Le transport maritime comme vecteur de la mondialisation

Le transport maritime comme vecteur de la mondialisation une dynamique de facilitation sécurisation

La globalisation des chaînes de valeur, la course au gigantisme dans la construction navale, la révolution du conteneur et la compétition logistique portuaire qu’ont entraînée ces innovations expliquent la prédominance du transport maritime dans les échanges, malgré les délais d’acheminement de marchandises bien supérieures aux autres moyens de transports. La globalisation des chaînes de valeur est la première raison de la hausse des flux maritimes, car elle entraine l’essor de la circulation des produits intermédiaires. Les processus de production se mondialisent : en 2009, 51 % de la production des marchandises échangées (à l’exclusion des produits pétroliers) étaient composées de produits intermédiaires, incorporés dans des chaînes de valeur globales (Gereffi, Humphrey et Sturgeon, 2005 ; Hall et Jacobs 2010). En 2011, comme signe de ce   changement, l’OMC et l’OCDE ont décidé de lancer l’initiative « value addedtrade », qui modifie la représentation statistique du commerce international. Cela consiste à mesurer les échanges internationaux à partir de la valeur ajoutée plutôt qu’à partir de la valeur brute des biens. Cette méthode a un intérêt politique : elle représente des relations commerciales occidentales et asiatiques plus équilibrées. Toutefois, cette représentation ne changera pas le processus physique lui-même : la part croissante des mouvements de produits intermédiaires laisse supposer que les marchandises vont franchir de plus en plus les frontières et que les multinationales intégreront ces opérations comme une transaction majeure dans leur chaîne de valeur. Cela opère, à travers la construction sociale de routes maritimes, l’optimisation des acheminements en fonction des marchandises et la normalisation technique des activités. La course au gigantisme des navires et la révolution du container qui s’est largement développée dans les années 1970 (Acosta, Coronado et Cerban 2007 ; Cullinane et Wang 2012 ; Frémont 2019), font partie des exemples les plus frappants de gain de productivité et de facilitation des échanges de ces dernières décennies. On parle véritablement de révolution car elle a entraîné une standardisation mondiale des moyens de transports, puisque chaque container, quel que soit son pays d’origine, fait rigoureusement 20 ou 40 Équivalent Vingt Pieds (EVP)3 les rendant ainsi adaptables à tous les types de transports sans rupture de la chaîne. L’ouverture de la Chine aux échanges mondiaux, durant la seconde moitié du XXème siècle, a également conforté la place prépondérante du transport maritime dans la compétition commerciale. Les transformations industrielles du transport maritime se sont inscrites dans une dynamique de facilitation-sécurisation des échanges mondiaux. La dynamique de facilitation des échanges a été soutenue par de grandes organisations internationales telles que l’OCDE (2011), la Banque Mondiale (2013), ou les institutions européennes. Ces institutions ont promu un modèle de compétition économique entre les ports et les infrastructures maritimes afin d’accélérer le transit des marchandises. Ce modèle s’est appuyé sur des programmes structurels et une instrumentation intensive de la mesure de la fluidité des services.

Les caractéristiques industrielles du transport maritime

Les éléments de base de la dynamique de facilitation-sécurisation du transport maritime étant posés, il doit être possible de mieux comprendre son organisation industrielle. Si l’on considère que l’organisation n’a pas d’existence en soi, son analyse doit s’employer à cerner la nature concrète de l’activité tout autant que ses finalités productives (Rot et Vatin 2017, p. 86). Celle-ci s’inscrit dans des routes maritimes qui, loin d’être simplement des espaces naturels, sont des infrastructures complexes et normalisées, qui supportent l’optimisation des acheminements en fonction des marchandises transportées. 2.1 Le rôle structurant des « autoroutes de la mer » Mieux comprendre les routes maritimes, c’est avant tout comprendre que les caractéristiques particulières de la marchandise transportée déterminent concrètement les conditions du transport employé pour son acheminement, mais également la logique d’affrètement (Lacoste et Cariou 2008). André Siegfried, dès les années 40, soulignait déjà, dans une contribution ponctuelle en contexte de guerre, le caractère structurant des différentes dimensions de l’échange dans le transport maritime : « Il ne faut pas s’imaginer une route artificielle, œuvre de l’homme mais plutôt une direction suivie par les échanges. (Siegfried 1942, p. 11) ». Le regroupement de la flotte marchande mondiale, sur quelques itinéraires précis et régulièrement empruntés, permettant de relier l’offre et la demande de biens et services des grandes zones commerciales du monde (Frémont 2008), rend concrète la notion de « route maritime ». Un maillage dense, à l’image de ce que nous pouvons observer dans le routier, l’aérien ou le ferroviaire, se dessine sur les océans du monde. Loin de constituer simplement un élément de la rationalité économico-logistique, la présence de ces routes maritimes pose, avant toute chose, des questions éminemment géopolitiques. En effet, face à l’hégémonie du trafic maritime pour assurer la 28 croissance mondiale, les grandes puissances deviennent de fait, dépendantes de leurs flux maritimes entrants et sortants (importations et exportations de biens) et des routes maritimes qui permettent leurs circulations. Ces axes stratégiques majeurs sont particulièrement concentrés autour de quelques isthmes et détroits, à travers le monde. Un détroit est un passage qui relie deux zones maritimes distinctes, à l’image du détroit de Pas de Calais (environ 100 000 navires de marchandises par an) qui relie la Manche à la mer du Nord en Europe. Un isthme est un passage plus ou moins étroit qui réunit deux étendues terrestres. Alors que les détroits sont clairement des opportunités « naturelles » pour le transport maritime, les isthmes le sont plutôt pour le transport terrestre. L’aménagement des isthmes pour le maritime nécessite donc l’intervention de l’Homme. Ces grands projets colossaux, tels que les aménagements du canal de Suez (1869) ou du canal de Panama (1914), ont contribué à façonner, en partie, l’histoire du transport maritime par la création de nouvelles routes. Une concentration sur ces zones est particulièrement observable (figure 2).

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