.4 illustre la compatibilité de différentes observables physiques dans le domaine électrofaible (masses, largeurs et rapports de branchements, asymétries). Ce test de cohérence de chaque paramètre du modèle standard se fait en laissant successivement le paramètre étudié libre lors de l’ajustement. La valeur ajustée est ainsi comparée à la valeur mesurée, divisée par l’incertitude expérimentale. L’ajustement sur-contraint des mesures expérimentales [27] avec les calculs théoriques de leurs corrélations, permet de constater la cohérence du modèle standard. Les valeurs assignées aux observables après ajustement ne dévient pas significativement des mesures.
Le calcul des sections efficaces de différents processus permet un test supplémentaire de cohérence du modèle standard. La figure 1.5 montre l’excellent accord entre les prédictions du modèle standard et les mesures effectuées au LHC sur les sections efficaces de production de différentes particules et ce sur près de dix ordres de grandeur [28].
De plus, plusieurs collaborations ont permis la détermination de la constante de couplage de l’interaction forte permettant ainsi de valider la chromodynamique quantique. La figure 1.6 montre la variation de ce couplage en fonction de l’échelle d’énergie [29]. Les différentes mesures sont en accord avec les prédictions venant du modèle standard.
Malgré tous ces succès, le modèle standard connait de nombreuses limitations à la fois du point de vue théorique mais aussi expérimental. Tout cela mène à penser que le modèle standard n’est qu’un cas limite d’une théorie bien plus large, comme une théorie de grande unification (GUT, Grand Unified Theory) unifiant les secteurs forts et électrofaibles à haute énergie, ou même une « théorie du tout », incluant une description quantique de la relativité générale.
Les limitations les plus importantes sont les suivantes : tout d’abord, la quatrième force de la nature, à savoir la gravitation, n’est pas incluse. Il manque en effet une description quantique de la relativité générale. Ceci n’est toutefois pas un problème pour comprendre les résultats des expériences car l’effet de la gravitation à l’échelle microscopique est négligeable. Vient ensuite l’incapacité du modèle standard à tenir compte de la présence de la matière noire dont l’existence est vérifiée grâce aux observations cosmologiques. Cette matière stable, neutre et surtout inconnue n’interagit que gravitationnellement avec la matière ordinaire, est prise en compte dans des modèles supersymétriques, comme des particules massives. La supersymétrie est une des théories de grande unification, qui associe à chaque fermion du modèle standard des bosons supersymétrique, et vice versa. Non seulement cette théorie permet de décrire la matière noire comme une particule supersymétrique, mais elle fait aussi converger les constantes de couplage de toutes les interactions pour une certaine échelle d’énergie. De plus, l’équation de Dirac décrivant les particules de spin 1/2 pour lesquelles la parité est une symétrie, reste en faveur d’une symétrie entre la matière et l’anti-matière, alors que le monde est dominé par la matière. De surcroît, ce modèle ne permet toujours pas de répondre à des questions encore plus larges à savoir, l’origine des trois générations de fermions, l’origine de la hiérarchie des masses, l’origine des symétries, l’origine de la masse des neutrinos. Pour cette dernière question, la version minimale du modèle standard ne prédit pas de masse aux neutrinos mais il s’avère qu’ils sont massifs. Ceci est déduit de l’observation de leurs oscillations paramétrées par une matrice analogue à la matrice CKM, appelée PMNS (pour Pontecorvo- Maki-Nagata-Sakagawa) [30], [31] qui n’est possible que si les neutrinos sont de masses non nulles.
Ces oscillations ont été observées par l’expérience T2K [32] qui a récemment contraint la phase de la violation de CP [33], paramètre important des oscillations.
Le quark top
Le quark top joue un rôle central dans les programmes présents et futurs de la physique des hautes énergies. Il a été découvert en 1995 par les expériences CDF (Collider Detector at Fermilab) [36] et D0 (D0 detector) [37] au Tevatron. Du fait de sa masse très élevée, mtop 173 GeV, proche de l’échelle de brisure de la symétrie électrofaible, il a depuis été l’objet d’une attention toute particulière. Depuis la mise en activité du LHC [38], il a été étudié dans des collisions proton-proton à différentes énergies dans le centre de masse : 7, 8 et depuis quelques années 13 TeV. La grande section efficace de production du quark top à ces énergies a fait qu’il est habituel de qualifier le LHC d’usine à quark top.