L’effondrement de performance

Daniel (1981) a été le premier à définir l’effondrement de performance en stipulant qu’il s’agissait d’une incapacité de performer au niveau des standards habituels (Mesagno & Hill 2013). Plusieurs années plus tard, en 2010, Mesagno et Mullane-Grant ont proposé une définition semblable, soit celle d’une détérioration critique d’une habileté, menant alors à une performance sous les standards de performance. Ces premières définitions mettent de l’avant une première notion importante, soit celui d’une performance inférieure aux standards habituels d’un individu. Selon la définition de Daniel (1981), on peut comprendre que toute baisse inhabituelle de la performance correspond à un effondrement de performance, peu importe la cause et les mécanismes qui y sont reliés. Aujourd’hui, cette définition ne satisfait pas une partie de la communauté scientifique. En effet, d’autres chercheurs (Gucciardi & Dimmock, 2008; Hill et al., 2009) sont d’avis que cette définition comporte certaines lacunes et qu’elle manque de précision. Ils croient à l’existence de variables multiples pouvant expliquer le fait qu’un athlète puisse s’écrouler lors d’une compétition. Ainsi, pour eux, la sous-performance n’est pas impérativement synonyme d’un effondrement de performance. Par exemple, un joueur qui subit une blessure lors d’une compétition n’obtiendra pas une performance inférieure à la normale. Malgré le fait que la définition de Daniel (1981) ne soit pas complète, elle souligne la notion centrale de la performance habituelle et amène la communauté scientifique à se questionner sur ce qu’est une performance dite habituelle. Il est donc essentiel d’être en mesure de quantifier ou de qualifier la performance habituelle d’un athlète pour déterminer si ce dernier vit un effondrement de performance.

Ensuite, quelques années plus tard, Baumeister (1984; 1985; 1986) a émis une nouvelle définition mentionnant qu’il s’agit d’une performance inférieure sous pression, lorsque l’athlète est en quête de succès (Baumeister, 1984). Dès lors, cette définition a été reprise par un grand nombre de scientifiques (Oudejans & Pijpers, 2010; Reeves, Tenebaum, & Lidor, 2007; Takehiro & Wright, 2016; Vickers & Williams, 2007; Wallace, Baumeister, & Vohs, 2005; Wilson, 2008). Cette définition ressemble partiellement à celle de Daniel (Daniel, 1981), car elle inclut une diminution de performance par rapport aux standards.

Deux notions nouvelles sont toutefois amenées par Baumeister (1984) dans sa définition : celle de la pression ressentie par l’athlète au moment de performer et celle de la quête de succès. L’utilisation populaire du terme choker est désormais en lien avec une situation de compétition, car cette dernière implique de la pression et une quête de victoire. Ainsi, ce phénomène a moins de chance de se produire lors d’un entrainement ou d’une situation d’apprentissage, car le niveau d’intensité et le niveau d’importance sont moindres.

C’est à partir de ces hypothèses que les recherches sur l’effondrement de performance se sont multipliées.

En 1992, Masters propose à son tour sa définition de l’effondrement de performance et y intègre une nouvelle notion : celle de la maîtrise d’une habileté. Selon lui, l’effondrement de performance correspond à l’échec d’une habileté ou d’une tâche normalement maitrisée, sous pression. Pour en arriver à cette conclusion (Masters, 1992) a étudié une population spécifique, soit des athlètes ayant une expertise dans leur champ de performance. C’est donc dire qu’une personne qui commence dans la pratique d’un sport ne peut pas vivre un effondrement de performance, étant donné son manque d’expertise dans l’exécution d’une ou de plusieurs tâches. Cependant, une habileté normalement maitrisée peut être mal effectuée en raison de facteurs psychologiques, mais aussi de facteurs externes. Dans ce contexte, les facteurs externes au moment de performer représentent l’environnement entourant l’athlète : les conditions météorologiques, une blessure, l’utilisation de nouveaux équipements, etc. Ceux-ci peuvent donc mener à une performance bien en dessous de ses capacités et des standards habituels.

À la lumière de ce qui précède, l’utilisation de la définition de Daniel (1981) n’est pas pertinente selon la communauté scientifique bien qu’elle amène des directions importantes pour de futures recherches. Avec la définition de Masters (1992), on remarque aussi que la pression est une nouvelle notion qui émerge comme potentielle explication à cet impair de performance. Toutefois, sa définition est encore une fois peu utilisée dans le monde scientifique. En effet, celle de Baumeister (1984) est la plus largement acceptée, et ce, même si certains scientifiques émettent des réserves quant à son utilisation en raison d’un manque de clarté.

Toutefois, Gucciardi & Dimmocks (2008) ont des réserves quant à la définition de Baumeister (1984), car, selon eux, elle n’est pas optimale. En effet, cette dernière réfère à tous les types de diminution de performance et n’est différenciée que par une baisse de performance normale comme l’a déjà stipulé Daniel (1981). Gucciardi et Dimmocks (2008), plutôt que de définir uniquement l’effondrement de performance, ont fait une distinction entre la notion de performance normale, celle d’une mauvaise performance et celle d’un effondrement de performance.

Ce n’est que vers les années 2000 que d’autres scientifiques (Beilock & Carr, 2001 ; Beilock & Gray, 2007 ; Wang, Marchant, Morris & Gibbs, 2004) ont introduit de nouvelles notions autour de la définition de Baumeister (1984). En effet, selon eux l’effondrement de performance est défini comme une performance inférieure aux attentes lors de l’exécution d’une habileté, ou comme une diminution accrue d’une habileté distincte (Beilock & Carr, 2001 ; Beilock & Gray, 2007). La notion importante dans cette nouvelle définition de l’effondrement de performance est le terme « accrue ». Ce terme vient amplifier et renforcer le fait que l’effondrement de performance implique une diminution très marquée de l’exécution d’une tâche.

En 2009, Hill et al. ont interviewé quatre psychologues sportifs ayant une grande expérience dans le domaine de l’anxiété de performance afin de définir le concept de l’effondrement de performance. Il s’agit alors de l’une des premières études faites avec une méthodologie de type qualitative. Grâce à des entrevues individuelles et à des entrevues de groupe, certains thèmes clés ont été dégagés, menant à une nouvelle définition, soit d’un processus lors duquel un individu perçoit ses ressources comme insuffisantes afin de satisfaire les demandes d’une situation, ce qui se conclut par une diminution de performance accrue (Hill et al., 2009). Cette nouvelle définition concernant le choking dans le sport est la première stipulant que la performance est dramatiquement inférieure aux performances habituelles (Mesagno & Hill 2013). La définition fournie par Hill et al. (2009) permet de distinguer plus efficacement une diminution de performance normale d’un effondrement de performance. À la suite de cette étude, plusieurs thèmes ont émergé, tels que les antécédents, les mécanismes, les facteurs modérateurs et les conséquences constatés par les athlètes, donnant ainsi une nouvelle direction aux prochaines recherches sur ce sujet.

Au même moment, d’autres scientifiques (Gucciardi, Longbottom, Jackson, & Dimmock, 2010; Mesagno, Marchant, & Morris, 2008; Mesagno & Mullane-Grant, 2010) ont tenté d’introduire de nouvelles notions et de redéfinir l’effondrement de performance. Ainsi, ces chercheurs ont contribué dans l’élaboration d’une nouvelle conceptualisation du phénomène de l’effondrement de performance, puisque celles apportées par Baumeister (1984) ainsi que Beilock (2001 ; 2007) étaient incomplètes. D’une part, Gucciardi et al. (2010) proposent qu’il s’agisse d’une augmentation du niveau de pression perçue où la motivation de performance est optimale, menant à une diminution de performance accrue ou chronique, lors de l’exécution d’une habileté maitrisée et que les attentes personnelles sont élevées. D’autre part, Mésagno et ses collègues (2008; 2010) affirment qu’il s’agit d’une détérioration critique lors de l’exécution d’une habileté, menant à une performance sousstandard causée par une élévation de l’anxiété perçue lorsque le résultat est normalement atteignable. Grâce à ces deux nouvelles définitions de l’effondrement de performance, il est possible de rassembler plusieurs facteurs et plusieurs notions clés, telles que la pression, la diminution de performance, la motivation de réussir et l’anxiété.

En 2013, Mésagno et Hill, insatisfaits des définitions antérieures, ont effectué une méta-analyse des recherches menées au cours des trente dernières années afin d’offrir à la communauté scientifique la plus récente des définitions. Ce travail les conduit à proposer que l’effondrement de performance est une diminution accrue et considérable de l’exécution d’une habileté et de la performance lorsque les standards personnels de performance sont normalement atteignables, ce qui se solde en une augmentation de l’anxiété perçue par l’athlète sous pression.

En résumé, la présentation de l’évolution du concept de l’effondrement de performance a mis en évidence la complexité des définitions qui ont été construites à travers le temps. Les notions d’exécution, d’habileté normalement maitrisée, de standards de performance habituels, de diminution accrue et d’augmentation d’anxiété et de pression perçue sont des notions très importantes dans les dernières études sur le sujet de l’effondrement de performance. C’est pour ces raisons que la définition de Hill et Mesagno (2013) est choisie dans le cadre de ce mémoire.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – LA PROBLÉMATIQUE
1. But de l’étude
1.1 Questions et objectifs de recherche
1.2 Pertinence scientifique et sociale
CHAPITRE 2 – CADRE THÉORIQUE
2.1 L’évolution conceptuelle des définitions
2.1.1 L’effondrement de performance
2.1.2 La léthargie
2.1.3 La synthèse des différences entre l’effondrement de performance et la léthargie
2.2 Les théories influençant l’effondrement de performance et la léthargie
2.2.1 Les théories de l’activation
2.2.2 Les théories de l’attention
2.2.3 Le Hot-hand
2.3 La performance de pointe
2.4 Les stratégies mentales
2.4.1 Le cycle de l’effondrement de performance
2.4.2 Les routines et les rituels
2.4.3 La stratégie MAPP, ACT, GIRD
2.5 La synthèse du cadre théorique
CHAPITRE 3 – LA MÉTHODOLOGIE
3.1 La stratégie de recherche qualitative
3.2 La sélection des participants
3.2.1 Les critères de sélection des participants
3.2.2 Le recrutement des participants
3.3 La collecte des données
3.4 Le processus d’analyse des données qualitatives
3.5 Les critères de rigueur scientifique en recherche qualitative
CHAPITRE 4 – PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
4.1 Présentation des participants
4.1.1 Le cheminent sportif des participants
4.1.2 Les caractéristiques de participants
4.1.3 L’âge de compétition et la motivation à jouer au golf
4.1.4 Les caractéristiques des faits saillants positifs
4.1.5 Les caractéristiques des faits saillants négatifs
4.2 L’effondrement de performance
4.2.1 La définition de l’effondrement de performance
4.2.2 Les pensées, les sentiments, les sensations et les émotions reliés à l’effondrement de performance
4.2.3 Le type de personnalité et l’effondrement de performance
4.3 La léthargie
4.3.1 La définition de la léthargie
4.3.2 Les pensées, les sentiments, les sensations et les émotions reliés à la léthargie
4.4 La performance de pointe
4.4.1 La définition de la performance de pointe
4.4.2 Les pensées, les sentiments, les sensations et les émotions en lien avec la performance de pointe
4.5 La préparation mentale dans le sport
4.5.1 La fréquence des entrainements mentaux pour le sport
4.5.2 L’influence de la foule sur la performance
4.5.3 La routine pré performance et les objectifs de compétition
4.5.4 Éducation et préparation mentale au quotidien
4.6 Courbes de performance par les athlètes
CHAPITRE 5 – DISCUSSION
5.1 L’effondrement de performance
5.1.1 La définition de l’effondrement de performance
5.1.2 Perceptions des pensées, des sentiments, des sensations, et des émotions liées à l’effondrement de performance
5.2 La léthargie
5.2.1 La définition de la léthargie
5.2.2 Perception des pensées, des sentiments, des sensations et des émotions liés à la léthargie
5.3 La performance de pointe
5.3.1 Les courbes de performance
5.4 Le rôle de la préparation mentale dans le sport
5.4.1 Les routines pré performance
5.4.2 Le développement de la force mentale
5.5 La synthèse de la discussion
5.6 Les forces et les limites de l’étude
CONCLUSION

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